Couverts entre deux cultures de maïs grain : quelles stratégies retenir ?
En Alsace, l’enchaînement de deux cultures de maïs grain est très peu favorable à l’implantation de couverts végétaux d’interculture. Pourtant, certaines situations offrent tout de même de l’espoir quant aux résultats agronomiques obtenus. La synthèse de trois années d’essais menés dans cette région présente les stratégies à retenir.
Sujet controversé par le monde agricole, l’introduction de couverts végétaux entre deux cultures de maïs grain s’avère difficilement envisageable au regard des systèmes de monoculture de maïs alsaciens. En effet, les dates de récoltes tardives du maïs grain, les sols argileux dominants et la pratique du labour d’hiver étant ancrés dans les itinéraires techniques, ne permettent pas d’obtenir des couverts végétaux suffisamment développés en sortie d’hiver, ni même au début du printemps, avant leur destruction. Sans parler des hivers alsaciens à faible offre de températures, conditionnant principalement la croissance des couverts implantés, tout comme les coûts d’implantation plutôt élevés au vu du faible retour sur investissement (faibles biomasses et peu d’avantages sur la fertilité des sols).
Afin de faciliter l’intégration des couverts dans les systèmes, des techniques d’implantation performantes sont à trouver, dont l’objectif est d’optimiser la levée et d’obtenir une biomasse à destruction du couvert qui maximisera les bénéfices agronomiques.
Trois techniques d’implantations testées
Afin d’obtenir une couverture du sol entre deux cultures de maïs grain, trois techniques d’implantation du couvert sont envisageables (figure 1). Tout d’abord, un sous-semis précoce du couvert, au stade « 6-10 feuilles » du maïs (entre fin mai et début juin) ; sinon un sous-semis tardif avec un drone au stade « sénescence » du maïs (en septembre) ; ou encore, un semis après la récolte du maïs (en octobre).
Le sous-semis précoce et le semis post-récolte présentent des taux de levées des couverts acceptables (figure 2), compris entre 30 % pour le sous-semis précoce et 46 % pour le semis post-récolte, tous sites et campagnes d’essais confondus (2023 à 2025). Le sous-semis tardif au drone est quant à lui en retrait, avec seulement 4 % de taux de levée en moyenne, dû aux mauvaises conditions d’implantations des couverts sur les automnes 2023 (chaud et sec) et 2024 (frais et humide). Ces faibles taux de levée s’expliquent également par des semences déposées en surface (à la volée), qui sont davantage soumises aux aléas hydriques (manque d’eau ou alternance humide-sec) ainsi qu’aux ravageurs tels que les limaces (années humides).
De faibles biomasses moyennes
Quelle que soit la technique d’implantation, les biomasses moyennes mesurées sur les couverts sont globalement faibles, oscillant entre 0,04 et 1,17 t MS/ha en moyenne au pic de biomasse atteint avant destruction, à savoir avant récolte du maïs en octobre pour le sous-semis précoce et avant destruction et semis du maïs au printemps pour le sous-semis tardif et le semis post-récolte (figure 3). En sous-semis précoce, le trèfle violet semble être une espèce bien adaptée, tandis que la vesce velue d’hiver semble plus sensible à l’ombrage généré par le maïs en culture.
Les sous-semis tardifs affichent de très faibles biomasses mesurées, en relation avec les faibles taux de levées (figure 2) et des conditions de développement hivernal non favorables aux espèces implantées (crucifères). Enfin, en semis post-récolte, les légumineuses telles que la féverole et le pois fourrager affichent des biomasses plus faibles en moyenne comparé aux graminées telles que le seigle fourrager. Seuls quelques sites d’essais (4 sur 27 soit environ 15 %), où les conditions de développement du couvert ont été favorables, montrent des biomasses élevées, supérieures ou égales à 1,5 t MS/ha.
Plus de souplesse en sol léger
Le type de sol et l’accès à la ressource en eau constituent les principaux éléments de réflexion quant au choix de la technique d’implantation à mettre en place pour obtenir une couverture du sol entre deux cultures de maïs grain.
