Maladies et climat : une équation complexe

Le changement climatique en cours modifiera la distribution géographique et temporelle des maladies affectant les cultures. Les spécialistes d’Arvalis quantifient ces évolutions à venir et les solutions à mettre en place pour y faire face.

Une main tient un thermomètre affichant la température de l'air sur arrière-plan de champ de blé vert
Anticiper l’évolution des maladies est indispensable afin d’adapter les méthodes de lutte. © N. Cornec - Arvalis

Les modélisations s’accumulent et pointent vers la même conclusion : les cultures vont être confrontées à un risque de maladies globalement plus fort. Comment s’y préparer ?

Le changement climatique (lire « Météo changeante : quelles conséquences sur les pratiques agricoles ? ») agit sur les maladies en modifiant à la fois les agents pathogènes, la culture hôte et l’environnement. Ces effets peuvent accroître, réduire ou ne pas changer le risque épidémique, avec des conséquences directes sur le rendement. 

Des rendements inchangés ou en baisse

Un impact sur la productivité du blé et de la pomme de terre

« Pour les maladies étudiées dans ce dossier, nos simulations suggèrent que les impacts conjugués du changement climatique seraient le plus souvent négatifs ou neutres sur le rendement des blés et de la pomme de terre », prévient Romain Valade, chef du service Adaptation des cultures aux agroclimats, Génétique & Phénotypage chez Arvalis. « Les maladies seront probablement plus précoces, plus fréquentes mais pourraient, pour certaines, être moins dommageables en fin de cycle. »

Des maladies plus précoces

Ces résultats peuvent s’expliquer par une élévation des températures automnales et hivernales qui favoriserait la survie d’une campagne sur l’autre de nombreux champignons, notamment ceux qui se nour­rissent au dépend d’une plante vivante comme les rouilles (lire « Blé tendre : septoriose et rouilles surviendront plus tôt ») et le mildiou (lire « Pomme de terre : comment évolueront le mildiou et l’alternariose à l’horizon 2100 ? »).

Tandis que l’augmentation d’épisodes de pluies intenses combinée à des températures plus douces au printemps pourraient accélérer les cycles des champignons (septoriose, alternariose…). En parallèle, la diminution des pluies en fin de cycle, avec des températures plus chaudes, freinerait la progression estivale de certaines maladies comme le mildiou, la septoriose ou encore la fusariose de l’épi.

Adapter les stratégies de lutte

Néanmoins, ces simulations ne prennent pas en compte l’adaptation des pratiques agricoles. « À titre d’exemple, au cours des cinquante dernières années, des variétés de blé avec un cycle cultural plus rapide ont été proposées aux producteurs. Cela a étendu la plage de dates de semis, réduisant ainsi l’impact sur le potentiel de rendement pour les semis plus tardifs », note l’agronome.

« Il est attendu, d’ici 2100, un raccourcissement encore plus important du cycle du blé (de 15 à 30 jours selon les études). » Le blé esquiverait ainsi les stress hydrique et thermique de fin de cycle. « Mais cela pourrait indirectement aussi favoriser certains agents pathogènes, qui bénéficieraient de conditions plus propices à des stades clefs du développement de la plante, même en fin de cycle. »

Pour limiter les pertes, les stratégies phytosanitaires devront évoluer. Et les pratiques agronomiques liées à la prophylaxie (rotation, diversité génétique, travail du sol…) resteront au centre de la stratégie de protection intégrée - en tenant compte des évolutions climatiques ! 

Lutte génétique : des gènes de résistance moins efficaces ?

Par : Romain VALADE (Arvalis)

De plus en plus d’études démontrent que le système immunitaire d’une plante est modulé par l’augmentation de la température, avec des effets qui sont plus souvent négatifs sur son efficacité. Il est donc probable que certaines variétés, considérées comme tolérantes à une maladie aujourd’hui, deviennent plus sensibles avec le changement climatique. Mais ce critère est rarement pris en compte dans les modélisations.

Une connaissance plus approfondie des familles de gènes « thermosensibles » (ou « thermotolérants ») est donc primordiale pour accompagner la création variétale, afin de proposer des variétés avec des résistances robustes vis-à-vis des aléas climatiques. Ce type d’étude, qui devrait débuter en 2026, doit combiner les principaux stress abiotiques et biotiques, afin de mieux comprendre les interactions entre les stress dans l’objectif d’accroître la résilience des variétés face à différents environnements.

Les agents pathogènes évoluent aussi 

De nouvelles maladies pourraient émerger

Une limite importante des études sur le changement climatique et les maladies est qu’elles prennent rarement en compte l’adaptation des agents pathogènes. De nouvelles maladies pourraient émerger ; il faut donc anticiper leur apparition. « La rouille noire a refait son apparition sur notre territoire », note Romain Valade. Citons également l’aspergillose du maïs, favorisée par des températures chaudes, qui pourrait engendrer des risques sanitaires plus forts.

De plus, la répartition des espèces au sein d’un même complexe de champignons, comme ceux responsables de la fusariose de l’épi, va probablement évoluer et s’adapter. « Des études comme celle présentée dans ce dossier tentent d’anticiper ces changements dans les populations pathogènes, et d’améliorer la prédiction du risque. »

Les populations de pathogènes s'adaptent 

Au sein d’une même espèce, les populations peuvent s’adapter à des conditions climatiques différentes. « Il a été démontré que certaines populations de Zymoseptoria tritici se sont adaptées aux conditions locales », reprend le phytopathologiste. « Il existe des souches plus performantes que d’autres (plus sporulantes, plus agressives) à des températures plus chaudes. Or, les modèles épidémiologiques utilisés ne prennent pas encore en compte cette plasticité. » Dans ce cas-là, le risque sanitaire modélisé avec les projections climatiques est certainement sous-estimé. D’autres exemples existent, comme avec les rouilles jaune et brune ou le mildiou, pour lesquelles des adaptations locales liées aux conditions climatiques ont été établies.

La surveillance épidémiologique est toujours plus d'actualité

« Pour toutes ces raisons, une surveillance active des épidémies sur le terrain est primordiale pour aider l’ensemble des acteurs à anticiper les risques et pour améliorer les modèles épidémiologiques » conclut Romain Valade. « Lutter contre les maladies restera essentiel pour les producteurs de grandes cultures. Préserver la quantité et la qualité des productions agricoles est un défi immense. Mais les outils, qu’il faut continuellement améliorer, existent pour y répondre collective­ment. »

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