Pour calculer les charges de mécanisation, reprendre le tableau des annuités d’emprunt et les factures d’entretien est facile, mais les chiffres obtenus peuvent induire en erreur. L’emprunt souscrit ne correspond pas toujours à l’intégralité de l’investissement : il n’intègre ni la reprise du matériel précédent, ni l’éventuel autofinancement.
Se projeter et planifier
« La méthode la plus juste de mon point de vue s’appuie sur la valeur d’achat du matériel, à laquelle on retranche la valeur de revente au bout d’un nombre donné d’années d’utilisation, qui correspond au temps de présence réel du matériel sur l’exploitation », indique Sylvain Deseau. On y ajoute ensuite les différentes factures d’entretien. Cette méthode implique de se projeter et de définir à l’avance quand tel ou tel outil sera vendu : dans 5, 10 ou 15 ans ? La méthode est exigeante : elle impose d’affecter les factures par matériel au fur et à mesure de leur règlement et de noter leur valeur d’achat. Si elle peut paraître fastidieuse, elle permet aussi d’intégrer des stratégies d’achats et de vente de matériel et de comparer la valeur obtenue avec le prix de travaux par tiers ou de celle d’un travail en Cuma. Et ainsi de voir quelle serait la meilleure formule.
« Le point d’entrée le plus simple, c’est la consommation de carburant », avance par ailleurs Yvon Verson, expert agricole en Seine-Maritime. Avec un argument imparable : c’est un indicateur très facile à calculer. Plus exactement, c’est un révélateur. Ce n’est pas le poste le plus important des charges de mécanisation – qu’il représente à hauteur de 10 à 15 % seulement – mais c’est un révélateur de l’utilisation du matériel. « Selon la configuration des exploitations, leur système et leurs techniques culturales, le niveau de consommation de GNR peut varier de manière importante. En général, en système de grandes cultures, ils oscillent entre 50 à 80 l/ha », rappelle l’expert. Et qu’indique une consommation de carburant autour de 80 l/ha ? Un Un nombre élevé d’heures de machines, lequel implique autant une usure du parc importante – et pas seulement des tracteurs - qu’une forte utilisation de main-d’oeuvre. Des éléments qui peuvent peser lourds dans un compte d’exploitation et fragiliser une entreprise. Dans le même esprit, le nombre d’heures au compteur des tracteurs est utile. « Un tracteur qui fait 300 heures par an en grandes cultures est sous-utilisé et justifie de se poser des questions. Le seuil de rentabilité d’un tracteur neuf se situe entre 600 et 700 heures d’utilisation annuelle », complète Pascale Laurain (encadré).
Conserver un tracteur sous-utilisé ou pas ?
Acheter un tracteur neuf qui n’effectuera que 200 h/an, est-ce gênant ? Pas s’il reste longtemps sur l’exploitation. Quoique, au fil des années, tous les engins perdent de la valeur et peuvent devenir complètement obsolètes : par exemple, les acheteurs de tracteurs dont la vitesse n’est que de 25 km/h sont rares. Surtout, avec les années, certaines pièces peuvent devenir défaillantes, en particulier s’il s’agit d’électronique, et impliquer des réparations coûteuses. Lesquelles peuvent faire grimper les charges de mécanisation si l’entretien est effectué en concessions.
Quel est l’objectif recherché ?
Mais comment concilier maîtrise des coûts et matériel performant ? D’abord en s’assurant que le matériel présent sur la ferme est bien dimensionné au regard du travail à réaliser. De combien de jours dispose-t-on pour semer les cultures d’automne ces trois dernières années ? Et pour moissonner quand les récoltes sont mûres ? Les fenêtres de tir sont parfois (très) réduites : les pluies de juillet et d’octobre-novembre 2023 sont encore dans toutes les têtes. Répondre à ces questions, en les comparant aux nombres de jours pour semer ou moissonner, permettra de voir si votre parc matériel est adapté aux travaux. « Le facteur déterminant, c’est l’objectif de chacun. On ne peut pas dissocier la stratégie d’équipement et le fonctionnement de l’exploitant : recherche-t-on la sécurité, ou accepte-t-on une prise de risques ? », interroge Yvon Verson. Chaque exploitation est différente ! Si la fiscalité fait partie des arguments de décision pour l’investissement, la rareté de la main-d’œuvre incite à s’orienter vers des équipements plus puissants et plus performants.
Posséder son propre matériel par souci de sécurité sera nécessairement plus coûteux que de tout partager. L’achat en commun permet de diluer les charges. « Travailler collectivement est souvent la solution qui permet le plus facilement de diminuer les charges de mécanisation », confirme Sylvain Deseau. Mais cette solution a ses limites : il faut bien s’entendre et, si l’on intègre une CUMA, en respecter les règles, lesquelles diffèrent d’une entreprise de travaux. Il faut aussi accepter, certaines années, de récolter ou de semer plus tard. « Un achat à plusieurs s’étudie sereinement, plutôt par temps calme, et il faut bien définir les règles de fonctionnement avant de se lancer : qui utilise le matériel en premier, qui se charge des éventuelles réparations, avec quelles clés de répartition des frais ? », avertit Sylvain Deseau. Le travail en commun est – c’est connu – une source fréquente de mésententes.
STRATÉGIE D’ÉQUIPEMENT : une question d’état d’esprit et d’objectifs
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