Désherbage par tache en maïs : un gain considérable de produit

Les coupures de tronçons, dont l’objectif premier est de limiter les recouvrements avec les zones déjà épandues, peuvent être aussi utilisées pour circonscrire les traitements, et ainsi réduire les quantités de produits phytosanitaires appliquées. Arvalis a évalué le désherbage localisé des chardons des champs dans du maïs par cette technique.
Faisabilité et efficacité du désherbage localisé de chardons en maïs

Le chardon des champs (Cirsium arvense) figure sur la liste des organismes nuisibles aux végétaux (annexe B de l’arrêté du ministère de l’Agriculture et de la Pêche du 31 juillet 2000) et est, à ce titre, soumis à des mesures de lutte réglementées pouvant être rendues obligatoires par arrêté préfectoral. Actuellement, la lutte contre le chardon des champs repose sur la mise en œuvre de différents leviers agronomiques prophylactiques qui réduisent sa propagation et, d’autre part, sur le contrôle chimique en culture.

En maïs, seuls les herbicides à base de clopiralid ont une réelle efficacité sur cette vivace. Cependant, leur spectre d’action ne vise pas la flore classique des parcelles de maïs ; il faut donc leur associer d’autres herbicides à spectre complémentaire. De plus, le stade optimal de traitement du chardon (au bouton floral) ne coïncide généralement pas avec les stades auxquels le désherbage des adventices annuelles est le plus pertinent. Aussi, pour que la lutte contre le chardon soit réellement efficace, l’agriculteur est souvent contraint d’envisager un traitement spécifique visant exclusivement cette espèce.

Le chardon des champs se développe généralement sous forme de ronds ou de taches dans la parcelle. Et la plupart des adventices vivaces présentes dans les parcelles de maïs (liserons, sorgho d’Alep, rumex…), de même que certaines espèces envahissantes comme le datura stramoine, suivent sensiblement le même mode de dissémination à l’intérieur de la parcelle : par ronds ou taches dont la surface s’étend à partir d’un point d’infestation initiale. Pour toutes ces espèces, le désherbage localisé est donc particulièrement intéressant dans la mesure où leur contrôle peut être alors dissocié du désherbage conventionnel des espèces annuelles. Un désherbage circonscrit à ces taches laisse espérer un niveau optimal de l’efficacité de leur désherbage - ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.


« Cette méthode, validée pour le chardon, s’applique à toutes les adventices qui se disséminent en taches. »


Traiter localement avec un dispositif de coupures de tronçons

De nombreuses solutions de traitement localisé des adventices se développent. Toutes nécessitent la détection préalable ou en temps réel des plantes. La détection et l’application simultanées sont encore en phase de développement, mais une détection préalable suivie d’une application a posteriori est déjà possible.

Tout d’abord, les mesures prises par un ou plusieurs capteurs fixés sur un vecteur (qui les déplacent) sont analysées afin de localiser chaque adventice et, éventuellement, d’identifier son espèce. La carte des zones à désherber ainsi établie est mise en forme et entrée dans la console du pulvérisateur afin de commander l’ouverture ou la fermeture des tronçons. Il ne s’agit pas d’une carte de modulation pour varier la dose appliquée, mais d’une carte de type « ON/OFF », afin de ne traiter que là où des adventices ont été localisées. Arvalis a donc testé la faisabilité de ne traiter que les ronds de chardons dans une parcelle de maïs sur la Digiferme de Boigneville (91). L’objectif était aussi de mesurer les économies de produits phytosanitaires engendrées par l’application localisée.


Conseils pour bien localiser l’application d’herbicide

Selon le matériel (les consoles, la version du logiciel et celle du calculateur), différentes cartes doivent être utilisées dans le pulvérisateur pour piloter l’ouverture et la fermeture des tronçons (figure 1) : une carte des zones à traiter sans contour de parcelle (carte 1), ou des dites « zones d’exclusion » qu’il ne faut pas traiter (carte 2), ou encore une carte de préconisation de doses, avec une dose de 0 litre par hectare pour les zones à ne pas traiter et de X l/ha pour les zones à traiter (carte 3). Cette dernière carte comprend un contour parcellaire. Avec elle, il suffit de régler, dans la console, le pourcentage de la zone à traiter présente sous le tronçon pour que celui-ci pulvérise : de 1 % (le tronçon pulvérise dès qu’il touche la zone à traiter) à 100 % (le tronçon ne pulvérise que lorsqu’il est tout entier au-dessus d’une zone à traiter).

Les coordonnées des cartes doivent toujours être au format wgs84 (en degrés décimaux) pour être comprises par les consoles.

Le format du fichier des cartes dépend également de la console. Les plus courants sont le shp et l’iso-xml, mais il y a quelques formats propriétaires. Le format shp présente l’avantage de pouvoir être ouvert, modifié ou validé sous n’importe quel SIG gratuit.