Irrigation et concurrence entre couverts et maïs
En zone de monoculture de maïs, les parcelles sont pour la plupart irriguées, ce qui limite l’impact négatif d’une éventuelle concurrence hydrique et/ou minérale (azote principalement) des couverts avec le maïs grain suivant en cas de destruction tardive ou de printemps sec.
Le type de sol, quant à lui, influe plus largement le choix de la technique d’implantation (figure 4).
Influence du type de sol sur les techniques d’implantation
En cas de sol léger (sableux, caillouteux ou limoneux), les trois techniques de semis des couverts végétaux sont envisageables. Ceci est rendu possible par le fait qu’aucune préparation du sol avant l’entrée en hiver n’est requise dans ces sols où l’intervention de la plupart des outils de destruction est possible en sortie d’hiver (charrue, déchaumeurs à dents ou à disques, par exemple).
Ainsi, les techniques de sous-semis précoce ou tardif, qui ne requièrent aucun travail du sol après la récolte du maïs pour permettre le développement du couvert à l’automne, sont envisageables. Il est également possible d’implanter un couvert post-récolte du maïs grain avec des techniques de semis simplifié (à la volée puis enfouis au déchaumeur par exemple).
Choix des espèces et gestion du couvert avant le maïs
On pourra semer au choix un mélange à dominante de graminées et/ou de légumineuses non gélives (seigle, avoine d’hiver, triticale, féverole, pois fourrager, vesce velue, trèfle incarnat). Les graminées couvrent rapidement le sol et présentent des coûts d’implantation faibles (15 à 20 €/ha en semences fermières), mais nécessitent une destruction anticipée (1 mois avant le semis du maïs) pour limiter le risque de concurrence et éviter d’avoir des repousses de graminées dans la culture.
Les légumineuses telles que la féverole d’hiver coûtent plus cher à l’implantation (environ 50 €/ha en semences fermières), et demandent un peu plus de temps d’implantation. Elles permettent de retarder la destruction du couvert de 7 à 10 jours avant le semis du maïs suivant. Elles contribueront à l’alimentation azotée de la culture suivante en fonction de la biomasse aérienne atteinte.
Ainsi, le pic de travail principal d’introduction des couverts entre deux cultures de maïs dans les sols légers intervient au début du printemps (destruction des couverts, préparation du lit de semence et semis du maïs), en veillant aux conditions d’intervention et à la météo.
Des contraintes en sol lourd
En cas de sol lourd (argileux, argilo-limoneux, hydromorphe), une préparation de sol profonde anticipée pour le futur lit de semences du maïs grain suivant est nécessaire à l’automne. Elle peut être réalisée par un labour avant semis du couvert post-récolte ou par un passage d’outil prévu pour réaliser du pseudo-labour (charrue Perrein, Cracker d’Alpego, Topdown de Väderstad, par exemple). Aussi, aucun sous-semis (précoce ou tardif) n’est-il envisageable dans les sols lourds du fait de la nécessité de travailler le sol à l’automne.
Un semis post-récolte axé sur la légumineuse
Pour le semis de couvert post-récolte du maïs, ce dernier interviendra généralement avec un combiné de semis herse rotative avec semoir. On privilégiera les légumineuses telles que la féverole d’hiver afin de maintenir le couvert le plus longtemps possible (jusqu’en sortie d’hiver, voire au début du printemps), avec une destruction simplifiée au vibroculteur et/ou vibro-déchaumeur.
Associations d’espèces et contraintes réglementaires
L’association d’une espèce non légumineuse telle que la phacélie est obligatoire en zone vulnérable. Les graminées sont à proscrire en sol lourd étant donné de leur probable difficulté de destruction par voie mécanique (les sols lourds restent plus humides en sortie d’hiver) et de l’interdiction d’employer du glyphosate en cas de labour à l’automne précédent et suivant.
Organisation du travail et coûts en sol lourd
Ici, le pic de travail intervient à l’automne après la récolte du maïs, où le labour suivi de l’implantation des couverts nécessite du temps, avec pour conséquence des coûts d’implantation plus élevés qu’en sol léger. C’est également la période de récolte du maïs, où il est parfois compliqué de trouver la main-d’œuvre, le temps disponible et le matériel agricole nécessaire.
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