Production agricole mondiale : comment répondre à la demande alimentaire croissante ?

Une étude prospective de la FAO et de l’OCDE explore les voies qui s’offrent à l'agriculture mondiale pour augmenter sa production.

Avant la « révolution verte », survenue au milieu du siècle dernier, la croissance de la production végétale résultait essentiellement de l’augmentation des surfaces mises en production. Ainsi, jusqu’au milieu du XXe siècle, l’utilisation des terres agricoles augmentait proportionnellement à la population mondiale.

À partir des années 1960, le recours croissant aux engrais et aux pesticides, l’irrigation et l’amélioration des variétés végétales se sont traduits par une hausse spectaculaire des rendements dans de nombreuses régions du monde. Depuis, l’accroissement de la production végétale vient essentiellement des gains de productivité (augmentation des rendements et intensification des cultures) bien plus que de l’expansion des surfaces cultivées. Dans le même temps, les progrès en sélection animale, l’utilisation d’aliments à forte valeur énergétique et protéique, et l’amélioration continue des mesures de lutte contre les maladies (et de la gestion de la production en général) ont accru la productivité dans le secteur de l’élevage.

Bien que la population mondiale ait plus que doublé depuis 1960, et que la production alimentaire mondiale ait plus que triplé, on estime que l’utilisation totale des terres agricoles (cultures et pâturages) n’a augmenté que d’environ 10 %. À l’heure actuelle, l’agriculture utilise près de 40 % des terres de la planète, dont quelques 70 % en pâturages.

Une croissance de la production sans grande incidence sur les surfaces cultivées

Pour la décennie à venir, les projections de l’OCDE et de la FAO prévoient que la production agricole mondiale augmentera d’environ 14 % - plus que la population mondiale qui, en moyenne, disposera donc de davantage de nourriture. Dans le même temps, l’utilisation des terres agricoles ne changera globalement pas (figure 1), ce qui suppose que l’intensification de la production se poursuive.

En Amérique du Nord et en Europe, où les rendements et la productivité atteignent déjà des niveaux élevés et où les politiques environnementales limitent les possibilités d’expansion des terres agricoles, la croissance de la production devrait rester modeste dans les dix prochaines années. Aussi les 14 % de croissance de la production agricole se répartiront-ils essentiellement entre les pays émergents et les pays en développement grâce à un rattrapage technologique, ainsi qu’à une hausse des investissements et de la disponibilité des ressources (en Amérique latine, notamment).

Selon le rapport FAO/OCDE, l’extension des terres cultivées se fera au détriment des pâturages - lorsqu’elle est possible, car en Océanie ou en Afrique, par exemple, une grande partie des terres ne peut être exploitée que pour le pâturage. Cependant, dans quelques régions, une partie des pâturages devrait néanmoins être convertie en terres cultivées. Ce sera le cas en Tanzanie, par exemple, où la superficie agricole des exploitations commerciales devrait augmenter.

Dans tous les cas, l’extension des surfaces agricoles sera principalement limitée par la structure du secteur en petites exploitations, par les conflits qui sévissent dans les pays où la terre est abondante, ainsi que par la perte de terres agricoles due à la dégradation des sols, à des activités minières et à l’étalement urbain.

Quand les surfaces augmentent peu, la productivité doit être améliorée

Au cours des dix prochaines années, la production de céréales devrait croître de 384 millions de tonnes (Mt), celle des oléagineux de 84 Mt, de 41 Mt pour les racines et tubercules, de 19 Mt pour les légumineuses et de 3 Mt pour le coton. Concernant les céréales et l’huile de palme, cette croissance résultera principalement d’investissements dans l’amélioration des rendements, et d’une extension des surfaces conjuguée à de meilleurs rendements dans le cas des autres oléagineux, du coton et de la canne à sucre. L’augmentation de la production de blé sera particulièrement notable en mer Noire : les investissements publics dans les infrastructures et les techniques agricoles (notamment l’amélioration des semences) ont poussé les rendements à la hausse ces dernières années ; cette tendance devrait se poursuivre.

« Accroître la productivité agricole avec moins de ressources et tout en protégeant les petites exploitations constitue un véritable défi. »

Dominée par les Amériques, la production de maïs et de soja augmentera sous l’effet combiné de changements d’affectation des terres et d’investissements dans l’amélioration des rendements. En Argentine et au Brésil, la pratique actuelle de la double culture de maïs et de soja, encore peu développée, devrait accroître ces productions par l’utilisation plus intensive des terres déjà exploitées. En revanche, en Amérique du Nord, l’extension des superficies de maïs et de soja passe presque uniquement par la substitution à d’autres cultures. Aussi la hausse des rendements devrait être tirée essentiellement par les progrès de la sélection végétale, la plupart des exploitations étant déjà parvenues à l’optimum technique de production. Selon les projections, malgré une hausse plus rapide dans les régions moins productives, les rendements du maïs présenteront encore des disparités considérables en 2028 (figure 2).

Une forte influence des politiques de gestion durable et de la R&D

Les rendements des autres cultures resteront eux aussi très variables selon les pays, ce qui s’explique en partie par la diversité des conditions agroécologiques mais aussi par la possibilité ou non d’accéder aux variétés améliorées et aux intrants. En Afrique subsaharienne, par exemple, où l’utilisation d’engrais et d’autres intrants (en particulier des herbicides) progresse depuis quelques années dans plusieurs pays de cette région, des efforts soutenus pour mettre au point des variétés améliorées adaptées aux conditions locales et optimiser les pratiques culturales devraient entraîner de nouvelles hausses des rendements.

En revanche, dans les régions où l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires est déjà répandue, les variétés améliorées devraient être le principal levier de progression des rendements (encadré).

L’innovation variétale joue un rôle important

Depuis plus de soixante ans et particulièrement ces dernières années, les innovations de la sélection végétale ont beaucoup amélioré les rendements, la qualité et la résilience des productions agricoles. Au nombre de ces innovations figure l’hybridation de nouvelles espèces. Lorsque deux lignées consanguines sont croisées, il en résulte une semence dont la vigueur et la stabilité des rendements sont renforcés, un phénomène appelé hétérosis. De nouvelles techniques permettent aujourd’hui de créer des variétés hybrides de blé et de riz - par exemple des blés moins vulnérables au changement climatique* et des hybrides de riz japonica produisant des semences clonées dont les coûts de production sont réduits. Les techniques récentes de sélection génomique devraient également accélérer et améliorer la sélection, selon les réglementations applicables dans les différents pays. Une limite à ces technologies reste les moyens et les modes de diffusion : d’après les estimations, les treize premiers producteurs mondiaux de semences n’atteignent pas plus de 10 % des cinq cent millions de petites exploitations agricoles présentes dans le monde.

(*) Voir le dossier « Résilience des productions agricoles » de Perspectives Agricoles n°475, mars 2018.


Étant donné la quantité importante de ressources naturelles consommées par l’agriculture et sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre, la prochaine décennie devrait voir la montée en puissance de politiques de gestion durable de l’environnement qui pourraient peser sur la croissance de la production. En effet, les mesures de soutien à l’agriculture et de gestion environnementale durable ont déjà un effet direct et visible sur la production. Néanmoins, d’autres mesures peuvent avoir des effets plus importants mais à plus long terme, comme les incitations à l’investissement public et privé dans la recherche-développement (R&D) agricole. Ce dernier facteur constitue, sur le long terme, le critère le plus déterminant de la croissance de la productivité dans le secteur de l’agriculture et de l’élevage. 

(1) D’après le rapport commun de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2019-2028 ».

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