Les précautions à prendre pour un bon ensilage de CIVE

Comment éviter la production de jus et conserver le potentiel méthanogène des ensilages de CIVE d’hiver ? Un chantier d’ensilage de CIVE requiert efficacité et technicité. De la conduite de la culture au respect des conditions de récolte et de stockage, plusieurs étapes méritent d’être respectées.
Lors de la récolte, un compromis doit être trouvé entre le stade de maturité de la CIVE et le rendement atteint.

La production des jus d’ensilage dans les silos de CIVE entraine une perte de potentiel méthanogène si ces derniers ne sont pas injectés rapidement dans le méthaniseur. Pour les plantes les plus humides, plus de 10 % du potentiel méthanogène de la récolte peuvent  s’écouler dans ces volumes d’effluents liquides (figure 1). Comment réduire ces volumes ? En observant des pratiques de récolte adaptées, liées à la conduite de culture et aux conditions de récolte.

Figure 1 : Estimation du volume de jus d’ensilage produit en fonction du taux de matière sèche de la récolte.

Les volumes de jus sont négligeables à partir d’un taux de matière sèche (MS) à la récolte de 30 %. En pratique, le volume de jus reste acceptable jusqu’à des teneurs en MS de 25 % mais croissent de manière exponentielle en dessous. Pour atteindre ce seuil, le premier levier consiste à récolter la CIVE à un stade optimal.

Atteindre le taux de MS optimal

Chez de nombreuses espèces végétales exploitées en CIVE, le taux de matière sèche est intimement lié au stade de maturité de la plante. Choisir une variété de CIVE précoce et semée tôt permet de viser un stade de maturité et un taux de MS appropriés (« épiaison » à « début floraison »  pour des graminées).  Pour d’autres espèces, comme le seigle, l’offre est plus limitée. Attendre le taux de MS optimal pour récolter implique alors d’adapter son calendrier au rythme de développement de la CIVE, ce qui peut être incompatible avec la bonne conduite de la culture suivante.

Le préfanage, consistant à faire sécher naturellement la biomasse au champ, permet de gagner rapidement plusieurs points de matière sèche et ainsi de limiter voire d’éviter la formation d’effluents. La mise en œuvre du préfanage n’est intéressante que dans un cas : lorsqu’une fenêtre météorologique adaptée est attendue. Si les conditions météo ne sont pas optimales, un ensilage direct est préférable car le taux de MS idéal de 30 % ne pourra pas être atteint dans les temps.

Pour que le préfanage soit intéressant, sa durée ne doit pas excéder 48 heures car des pertes énergétiques importantes dues au métabolisme de la plante et à une activité microbienne aérobie surviennent lors des fenaisons longues.

Par ailleurs, il est important de ne pas appliquer un préfanage trop intensif. Au-delà de 35 % de MS, le tassage de l’ensilage sera rendu difficile, ce qui pourra engendrer d’autres dégradations au cours du stockage et lors de l’ouverture du silo.

Le préfanage est surtout appliqué aux couverts denses semés à faible écartement (céréales, fourragères, sorghos multicoupes…). Il est déconseillé pour d’autres CIVE comme le tournesol, le maïs et le sorgho monocoupe semées « en pur », car il implique des durées longues de 2 à 3 jours et complexifie fortement la récolte (reprise de la biomasse au sol). Le co-ensilage avec un substrat sec de type paille ou miscanthus pourrait être une alternative au préfanage, mais sa mise en œuvre pratique en silo reste à travailler.

Éviter les excès de jus dans le méthaniseur

Lorsque d’importants volumes de jus sont collectés et méthanisés, attention à ce que le méthaniseur soit en capacité d’accepter le surplus de matière organique. La concentration en matière organique de ces jus peut en effet atteindre des valeurs 10 fois supérieures à celles des lisiers. De même pour les teneurs en azote, phosphore et potassium. Le pic de production de jus arrive une semaine après la fermeture des silos et 90 % des volumes sont produits durant le premier mois de stockage.

Les unités de méthanisation dotées de silos de grande taille  peuvent produire de grands volumes d’effluents. Les flux peuvent représenter plusieurs dizaines de Nm3 CH4/h pendant les premières semaines après la fermeture des silos. Essentiellement composés de matière organique très rapidement dégradable, ils peuvent également causer un déséquilibre et une acidification du digesteur. Dans ces situations, installer une fosse à effluent permettra de maîtriser leur incorporation dans le méthaniseur et d’éviter les problèmes.

