Accès à l’eau par les plantes : rechercher les conditions optimales

Toute l’eau contenue dans le sol n’est pas utilisable de la même façon par les plantes. Divers paramètres, physico-chimiques et physiologiques, influencent les capacités d’une culture à extraire l’eau du sol et ainsi les besoins en irrigation.

Sous l’effet de l’évaporation et/ou de l’absorption d’eau par les racines, la force de succion (ou tension) qui maintient l’eau dans le sol passe de 0,1 bar, quand le sol est ressuyé, à environ 16 bars, quand il ne reste plus d’eau extractible par les racines. La facilité d’extraction de l’eau du sol par les plantes dépend de cette tension. Au-delà d’une force de 1 à 5 bars selon la profondeur du sol, le type de sol, l’espèce cultivée et le climat, l’extraction d’eau est plus difficile et devient limitante pour la transpiration.

Le stock d’eau du sol utilisable par les plantes est communément appelé « réserve utile en eau » (RU). Une partie de ce stock, appelée « réserve facilement utilisable » (RFU), correspond à la part de la RU qu’une espèce peut extraire sans réduire sa transpiration, subir de stress hydrique ou limiter sa croissance. La RFU représente en général 50 à 80 % de la RU selon la profondeur du sol et les espèces cultivées (figure 1). Elle est associée au niveau de colonisation racinaire : plus le sol est profond plus la part de la RFU baisse car la densité racinaire est plus faible en profondeur qu’en surface.

La RFU ne peut être approchée que par des expérimentations au champ avec comparaison de conduites d’irrigation plus ou moins restrictives et un suivi de l’état hydrique du sol par des capteurs. Il a été démontré qu’elle n’est complètement accessible que lorsque l’enracinement a atteint sa profondeur maximale, à un stade proche de la floraison des cultures.

Pour les irrigants, il faut viser l’épuisement de la RFU en fin de campagne afin de maximiser la productivité de l’irrigation. Ce principe est utilisé dans certains outils de pilotage de l’irrigation basés sur le bilan hydrique. Les seuils de déclenchement de l’irrigation, par exemple dans les méthodes de pilotage basées sur l’utilisation de capteurs, visent la proximité avec le bas de la RFU.

Granulométrie et matière organique

La réserve utile à l’échelle d’une couche élémentaire de sol donnée, dite « réserve utile élémentaire » (RUE), s’exprime en millimètres d’eau par centimètre d’épaisseur. La RUE dépend de la composition granulométrique de la couche de sol et de sa teneur en matière organique (MO).

Des références issues de mesures de caractéristiques hydriques sur différents horizons de sols permettent d’estimer la RUE selon la classe de texture. La fourchette peut aller de moins d’1 mm/ cm d’épaisseur dans des horizons sableux ou très argileux et compacts, à plus de 2 mm/cm dans les horizons limoneux.

La RUE augmente avec la teneur en MO. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, la RUE est plus importante dans la couche labourée que dans les horizons inférieurs contenant peu de MO. Mais l’effet de la teneur en MO reste de faible ampleur, tout au plus de 0,2 mm/cm dans la gamme des teneurs en MO des sols français de grandes cultures.

La RUE est aussi influencée par la densité apparente : pour une même granulométrie, la RUE baisse lorsque la densité apparente augmente. Ainsi dans un horizon compacté où la densité apparente est supérieure à 1,7, la RU peut être amputée de plus de 20 %. De plus, la croissance racinaire est limitée par la compaction du sol.

Un sol compacté est donc doublement pénalisant pour les cultures puisqu’il stocke moins d’eau et que l’accessibilité de cette eau aux racines est plus faible.

De l’eau dans les cailloux calcaires

Les sols caillouteux couvrent environ 20 à 30 % de la surface agricole utile (SAU) de la France métropolitaine. Ils sont constitués de fragments de roche dont le diamètre est supérieur à 2 mm. Ces éléments grossiers peuvent modifier les propriétés physico-chimiques des sols, en particulier leur RU.

