Irrigation : comment agir sur la consommation d’énergie ?

Avec la flambée des prix de l’énergie, la part du coût énergétique dans le prix de l’irrigation pourrait bien s’envoler. Il est toutefois possible de réaliser des économies à l’échelle d’une exploitation lorsqu’on a identifié les causes de surconsommation.
Enrouleur, pivot, couverture intégrale: qui consomme le moins ?

Le coût énergétique de l’irrigation n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Dans le prix de l’irrigation, il représentait jusqu’ici environ 30 % sur une installation non amortie. Toutefois cette répartition risque de changer avec l’envolée des prix de l’énergie constatée en 2022 - l’une des nombreuses conséquences de la guerre en Ukraine pour l’agriculture.

Pour réduire sa facture électrique, il est possible de jouer sur deux leviers : améliorer la performance énergétique de son installation, évaluée par le nombre de kWh/m3 consommés, et/ou maîtriser sa consommation d’eau - ce qui est une autre façon d’améliorer la première. Seule la performance énergétique des matériels et les moyens de l’améliorer sont discutés ci-après.

Du point de vue énergétique, les matériels efficients sont les pivots. Ils consomment de moins en moins d’énergie car les constructeurs font évoluer leurs systèmes.

Comprendre sa consommation énergétique

La première étape est donc de déterminer où et comment l’électricité alimentant l’installation d’irrigation est consommée, afin de connaître l’origine des éventuelles pertes.

Dans le cadre du volet « Irrigation » du projet EDEN1 , Arvalis, la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne et INRAE, avec le soutien financier du ministère de l’Agriculture et de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, ont travaillé sur la consommation énergétique des installations d’irrigation individuelles permettant d’étudier l’indicateur kWh/m3 et de mettre en avant les axes d’amélioration des installations diagnostiquées.

Trois installations (enrouleur, pivot et couverture intégrale) ont été suivies en continu à l’aide de capteurs de pression sur trois campagnes d’irrigation. L’objectif était de cerner les parties de l’installation les plus énergivores.

Par exemple, la perte principale d’énergie sur l'installation avec enrouleur (figure 1) se situe à la pompe ; il en est de même sur les installations en pivot et en couverture intégrale qui ont été suivies. Une pompe ne transforme jamais la totalité de la puissance électrique fournie en pression. Le ratio de transformation (ou rendement) avoisine les 70 % sur des pompes récentes. Sur cette installation, en raison de l’âge de la pompe (environ 20 ans), le rendement s’est dégradé pour atteindre 50 %.

PERTES DE PUISSANCE : seule la moitié de l’énergie consommée sort de la vieille pompe

Finalement, sur la totalité de la puissance électrique consommée par l’installation, 82 % est utilisée pour amener l’eau jusqu’au canon et seulement 18 % est effectivement utilisée pour l’application de l’eau ! Sur l’installation suivie en pivot, le ratio est plus avantageux : 42% de la puissance électrique est utilisée pour l’application de l’eau.

CHOIX DU MATÉRIEL : le pivot et la couverture intégrale consomment moins que l’enrouleur

Afin d'avoir une première idée de la consommation énergétique de son installation d’irrigation, un pré-diagnostic est possible. Il suffit de relever les compteurs d’eau et d’électricité avant et après une position d’irrigation. Il est conseillé de choisir une position « médiane » : ni la plus éloignée de la pompe, ni la plus proche - et dans les parcelles à dénivelé, prendre un dénivelé moyen. Il faut ensuite diviser le relevé de compteur électrique par le relevé du compteur d’eau pour obtenir le nombre de kWh consommés par m3 d’eau.

Cet indicateur pourra ensuite être comparé avec les valeurs moyennes calculées dans le cadre du projet pour différents matériels (figure 2).

Ces ratios énergétiques (kWh par m3 d’eau apporté) ont été acquis sur des installations sans dénivelé avec un pompage de surface. Ils sont forcément sous-estimés pour des installations à fort dénivelé ou en cas de pompage en nappe.

Optimisez le travail de la pompe

Toute économie d’énergie sur une installation existante passe par de l’investissement. À défaut de changer une pompe trop vieille, il est impossible d’obtenir des économies d’énergie sans modification de la pompe.

La première chose est de vérifier que la vanne de sortie de pompe est bien complètement ouverte dans la majorité des positions. Dans le cas contraire, cela signifie qu’une perte de pression est volontairement réalisée en raison d’une pompe trop puissante pour la position irriguée. Changer pour une pompe mieux adaptée au système en place peut être envisagé : des économies seront alors réalisées sur la quantité d’énergie consommée et sur l’abonnement également.

Dans le cadre du projet EDEN, une installation a été suivie en 2012 et 2013. Sur l’installation équipée de l’ancienne pompe, le ratio énergétique était de 0,63 kWh/m3. L’agriculteur a changé sa pompe en 2013. Cet investissement a ramené le ratio énergétique à 0,34 kWh/m3. Cela lui a permis de diviser pratiquement par deux sa consommation électrique, passée de 21 661 à 11 758 kWh, avec à la clef une économie sur le coût de l’électricité de 911 € 2 sur la campagne 2013.

Dans le cas de systèmes avec des positions demandant des pressions variables - par exemple, dans le cas où la pompe fournit plusieurs matériels et qu’ils ne fonctionnent pas toujours en même temps -, il est intéressant d’étudier la mise en place d’un variateur de vitesse.

Un variateur de vitesse fait varier la fréquence du courant fourni à la pompe, ce qui joue sur la vitesse de rotation du moteur électrique. Il assure une pression presque constante à l’utilisateur, quel que soit le débit demandé à la pompe. Il permet de réduire le nombre de démarrages moteur, d’atténuer les régimes transitoires et surtout, pour les systèmes à débit ou pression variable, de réaliser des économies d’énergie. Toutefois un variateur de vitesse est difficilement utilisable dans un environnement électrique perturbé tel que les installations de fin de réseau électrique.

Pour améliorer la performance énergétique de son installation, il est donc préférable d’avoir une pompe adaptée à son système (rendement, puissance, positions d’irrigation homogènes ou utilisation d’un variateur de fréquence), d’éviter le vannage, de favoriser un diamètre plus important des conduites et, dans le cas d’une irrigation par enrouleur, de privilégier un diamètre de polyéthylène (PET) plus important.

Dans tous les cas, ne pas oublier de maîtriser aussi sa consommation d’eau 3, car moins d’eau pompée c’est également moins d’énergie consommée.

(1) Projet « Du capteur à l’indicateur » - EDEN : les Entrepôts de Données spatiales au service de l’évaluation des performances ENergétiques des entreprises agricoles.

(2) Hors abonnement, avec un coût de l’électricité de 0,092 €/kWh.

(3) Des méthodes pour économiser ou mieux exploiter les mètres cubes d’eau sont étudiées dans les articles suivants de
Perspectives Agricoles : « Irrigation : valoriser chaque mètre cube d'eau », n°498 (avril 2022) ; « Résultats technico-économiques : l’assolement, un levier d’adaptation au changement climatique », n°498 (avril 2022) ; Comment irriguer avec des ressources en eau limitées ? », n°490 (juillet-août 2021).

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