Finition des vaches charolaises de réforme : les vaches jeunes sont-elles plus rentables à engraisser ?

Dans les systèmes d’élevage allaitant, les ventes des vaches de réforme finies représentent 20 à 30 % du produit viande des exploitations. L’optimisation de la phase de finition est donc un enjeu économique important, trop souvent sous-évalué.
Engraissement et valorisation des vaches Charolaises de réforme

Avec 24 % de la production de viande nationale en 2018(1), la vache de réforme constitue le premier animal engraissé dans les systèmes d’élevage allaitant. Au sein de cette catégorie, il existe une grande hétérogénéité d’animaux et de pratiques. Les questions sur leur finition sont nombreuses : quelle vache vaut-il mieux engraisser ? Quelle ration distribuer ? Pour quelle durée d’engraissement ?

La Ferme expérimentale des Bordes à Jeu-les-Bois (36) s’est intéressée à l’effet de l’âge et de la note d’état corporel en début de finition, afin de mieux appréhender les niveaux de consommation et les performances des vaches de réforme charolaises. L’état corporel des vaches est évalué à la queue et aux côtes par palpation selon la méthode définie par Agabriel et al. en 1986 ; la note d’état corporel (NEC) varie de 0 (animal très maigre) à 5 (très gras).

L’essai(2) a été conduit avec quarante-huit vaches réparties en quatre lots de douze bêtes, selon deux catégories d’âges et deux catégories de notes d’état corporel : les vaches de moins de 8 ans ayant une note inférieure à 1,5 ; celles de moins de 8 ans ayant une note supérieure à 2 ; celles de plus de 10 ans avec une note inférieure à 1,5 ; et enfin celles de plus de 10 ans avec une note supérieure à 2.

L’ensemble des lots a reçu une ration mélangée à base d’enrubanné de ray-grass italien, 5 kg brut de blé et 1,3 kg brut de tourteau de colza, avec de la paille à volonté. Les vaches ont ingéré en moyenne 15 kg de matière sèche par jour ; les vaches « jeunes » (moins de 8 ans) ont ingéré en moyenne 1,4 kg MS/jour de plus que les vaches « âgées » (plus de 10 ans). La ration apportait en moyenne(3) 11,7 UFV, 1 100 PDIN et 1 190 PDIE, avec un rapport azote/énergie de 94 PDI/UFV, conforme aux recommandations de l’Inrae. (Il n’est, en effet, pas utile d’équilibrer une ration au-delà de 100 PDI/UFV ; l’ajout de protéines ne sera pas valorisé par l’animal et induira un coût de ration supérieur.) Les animaux ont été abattus après une période de 111 jours en bâtiments, dont 13 jours de transition alimentaire et 98 jours d’engraissement entre novembre 2018 et février 2019. Un système d’alimentation automatisé a permis de déterminer les quantités ingérées par lot. Des pesées mensuelles ont été réalisées afin d’apprécier la croissance des animaux.


« Si les performances techniques sont en faveur des vaches de moins de huit ans, les marges sur coût alimentaire sont équivalentes pour toutes les catégories de vaches. »


Un effet marqué de l’âge sur la vitesse de croissance et le gain de poids final

L’âge des animaux a un impact sur le gain moyen quotidien (GMQ), alors que la note d’état a peu d’effet sur ce critère. Les animaux de moins de 8 ans ont ainsi réalisé des croissances moyennes sur la période expérimentale de 1179 grammes par jour contre 793 g/j pour les vaches de plus 10 ans. Plus précisément, si l’ensemble des vaches réalise des croissances supérieures à 1000 g/j sur les trente premiers jours d’engraissement, les vaches de plus de 10 ans ont une croissance qui décroche rapidement entre 30 et 60 jours (figure 1). De plus, à la fin de l’engraissement, 37 % des vaches de plus de 10 ans ont réalisé des croissances faibles (inférieures à 700 g/j), alors qu’aucune vache de moins de 8 ans n’est descendue sous ce seuil.

Les résultats (figure 2) sont également marqués par la forte hétérogénéité entre animaux au sein d’une même catégorie, comme l’illustre l’étendue des « moustaches » dans la figure. La variabilité des performances est plus importante dans les lots de vaches de plus de 10 ans : l’écart entre le gain minimum et le gain maximum atteint 100 kg chez celles ayant eu une note NEC inférieure à 2.

