Féminisation du secteur agricole : « on a encore du boulot »

La Commission Nationale des Agricultrices (CNA) de la FNSEA milite pour davantage d’inclusivité dans les entreprises et les instances représentatives du monde agricole. Des représentantes de secteurs « dits masculins » étaient invitées à partager leur expérience lors d’une table ronde au salon de l’agriculture.
Féminisation du secteur agricole : « on a encore du boulot »

Légende photo : L’équipe de la Commission Nationale des Agricultrices (CNA) autour de la Ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes Isabelle Rome, lors d’une table ronde sur la féminisation des secteurs masculins au salon de l’agriculture.

D’après le dernier recensement agricole, la part des cheffes d’exploitation est passée de 8 % en 1970 à 26 % en 2019. Une « belle avancée » en matière de reconnaissance économique et sociale du rôle des femmes, notamment permise par le statut de conjoint collaborateur, selon Jacqueline Cottier, présidente sortante de la Commission Nationale des Agricultrices (CNA) de la FNSEA. « Mais on a encore du boulot », a complété Catherine Faivre Pierret, qui lui succède à la présidence de la CNA en parallèle de son activité d’agricultrice dans le Doubs.


Féminiser le secteur agricole pour assurer son renouvellement

L’enjeu est de taille, car près de 43% des exploitants prendront leur retraite d’ici 2030. La féminisation du secteur agricole est clairement identifiée comme un levier pour assurer le renouvellement. Toujours selon le dernier recensement agricole, les bancs des écoles de l’enseignement agricole sont pourvus pour moitié par des étudiantes. Le chiffre grimpe même à 62% dans l’enseignement agricole supérieur. Reste à convaincre ces jeunes femmes d’effectivement rejoindre les rangs du monde agricole une fois leur diplôme en poche. Et pour la FNSEA, cela passe par la représentativité, un chantier prioritaire de la nouvelle mandature de Catherine Faivre. « Il faut poursuivre le travail pour changer l’image de notre métier. Montrer que l’on peut travailler en mixité et en complémentarité avec les hommes. Que l’on peut avoir une vie de famille épanouie lorsque l’on est agricultrice. On doit ouvrir les portes et imposer des modèles car personne ne le fera pour nous », insiste la présidente du CNA. Pour Véronique Langlais, présidente du syndicat des bouchers de Paris et vice-présidente de l'Académie de la viande, l’image de pénibilité qui colle aux métiers dits masculins doit aussi évoluer. « J’en ai marre d’entendre parler de pénibilité dans les médias ou dans les débats publics. L’intention est bonne mais c’est contre-productif : plus on en parle, plus on en fait une réalité et moins cela donne envie de venir exercer dans nos professions ».

Soutenir la représentativité des femmes dans les instances professionnelles

Outre sur le terrain, le CNA entend par ailleurs davantage soutenir la part des femmes dans le périmètre des instances représentatives. « Dans l’engagement syndical, les femmes sont les bienvenues. Mais pas partout, et pas tout le temps », ironise Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. L’imposition de quotas, souvent décriée car jugée sexiste, semble pourtant porter ses fruits. « J’y étais plutôt opposée mais force est de constater que dans les sessions des chambres d’agriculture, on n’aurait pas près de 30% de femmes sans les quotas », témoigne Anne-Claire Vial, présidente d’Acta-les instituts techniques agricoles et d’ARVALIS. Mais convaincre les femmes de prendre des responsabilités n’est pas toujours aisée. « Beaucoup hésitent, doutent, se posent des questions, ont peur qu’on leur reproche d’être ambitieuse. Alors qu’une fois qu’elles y sont, elles excellent dans leurs fonctions », assure Christiane Lambert. Et la présidente de la FNSEA de souligner que « c’est aussi parce que l’on a des hommes merveilleux à nos côtés, qui prennent le relais dans les fermes et à la maison, que nous pouvons assurer notre rôle syndical ».

Une plateforme gouvernementale de mentorat pour soutenir l’égalité homme-femme

Des propos accueillis avec bienveillance par Isabelle Rome, Ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et ancienne magistrate, invitée à conclure la table ronde. « Malheureusement aujourd’hui encore la féminisation est perçue comme une dévalorisation du métier, relate-t-elle. L’enjeu n’est pas de prendre le pouvoir mais d’avoir plus de mixité. » Le gouvernement dévoile ce mercredi 8 mars ses propositions pour renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes. La Ministre Isabelle Rome a indiqué dans ce cadre lancer une plateforme de mentorat à laquelle elle a invité les femmes évoluant dans des univers masculins à prendre part. « Car quand on aime son métier, on le défend quel que soit son genre », a-t-elle conclut.

Qu’elles soient bouchère, artisane, sportive professionnelle, agricultrice ou Ministre, les participantes à la table ronde n’ont qu’un seul mot d’ordre : « osez ».

Justine Gravé - j.grave@upterra.fr

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