Préserver l’herméticité du silo

L’herméticité  à l’air du silo est essentielle à sa bonne conservation : lorsque de l’oxygène entre dans le système, des conditions aérobies sont remises en place et l’équilibre est rompu. Ces conditions d’exposition à l’air ont majoritairement lieu à la récolte, de la fauche jusqu’à la fermeture du silo, et lors de son ouverture. Si la fermeture du silo n’est pas idéale, l’air peut également pénétrer au cours du stockage et causer d’importantes dégradations. Les pertes cumulées peuvent atteindre près de la moitié du potentiel méthanogène initial.

À chaque étape – récolte, fauche, fermeture et ouverture du silo – trois précautions permettent de limiter les risques : tassage optimal du silo, couverture efficace et bonne gestion du front d’attaque.

Une bonne conservation ne peut s’opérer que si l’herméticité est garantie dès les premières heures après la fin du chantier de récolte. Il faut faire vite et bien. Pour permettre un tassement adéquat, la finesse et la régularité de hachage comptent : les morceaux de plus de 20 mm sont à proscrire.

L’herméticité de fermeture du silo a un impact crucial sur les dégradations aérobies. Une bonne couverture associée à un tassement correct permet de limiter les pertes à quelques pourcents. En revanche, si la couverture n’est pas efficace ou absente, les couches extérieures du silo peuvent subir jusqu’à 80 % de pertes après seulement trois mois de stockage. Les pertes totales peuvent atteindre 30 % du potentiel initial. Si le tassement n’est pas suffisant, l’oxygène pénètre plus en profondeur et les pertes s’accentuent.

Les bâches plastiques garantissent l’herméticité du silo

Pour éviter la couverture des silos avec des bâches en plastique, des alternatives se développent. Le plastique n’a pas la cote. Ces alternatives consistent par exemple à semer des céréales au sommet du silo pour le recouvrir. Dans le cas de Cive ensilées, cette pratique peut sembler intéressante car l’ensemble peut alimenter le méthaniseur, sans s’épuiser à débâcher. Cependant, l’herméticité est imparfaite, d’autant plus que le couvert met du temps à se développer et sa pérennité peut être affectée par le climat. Ces alternatives ne garantissent pas la bonne conservation de l’ensilage. Même si leur impact sur la préservation du potentiel méthanogène à l’échelle du silo est encore peu documenté, les éléments disponibles à ce jour laissent entrevoir des pertes quantitatives et énergétiques importantes. à ce jour, seules les bâches en plastiques permettent de sceller efficacement les silos.

Anticiper la vitesse d’avancement

L’ouverture du silo est également à préparer : si l’air pénètre par le front d’attaque, l’ensilage s’échauffera et les dégradations seront rapides (figure 2). Après deux jours d’exposition, les couches superficielles peuvent avoir perdu 20 % de leur potentiel méthanogène initial, particulièrement en conditions chaudes.

Figure 2 : Cinétique de dégradation de l’ensilage mis en contact avec l’air.
Cinétique de dégradation de l’ensilage mis en contact avec l’air.
(Zhang et al., 2018).

Afin d’éviter ce phénomène, une vitesse d’avancement d’au moins 15 cm par jour est recommandée en hiver, et de 25-30 cm/j en été. La température ambiante conditionne la vitesse de développement des micro-organismes. Si l’ensilage n’a pu être tassé de façon optimale, la pénétration de l’air est supérieure et la vitesse d’avancement doit être augmentée. Pour respecter la cible de vitesse d’avance du front d’attaque, le dimensionnement des silos doit être prévu en conséquence. Les silos « étroits et longs » permettant des vitesses d’avancement plus élevées sont préférables aux silos « larges et courts ».

Dans l’ensilage, les bactéries naturellement présentes produisent divers acides (propionique, acétique et butyrique) qui concourent à ralentir la croissance des micro-organismes aérobies indésirables (tableau 1). L’acide lactique seul permet d’obtenir un pH bas mais n’a aucun effet sur la stabilité aérobie, c’est-à-dire la stabilité de l’ensilage après ouverture du silo.

L’ajout de conservateurs d’ensilage à base de bactéries lactiques hétérofermentaires, comme L. buchneri, permet d’augmenter la production d’acides acétique et propionique et ainsi la stabilité aérobie. Mais attention : si la gestion du silo est inappropriée, ces conservateurs ne feront que réduire les pertes.

Tableau 1 : Effet de plusieurs paramètres chimiques sur la stabilité aérobie.

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