L’ensemble des animaux abattus correspondaient à la demande du marché, même si certains animaux auraient eu besoin de quelques jours d’engraissement supplémentaires.

Aucun effet de l’âge ou de la note d’état corporel ne ressort de l’analyse des résultats d’abattage (tableau 1). Seule la répartition des animaux selon les classes de conformation de la grille EUROP montre une tendance à un effet de la note d’état corporel en début d’essai. Les lots les mieux conformés seraient les lots de vaches de moins de 8 ans et les lots de vaches avec une note d’état corporel supérieur à 2 en début de finition.



Des marges réduites dans ce système d’engraissage spécialisé

Les marges sur coût alimentaire (tableau 2) correspondent au prix de vente de la carcasse diminuée du coût alimentaire et de l’achat de la vache maigre. Le prix du maigre est le prix de la vache achetée par un atelier d’engraissement. Le prix du gras est le prix de vente de la vache pour l’abattoir (hors taxes obligatoires et frais de fonctionnement des fournisseurs).

Les prix des aliments sont ceux observés pendant l’essai, sauf le prix de l’enrubanné de raygrass italien qui a été calculé avec l’outil Coût Fin de la chambre d’Agriculture de la Creuse. Le prix du blé était de 170 €/t brut, du tourteau de colza, de 290 €/t brut, de l’enrubanné de 92 €/t MS, et de la paille, de 65 €/t brut. Dans le cadre de l’étude, les coûts alimentaires ont été, en moyenne, supérieurs à 200 € par vache sur la période expérimentale de 98 jours. Le coût alimentaire journalier moyen s’élève ainsi à 2,1 €/j. Pour obtenir une marge nette à partir de cette marge sur coût alimentaire, un certain nombre de charges sont encore à soustraire, telles que les frais vétérinaires (13 €/vache de déparasitage), le paillage (40 €/vache), l’eau, l’énergie (électricité et fioul), la mécanisation, sans oublier la main-d’œuvre et l’amortissement.

Économiquement, il est difficile de conclure sur l’intérêt d’engraisser plutôt telle ou telle catégorie d’animaux, malgré les bonnes performances techniques des vaches de moins de 8 ans. En effet, les animaux de plus de 10 ans, malgré de plus faibles croissances et une valorisation moindre par le marché, ont finalement dégagé des marges équivalentes aux vaches de moins 8 ans dans le contexte technico-économique de la ferme expérimentale des Bordes, notamment en raison de leurs coûts d’achat et alimentaire plus faibles.

Les résultats sont très sensibles aux paramètres de l’étude (poids vif initial, rendement carcasse, prix gras/maigre, contexte de prix aliments). Les différences de contexte de prix des animaux (gras/maigre) entrainent des variations de marge sur coût alimentaire aussi conséquentes que les différences de contexte de prix des aliments. En outre, le faible effectif de l’essai et la forte hétérogénéité de cette catégorie d’animaux incitent à la prudence concernant l’interprétation de ces premiers résultats qui demandent à être confirmés par de nouveaux essais.

D’autre part, l’analyse a été réalisée dans le cas d’un système engraisseur spécialisé. Cependant, les systèmes naisseurs-engraisseurs ont des marges de manœuvre plus importantes dans le choix des vaches mises à l’engrais.

Finalement, étant donné l’importante hétérogénéité des performances techniques selon les animaux, il convient avant tout d’adapter l’engraissement à chaque individu. Le choix des animaux à engraisser est d’autant plus important que ceux-ci sont âgés. C’est là où « l’œil de l’éleveur » prend tout son sens pour choisir un animal « typé viande » selon le passé de l’animal, ses antécédents sanitaires, ses bons aplombs… Globalement, il n’est pas intéressant économiquement de dépasser des durées d’engraissement de plus de cent jours, au risque de voir s’envoler les coûts alimentaires.


(1) En tonnes équivalent carcasse. Données GEB IDELE.
(2) Essai réalisé en partenariat avec l’OIER des Bordes, organisme inter-établissements du réseau chambres d’Agriculture.
(3) UFV (unité fourragère viande) : quantité d’énergie nette absorbable lors de l’engraissement d’un ruminant.
1 UFV = 1820 kcal. PDIN : Protéines digestibles dans l’intestin grêle permises par l’azote apporté par l’aliment.
PDIE : protéines digestibles dans l’Intestin grêle permises par l’énergie apportée par l’aliment.



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