La structure et les propriétés hydriques des éléments grossiers ont été étudiées dans le cadre d’une thèse de l’Inra d’Orléans cofinancée par Arvalis en 2011. Des mesures spécifiques sur plus de mille cailloux sédimentaires en majorité calcaires, représentatifs des sols caillouteux français, ont abouti à la détermination de la teneur en eau aux bornes de la réserve utile, c’est-à-dire à la capacité au champ et au point de flétrissement. Un modèle d’estimation simple, qui ne dépend que de la masse volumique apparente des cailloux, explique de manière satisfaisante la fraction d’eau utile des cailloux d’origine sédimentaire.

La masse volumique apparente des cailloux représente la masse sèche par unité de volume et varie, pour les cailloux étudiés, de moins de 1,5 à plus de 2,5 kg/dm3. Les cailloux calcaires dits « durs », qui représentent la grande majorité des cailloux étudiés, ont une masse volumique variant entre moins de 2 et plus de 2,5 avec une valeur médiane entre 2,1 et 2,2. Ainsi la teneur en eau utile pondérale des cailloux calcaires peut varier entre 1,5 et 5 %. Exprimée en mm par cm d’épaisseur par analogie à la terre fine, l’eau utile des cailloux représente de 0,4 à 1 mm/cm, une valeur légèrement inférieure à celle d’une terre fine sableuse.

L’estimation de la contribution des cailloux à la réserve utile d’un sol caillouteux nécessite également d’avoir une estimation par horizon du pourcentage en volume occupé par les cailloux.

Cette estimation globale à l’aide de grilles visuelles sur un profil de sol, a été réalisée sur le site expérimental Arvalis du Magneraud (17) et sur un mètre de profondeur : pour une RU de 140 mm, 80 mm sont contenus dans les cailloux.

La question se pose de savoir si l’eau contenue dans les cailloux est facilement disponible.

Les travaux de la thèse, sur un sol caillouteux reconstitué, ont montré que l’eau dans les cailloux est moins accessible aux racines que celle de la terre fine et ne le devient qu’au-delà d’un seuil de dessèchement de la terre fine. Ainsi, les racines vont utiliser préférentiellement l’eau contenue dans la terre fine et dans un second temps celle des cailloux. Les résultats des essais du Magneraud suggèrent qu’une part de l’eau contenue dans les cailloux peut être considérée comme facilement disponible. Cette part varie selon la culture (elle est plus importante avec un blé qu’avec un maïs) et le climat (elle est plus importante sous climat frais que sous climat chaud).

La RU varie aussi selon les espèces irriguées

Pour évaluer les besoins en eau d’irrigation en cours de campagne, un agriculteur irrigant a besoin de connaître la réserve utile en eau des sols de ses parcelles. Elle dépend principalement de la profondeur du sol jusqu’à un obstacle, mais également de sa composition physico-chimique, de sa structure et de sa teneur en éléments grossiers.

La réserve utile en eau du sol (RU) se calcule ainsi sur une épaisseur donnée censée être accessible aux racines des cultures. Les profondeurs d’enracinement, très variables selon les espèces, déterminent des capacités d’extraction de l’eau du sol elles aussi variables.

Le dessèchement maximum du sol a été mesuré en fin de cycle pour différentes espèces dans le dispositif des toits mobiles du Magneraud où une restriction d’eau élevée a été appliquée sur la seconde moitié de leur cycle (figure 2). Il a ainsi été observé que le blé, dont les racines peuvent descendre à plus de 1,50 m de profondeur en l’absence d’obstacle, est capable d’extraire du sol deux fois plus d’eau que le pois protéagineux et la féverole de printemps, dont les racines dépassent rarement 80 cm de profondeur. L’orge de printemps et le maïs grain se situent à un niveau intermédiaire.

Dans les outils de pilotage de l’irrigation basés sur le bilan hydrique, le choix de la RU pour calculer le bilan hydrique est donc à adapter pour un même type de sol en fonction de l’espèce à irriguer.

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