Zoom sur la station de Montans
Couverts vivants permanents en AB, sélection variétale, essais « Ravageurs » et « Systèmes », conduite bio… La station Arvalis de Montans (Tarn) opère sur le temps long.
La station de Montans (81) réalise en continu des essais « Variétés », évaluant notamment leur résistance à la jaunisse nanisante de l’orge et leur tolérance à la carence en phosphore.
Nichée au milieu des vignobles de Gaillac, la station Arvalis de Montans (81) est implantée dans une région au milieu agronomique varié et souvent difficile. « Elle est idéale pour y installer des essais en conditions extrêmes : érosion, carences en minéraux, stress hydriques et thermiques… » note le chef de station, Régis Hélias, ingénieur régional pour le Tarn, le Lot et l’Aveyron.
Les grandes cultures locales sont principalement les maïs (grains, semence, pop-corn en irrigué) dans les vallées du Tarn, et le blé tendre et autres céréales à paille dans les coteaux pentus ; l’orge fourragère et le triticale sont davantage représentés dans les régions d’élevages du sud du Massif central. L’équipe a travaillé sur de nombreux sujets techniques et scientifiques qui, pour certains, sont très en amont du conseil quotidien aux agriculteurs, notamment plusieurs années à redéfinir les besoins en eau du maïs semence, du maïs grain et du sorgho.
Station de Montans
• Localisation : Montans (81)
• Création : 1976 (bureau régional d’Albi créé par Yves Chabanel)
• Surface : environ 10 ha uniquement en parcelles d’agriculteurs dans le Tarn et l’Aveyron
• Salariés permanents : 4
• Système : diversifié, notamment bio
• Activités : essais « Variétés », agriculture biologique, couverts permanents, résistance à la JNO, désherbage mécanique.
L’équipe de la station de Montans comprend Régis Hélias (ingénieur régional Sud-Ouest), Cécile Carabaca (assistante), Yann Brandt et Youssef Mestouri (techniciens), Gwendolan Piel et Arnaud Busquère* (apprentis), ainsi que des stagiaires et des temporaires en période de pointe.
*Absent de la photo
Un travail historique sur l’AB
Beaucoup d’agriculteurs de la région ont été les pionniers de la conduite « bio ». Aussi l’équipe de Montans s’est-elle intéressée au sujet dès 1987, notamment au désherbage mécanique des céréales à paille bio. La station a également multiplié les travaux sur l’azote : intérêt et qualité des engrais organiques, apports des légumineuses (en culture principale, en couvert d’interculture ou en association), variétés valorisant le mieux l’azote, biostimulants…
Un autre point problématique pour les prochaines générations est la nutrition des plantes en phosphore. Or les sols de la région en sont très pauvres - une situation qui fait de la station un site privilégié pour accueillir les essais sur le sujet. « Montans fournit à l’expérimentateur un temps d’avance sur la situation future des sols français, dont la teneur en phosphore baisse continûment », remarque Régis Hélias. « Un gros projet international a été fait ici de 2019 à 2022 pour identifier chez le blé les gènes d’intérêts qui rendent les variétés moins sensibles à cette carence. Des essais sur cette thématique pourraient être proposés, en prestations, pour d’autres espèces cultivées – c’est un chantier en réflexion. »
Une station pionnière du bio
« L’agriculture bio est née dans cette région » précise Régis Hélias. « Un mot tabou à l’époque : on parlait alors “d’extensification … ». En 1987, Yves Chabanel, premier directeur de la station, met en place un essai « Système » comparant le blé, l’orge, le tournesol et le lupin blanc conduits en bio, de façon conventionnelle ou avec 50 % de produits phytosanitaires en moins. Ces essais n’avaient pas établi de différences économiques significatives entre les trois systèmes. De nombreux produits de biocontrôle ont également été testés, ainsi que différentes plantes compagnes, dans le but de limiter la nuisibilité de la JNO en conduite bio. « Comme aucun de ces leviers ne protégeait efficacement les cultures contre la maladie, nous nous sommes tournés vers la lutte génétique, en explorant les résistances variétales » se rappelle Régis Hélias.
