Dégâts d’oiseaux : quelles solutions ?

Au moment de la levée, tournesol et maïs peuvent être durement attaqués par certaines espèces de corvidés et colombidés. Un colloque mené le 24 novembre 2022 a permis de faire le point sur les projets et résultats des instituts techniques et des chambres d’Agriculture, ainsi que sur les pistes envisagées par la recherche.
Éviter que les oiseaux ravagent les semis de maïs et tournesol

La stratégie habituelle de protection des parcelles contre les oiseaux consiste à les repousser en utilisant des effaroucheurs ou des produits répulsifs. Deux autres stratégies agronomiques sont aujourd’hui envisagées : perturber les oiseaux avec des couverts et les cantonner sur des zones riches en ressources alimentaires autres que les cultures . Les résultats présentés lors du colloque intitulé « Dégâts d'oiseaux aux cultures : quelles solutions ? » du 24 novembre dernier sont résumés ici selon ces trois axes. Ils sont issus principalement du projet FranceAgriMer PREVOT, coordonné par Terres Inovia sur tournesol, et d’Arvalis sur maïs.

Repousser : répulsifs et effaroucheurs

La gamme de produits à effets répulsif s’est réduite. La recherche sur les répulsifs primaires, basés sur un goût ou une odeur désagréable, se focalise sur la mise au point de produits dits de « biocontrôle » à base de substances naturelles. Aucune des solutions évaluées à ce jour n’atteint le niveau de la référence KORIT 420FS (zirame) appliqué en traitement de semences sur maïs. Ils sont inopérants en cas de forte pression, mais certains produits peuvent montrer un effet en pression intermédiaire. Les résultats obtenus sur tournesol, en traitement de semences ou en plein à la levée sont de même nature et montrent une forte dépendance au contexte.

Les effaroucheurs connaissent quant à eux des évolutions technologiques. Par exemple, des modèles à signaux lasers sont en phase de développement commercial. L’avenir des effaroucheurs passera par l’adjonction de deux fonctions : la réactivité permettant un déclenchement à bon escient (par exemple, le projet Plant2Pro C3PO propose algorithmes et banque d’images pour la détection optique) ; la mobilité par couplage avec des drones terrestres et aériens. Les briques technologiques sont aujourd’hui disponibles mais restent à assembler.

 

Perturber : le semis sous couvert

La levée du tournesol dans un couvert peut se traduire par une baisse des attaques probablement liée à un effet de confusion. Parmi les conduites testées, les plus performantes consistent à semer de l’orge ou de la féverole en sortie hiver et à les détruire chimiquement au plus tard au semis du tournesol. Toutefois, l’opération est délicate, aléatoire, et peut donner de mauvais résultats si l’implantation du couvert et sa destruction ne sont pas maîtrisés (absence de protection ou à l’inverse concurrence sur le tournesol). Elle repose également sur l’utilisation d’un désherbage chimique (les tests de destruction mécanique n’ont pas donné satisfaction). Aussi elle ne peut pas être largement conseillée en l’état.

Cantonner : des bandes attractives dans les parcelles

L’agrainage dissuasif vise à cantonner les oiseaux sur des bandes au sein des parcelles de tournesol ou de maïs. Les essais menés dans le cadre du projet PREVOT sur tournesol, en lien avec la société LIMAGRAIN, ont consisté à semer du pois ou du soja à haute densité (160 grains/m²) peu avant la levée ou au semis du tournesol, sur environ 1% de la parcelle. Le semis a été réalisé très superficiellement au semoir à céréales (2021) ou bien en surface (2022). Les résultats sont variables et peu probants, allant du scénario attendu à un effet contre-productif d’attraction des oiseaux puis de consommation du tournesol dans la parcelle. Cela ne disqualifie cependant pas le concept car la variabilité des résultats est probablement liée à des variations du contexte et de la conduite (positionnement, dimensionnement, date de semis et possibilité de recharge, choix des espèces…) qui restent à affiner. Sur maïs, les résultats sont rares mais néanmoins encourageants ce qui incite à poursuivre cette piste. En cas de déploiement à grand échelle, les conséquences sur la démographie à moyen terme devront être investiguées, l'accroissement des ressources alimentaires pouvant se traduire pour une augmentation des populations.

Sur ces trois volets, les résultats à la parcelle sont donc globalement mitigés et très dépendants du contexte (autres ressources disponibles dans le paysage et nombre d’oiseaux sur le territoire). Pour que cela se traduise en gain pour l’agriculteur, les techniques doivent être combinées avec d’autres leviers à effet partiels et/ou adaptées au niveau de risque, si tant est qu’il puisse être prédit avec des modèles ou des systèmes d’alerte précoce.

La règlementation autorise la destruction des oiseaux déprédateurs des cultures hors période de chasse, à condition que les espèces soient classées « susceptibles d’occasionner des dégâts » sur une base factuelle. à cette fin, Chambre d’agriculture France propose à compter de 2023 une suite d’applications facilitant les signalements de dégâts et leur mutualisation (https://esod.chambres-agriculture.fr/signalement). Les données collectées serviront à alimenter les travaux des Commissions départementales et des études menées par les instituts techniques.

Optimiser les semis pour une levée rapide et homogène

Malgré ce manque de perspectives opérationnelles, quelques règles de gestion peuvent néanmoins être rappelées. La plus évidente consiste à optimiser les différents paramètres du semis (préparation, densité, date, conduite) pour favoriser une levée rapide et homogène. L’utilisation des effaroucheurs doit être raisonnée pour éviter l’habituation des oiseaux et l’irritation des riverains. Les dégâts de colombidés sur tournesol peuvent être délicats à gérer, car ils interviennent sur une courte période entre les stades crosse, parfois juste avant la levée, et 1ère paire de feuilles. Les dégâts sur cotylédons de tournesol peuvent être spectaculaires mais portent peu à conséquence. La décision de resemis ne doit être prise qu’en cas de dégâts avérés sur tiges.

Vers une gestion territoriale ?

Les approches centrées sur la parcelle se heurtent aux problèmes du déplacement des oiseaux et de leur adaptation. L’efficacité d’une technique dépendra notamment du nombre d’oiseaux, de leurs besoins qui peuvent varier selon leur statut reproducteur, et des autres ressources alimentaires, naturelles ou cultivées, dans les environs. Les discussions entre chercheurs et acteurs de terrain convergent sur la nécessité de combiner des solutions à effets partiels en raisonnant au niveau du paysage, jusqu’à envisager par exemple de semis regroupés dans le temps. Dans ce cadre, et c’est un des principaux enseignements du colloque, les recherches sur l’écologie et le comportement des oiseaux déprédateurs sont utiles pour penser en « dehors de la boite » et sortir d’approches empiriques aux résultats peu extrapolables.

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