Une menace croissante du piétin-échaudage sous l’effet du climat

Le piétin-échaudage devrait gagner du terrain sous l’influence du changement climatique. Un modèle développé par une équipe de Certis Belchim et WeatherForce anticipe une intensification des dégâts, notamment dans le quart nord-est de la France.

Risque de piétin-échaudage dans un champ
L’évolution du risque de piétin-échaudage suit celles des émissions de CO2 : la progression de la maladie est sans doute inévitable. © J. Tousssaint - Arvalis

Les dégâts de piétin-échaudage sont en augmentation mais sont difficiles à évaluer et à surveiller, en raison de l’origine de la maladie : causée par un champignon présent dans le sol, la seule façon d’en mesurer l’ampleur est de prélever les racines des céréales cultivées.

Un risque modélisé

Un outil de prédiction basé sur des essais

Un modèle élaboré par Certis Belchim, en collaboration avec la société toulousaine WeatherForce, permet aujourd’hui d’établir le risque de piétin-échaudage en France de façon fiable et de prédire correctement les dégâts observés au champ dans 70 % des cas. Et toutes les projections montrent qu’avec le changement climatique, la fréquence de la maladie devrait continuer d’augmenter.

« Notre modèle s’appuie sur plus de 1500 essais menés principalement en France, au Royaume-Uni et en Allemagne sur la période de référence 1980-2010 », développe Raphaël Biezunski, responsable Développement pour le traitement des semences chez Certis Belchim. « Plusieurs paramètres ont été retenus : rotation culturale, zone climatique, températures et pluviométries saisonnières, texture du sol, taux de matière organique, pH du sol, dates de semis ». Les données ont été soumises à une analyse statistique afin de bâtir un algorithme pour hiérarchiser l’influence de chacun.

Les principaux facteurs de risque identifiés

La rotation des cultures et le précédent céréales constituent les principaux facteurs influençant le piétin-échaudage. La date de semis confirme son fort impact, les semis les plus précoces étant plus fortement à risque. Les facteurs pédoclimatiques ont aussi une forte influence dans le développement du piétin-échaudage. Plusieurs conditions climatiques impactant la maladie ont ainsi été identifiées, à commencer par les précipitations au printemps et en été et les températures douces à l’automne et au printemps, qui la favorisent, et à l’inverse, les vagues de froid hivernales qui freinent le développement du champignon.

Des prévisions s’appuyant sur quatre modèles climatiques

Trois scénarios climatiques à l’horizon 2100

La variation attendue de ces conditions climatiques a ensuite été utilisée pour bâtir une prévision du risque à l’horizon 2100 qui envisage trois scénarios climatiques distincts, dits RCP, tirés du cinquième rapport du GIEC. Le premier scénario voit une réduction drastique des émissions, avec une neutralité carbone atteinte après 2050 et donc une hausse des températures moyennes mondiales limitée à 2°C. Le second, le plus probable, s’appuie sur un maintien des émissions de GES à un niveau proche d’aujourd’hui avant de décroître autour de 2050, sans atteindre la neutralité carbone en 2100. Le troisième scénario table sur des émissions élevées dues à une exploitation accrue des énergies fossiles.

Des projections intégrées dans un modèle de risque

Pour chaque scénario, quatre modèles climatiques ont été utilisés, afin d’établir non seulement l’évolution moyenne du climat mais aussi une incertitude des prédictions. Les projections de température et de précipitations ont été intégrées dans une formule élaborée par Certis Belchim pour calculer les cartes de risque de piétin-échaudage, avec une résolution de 25 km². 

Tous les scénarios climatiques RCP anticipent une réduction de la fréquence et de l’intensité des vagues de froid hivernales. « Or le froid freine habituellement le développement du champignon et limite ainsi sa propagation. Les automnes plus doux favorisent des infections précoces et donc une pression accrue de la maladie », précise Raphaël Biezunski.

Une maladie trop souvent sous-estimée

Le piétin-échaudage est causé par le champignon tellurique Gaeumannomyces tritici. Ce pathogène survit dans le sol et sur les résidus de culture, puis attaque les racines des céréales. Il provoque leur nécrose, réduisant fortement la capacité de la plante à absorber l’eau et les nutriments. Il s’agit d’une des principales maladies racinaires des céréales. Au Royaume-Uni, les pertes économiques liées au piétin-échaudage sont estimées à près de 70 millions d’euros. Aucune variété de céréales résistante n’est disponible à ce jour. Une seule solution fongicide conventionnel existe : Latitude XL (silthiofam 125 g/L), et une solution de biocontrôle pour les situations de risque faible à moyen, Toltek (bactérie Bacillus amyloliquefaciens subsp. plantarum souche D747).

Une maladie de plus en plus nuisible

De manière générale, l’évolution du risque suit l’évolution des émissions de CO₂. Dans le premier scénario, le risque de piétin-échaudage est maximal dans les 30 premières années (jusqu’en 2046), puis diminue progressivement. Dans le second scénario, le risque progresse sur une large partie nord de la France, avec une extension notable vers l’Est ; et dans le Massif central, historiquement une zone à faible risque, la pression augmente également. Enfin, dans le troisième scénario, le risque augmente continuellement à mesure que les émissions se maintiennent à un niveau élevé.

Les automnes plus doux favorisent des infections précoces et donc une pression accrue du piétin-échaudage.

Historiquement, la maladie était très impactante dans les zones à climat océanique (automne chaud et humide, peu d’hivers rigoureux). « Les projections montrent que le piétin-échaudage devrait poursuivre sa progression, rendant la maladie de plus en plus problématique dans le Nord et l’Est, quel que soit le scénario climatique », résume Raphaël Biezunski. Une hausse de la nuisibilité de la maladie est donc à anticiper. Dans les cas extrêmes, les pertes de rendement pourraient dépasser 50 % du potentiel ; d’où l’intérêt d’identifier ces situations.

Il existe toutefois deux traitements de semences  fongicides homologués : Latitude XL et Toltek. En outre, des moyens de lutte agronomique efficaces existent, à commencer par la rotation culturale, le report de la date de semis. Le risque de piétin-échaudage est également réduit en diversifiant les espèces dans les assolements et en diminuant la part des pailles dans les rotations.

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