Protection du maïs : quels sont les goûts préférés des taupins ?

Le projet Loto doit déterminer pour quelles raisons le taux de plants de maïs attaqués par les taupins varie selon les lots de semences, en l’absence de toute protection insecticide. Il en tirera des critères d’intérêt pour améliorer la protection des semis.
Une chimie subtile relie le maïs et ses ravageurs

Des expérimentations réalisées par Arvalis ont mis en évidence des différences d’intensité d’attaques de taupins entre variétés de maïs, mais également entre lots de semences de maïs d’une même variété. Les composés organiques volatils émis par les variétés ayant subi des niveaux d’attaques très contrastés lors de ces expérimentations ont été analysés au laboratoire par l’Université de Liège. Des différences de profils d’odeurs émises par les maïs ont été mises en évidence, sans toutefois pouvoir relier les types de profils à des niveaux de sensibilité aux attaques de taupins mesurés au champ.

L’objectif du projet LOTO est d’identifier les mécanismes impliqués dans les interactions entre jeunes plants de maïs et larves de taupin, ainsi que les composés qui expliquent les différences de comportement entre plantules issues de différents lots de semences.

Le projet a débuté en 2021 pour une durée de trois ans. Piloté par Arvalis, il bénéficie d'un financement de SEMAE et associe l’Union française des semenciers (UFS), l’Université de Liège-Gembloux AgroBioTech (Belgique), l’Unité mixte de recherche CNRS-Université Paul Sabatier de Toulouse, et l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Trouver ce qui différencie les lots les plus sensibles des plus tolérants aux attaques

Une première étape consiste à sélectionner des lots de semences qui présentent des caractéristiques variées sur les plans génétique et de la qualité de semence.

Un phénotypage des plantes issues de ces lots de semences sera réalisé au champ et en conditions contrôlées afin d’évaluer et de comparer leur sensibilité aux attaques de taupins.

L’étape suivante consiste à étudier la relation entre la plante et son ravageur (encadré), pour des plantules issues de lots sensibles ou tolérants aux attaques de taupin. Le projet identifiera non seulement les composés organiques volatils émis par les plantules, mais aussi les métabolites émis par les racines à différents stades de développement de la plante, qui sont susceptibles de modifier l’attractivité exercée sur les larves de taupins.

Une chimie subtile relie plante et ravageurLe projet LOTO étudie le rôle des sémiochimiques (ou kairomones), des substances spécifiques à une espèce ou une variété végétale. Libérées sous forme de mélanges de composés volatils, elles permettent aux insectes de localiser leur hôte et de le discriminer dans leur environnement. Les communautés d'organismes nuisibles telluriques réagissent également aux composés odorants relâchés dans le sol. Certains premiers travaux sur le sujet ont démontré l’importance du dioxyde de carbone, qui indique aux insectes phytophages la localisation de la matière vivante. D’autres produits chimiques plus spécifiques aux plantes les informent de la proximité d'une espèce (ou variété) hôte appropriée.

Les compositions de la plante ainsi que du microbiote des semences et de leur environnement proche seront également étudiées afin de distinguer celles qui sont plus ou moins favorables à la consommation par les larves et peuvent induire des différences de sensibilité des plantules.

L’hypothèse est, en effet, que certaines plantes sont gustativement moins appréciées par les larves de taupins. Les plantes analysées seront prélevées en situation exposée ou non à des taupins.

Les résultats seront comparés pour rechercher une relation entre les composés identifiés et le niveau de sensibilité des plantes aux attaques de taupins. Il s’agit de déterminer précisément quels composés agissent ou interviennent dans les relations plante-ravageur et/ou influencent la sensibilité ou la tolérance du maïs aux attaques de taupins. Ces critères pourront alors être pris en compte dans les processus de sélection variétale et de production des semences.

Les différences de sensibilité aux attaques observées entre lots de semences pourraient aussi avoir une origine microbiologique (micro-organismes endophytes ou espèces du microbiote).

Une méthodologie extrapolable à d’autres ravageurs

La comparaison de la sensibilité aux attaques des lots de semences de maïs au champ et en conditions contrôlées, de l’attractivité des plantules pour les larves de taupins, ainsi que de la consommation des plantules et la survie des larves de taupins, l’établissement du profil odorant des plantules saines et de celles en situation infestée, et l’identification des composés impliqués seront effectués en collaboration par Arvalis, l’UFS et l’Université de Liège.

En outre, dans le cadre de la caractérisation des mécanismes de résistance, les profils métaboliques et la quantification des métabolites d’intérêt sera effectué grâce au plateau technique MétaToul-Métabolites végétaux du Laboratoire de recherche en science végétale de Toulouse. L’analyse du microbiote (c’est-à-dire les différentes espèces bactériennes et fongiques présentes dans la plante ou au contact de celle-ci) sera menée par l’Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l'environnement (IPREM) qui s’appuiera sur le séquençage haut-débit d’ADN extraits d’échantillons environnementaux.

Les sélectionneurs de variétés de maïs et les producteurs de semences bénéficieront de ces travaux, notamment grâce à la mise à disposition des méthodes d’analyses des composés d’intérêt et de phénotypage pour caractériser la sensibilité de lots de semences de maïs au champ et en conditions contrôlées.

Méthodologies et résultats acquis dans le cadre du projet pourront également être utilisés pour étudier la sensibilité des jeunes maïs à d’autres ravageurs (scutigérelles, mouches, corvidés, sangliers…) dès lors que des travaux de phénotypages spécifiques à ces bioagresseurs seront réalisés.

Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com
Jean-Baptiste Thibord - jb.thibord@arvalis.fr
Philippe Larroudé - p.larroude@arvalis.fr

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