Une expertise sur la gestion des couverts permanents en AB
L’essai « Couverts vivants permanents en bio » s’inscrit typiquement dans le temps long. Une céréale à paille est semée entre les lignes d’une plante de service (luzerne) laissée vivante mais régulée mécaniquement. Les services rendus par cette dernière sont nombreux : apport d’azote au sol, maîtrise des adventices, limitation de l’érosion, stockage de carbone, fertilité et biodiversité améliorées… L’équipe de Montans a mis au point un matériel spécifique de « fauche » de la légumineuse dans l’inter-rang et optimisé les modalités de régulation du couvert.
Les travaux sur cette pratique très innovante suscitent un grand intérêt et génèrent des projets. D’abord GRAAL1, qui permet de tester la faisabilité technique et les intérêts agronomiques, puis BbSoCoul2, qui recherche les meilleurs couples de variétés blé dur-luzerne à associer ; en effet, la luzerne s’avère être la légumineuse la plus adaptée à ce mode de culture.
« Avec des couverts vivants permanents, rien n’est intuitif », prévient Régis Hélias. En AB, une légumineuse est habituellement en tête de rotation bio, et les cultures qui suivent ont des besoins en azote de plus en plus faibles. « Ici c’est le contraire : plus la luzerne est âgée, plus elle restitue d’azote à la culture ; les espèces de rente les plus gourmandes en azote sont semées en dernier » précise Yann Brandt, technicien de la station. Tant que la luzerne fournit des services à la céréale (apporter de l’azote, limiter l’érosion et le salissement), elle n’est pas détruite.
Cet essai longue durée a aussi montré qu’il y a beaucoup moins de chardons dans la céréale associée à une luzerne que dans celle semée en sol nu. Ce n’est pas le cas avec le sainfoin, qui se dépeuple au fil des ans et héberge plus d’adventices.
L’équipe a aussi travaillé les techniques de semis sous couvert vivant. « Le blé est semé en semis direct associé à un travail superficiel du rang, après le broyage de la légumineuse » explique Yann Brandt. « Ce type de gestion requiert un guidage RTK très précis, des outils et une rigueur sans faille - c’est de la joaillerie agronomique ! » souligne Youssef Mestouri, technicien spécialiste de la question. « Il faut en effet bien spatialiser les espèces dans un espace réduit. Et semis et fauchage de l’inter-rang doivent être alignés à 2,1 cm près. »
« Plusieurs équipes de recherche, en France (notamment à l’INRAE) comme à l’étranger, et de nombreux agriculteurs s’intéressent à cette innovation », s’enorgueillit-on à Montans. Depuis une dizaine d’années, l’équipe travaille aussi sur la précision du guidage RTK des tracteurs dans les pentes.
Un important volet « Variétés »
La station accueille aussi en permanence des essais variétaux. « Actuellement, nous menons deux essais en orge, deux en blé tendre et un essai “Triticale” de série B/CTPS, en conduite conventionnelle, plus deux essais en bio » précise Yann Brandt.
L’équipe s’intéresse désormais aux variétés de blé tolérantes à la JNO et à ce propos, Régis Hélias rapporte une anecdote : « Il y a douze ans, nous avons conduit le premier essai de sensibilité du blé tendre à la JNO. En visitant l’essai, un représentant de RAGT a découvert que la variété la plus sensible provenait de chez eux. Ce fut pour lui un électrochoc. Dix ans plus tard, RAGT Tweeteo était inscrite au Catalogue ! » Tweeteo reste aujourd’hui la seule variété de blé tendre tolérante à la JNO, mais les derniers essais ont distingué des variétés au comportement prometteur.
(1) Lire l’article La gestion d’un couvert permanent de luzerne en culture | perspectives-agricoles.com
(2) Projet CASDAR débuté en 2024 et porté par Sup’Agro-Montpellier en partenariat avec INRAE.
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