Pour préparer la quantité de produit à pulvériser, le mieux est de se baser sur la surface à traiter définie sur la carte « chargée » dans le pulvérisateur. Il s’agit cependant d’une limite du système, car cette surface varie de quelques pour cents par rapport à la surface calculée a posteriori. Dans cet exemple, nous aurions pu manquer de bouillie pour terminer la parcelle. Des technologies comme l’injection directe ont tout leur intérêt dans ce type d’opération, afin de ne préparer ni trop ni trop peu de bouillie pour le pulvérisateur.


L’application est un peu moins précise que la localisation

Le pulvérisateur disponible dans l’essai est un porté Maxis de Tecnoma équipé d’une rampe de 24 mètres avec douze tronçons de 2 m chacun. Il est piloté par une console iTOP avec une correction RTK en transmission radio. Pour valider l’ouverture ou la fermeture des tronçons, un capteur de pression est installé sur chaque tronçon. Les capteurs étaient reliés à des centrales d’acquisition qui enregistraient le débit instantané des buses toutes les 0,2 seconde afin de déterminer si la buse (et donc le tronçon) était ouverte ou fermée. Les mesures de pression ont été géo-référencées grâce à un GPS ayant une précision de ±2 cm.

Afin de s’affranchir d’éventuelles erreurs commises lors de la localisation des adventices, les zones de chardons ont été déterminées manuellement à l’aide d’un GPS piéton Trimble avec une correction RTK en transmission téléphonique.

Compte tenu de la version du calculateur du pulvérisateur de l’essai, la carte des zones à traiter est de type « sans contour de la parcelle » (carte 1 de l’encadré) : le pulvérisateur considère chaque zone à traiter comme une parcelle à part entière. La carte d’ouvertures/fermetures réelles des buses, établie à l’aide des capteurs de pression, a été superposée à la carte des zones de chardons (figure 2) afin de calculer le nombre de points (et donc la surface) pour lesquels les coupures de tronçons ont bien fonctionné : buses fermées quand il n’y avait pas de chardons, et ouvertes quand il y en avait.

Le tronçon était bien ouvert et au-dessus d’une zone de chardons sur 9 % de la surface de la parcelle, et il était bien fermé en dehors des zones de chardons sur 88 % de la surface. Ainsi, ce système a permis une réduction de 88 % la surface traitée, ce qui dépasse largement les objectifs d’Ecophyto. La localisation de l’application n’a pas été respectée sur moins de 3 % de la surface de la parcelle, soit parce que le tronçon était fermé alors qu’il se trouvait au-dessus d’une zone de chardons (0,1 % de la surface), soit parce qu’il était ouvert alors qu’il n’y avait pas de chardons (2,8 % de la surface). Cette dernière « erreur » est due au fait que le tronçon pulvérise sur les ronds de chardon des rectangles de plus grandes dimensions, et que, pour limiter l’effet de bordure lié au type de carte utilisée, les zones à traiter ont été artificiellement agrandies de 1 m. Ce parti pris limite les zones latérales non traitées mais augmente les surfaces traitées « à tort » avant et après la zone.


La surface traitée dépend aussi des caractéristiques techniques du pulvérisateur

Dans tous les cas, le pulvérisateur n’est pas capable de respecter exactement une carte de préconisation : la zone traitée est un rectangle de la largeur du tronçon (figure 3). Avec un tronçon de 2 m, la surface traitée sans erreur aurait dû être de 3664 m2, soit 8,31 % de la surface de la parcelle. Cette surface est mesurée par SIG (Système d’Information Géographique), en traçant des rectangles de 2 m de large et dont la longueur dépend de la tâche de chardon. Si le tronçon faisait 4 m, alors les zones traitées représenteraient 10,1 % de la surface de la parcelle. Le fait de doubler la largeur des tronçons augmente la surface des zones traitées de 2 %.

Le gain permis sur le produit est fonction du nombre, de la taille et de la répartition des taches de chardon dans la parcelle. Plus le nombre de tâches dont le diamètre est inférieur à un multiple de la largeur du tronçon est important, plus l’augmentation de la largeur du tronçon aura une influence sur la surface traitée : pour une même surface de chardons, mieux vaut donc une grande et unique tache plutôt que plusieurs petites taches isolées ; dans le premier cas, la surface réellement traitée sera plus faible que dans le second cas.

Sur cette parcelle et avec ce pulvérisateur, le gain d’herbicide obtenu par la localisation du traitement a été de 88 %. Sur une parcelle voisine, il était de 78 % car les zones de chardons étaient réparties différemment. Dans les deux cas, les objectifs Ecophyto, qui visent une réduction de moitié de l’IFT herbicides, ont été largement dépassés. Toutefois, ce gain pourrait être nul si la parcelle avait contenu une population très importante de chardons ou composée de nombreuses petites taches et/ou avait été traitée avec un pulvérisateur aux tronçons de grande largeur.


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