
Géolocalisation satellitaire : la précision des corrections PPP et dGPS réexaminée
01 mai 2023Les applications liées au positionnement par satellite se développent de plus en plus en agriculture. Les principales sont le guidage et les coupures de tronçons sur pulvérisateur. Sur ces utilisations, le comportement du système dépend du choix de la correction, et donc de sa précision, ainsi que du type d’asservissement disponible : moteur électrique ou hydraulique, c’est-à-dire directement sur l’orbitrol (direction du tracteur).
Par ailleurs, quand l’objectif est de réaliser un binage mécanique pour désherber une culture en place, la précision demandée sur l’autoguidage ne sera pas la même que lorsqu’il s’agit de réaliser un travail du sol.
Comment se localise-t-on ?
Le tracteur se localise dans la parcelle grâce aux satellites de différentes constellations : GPS (américaine) et Glonass (russe) pour les deux principales. L’ensemble de ces constellations est connu sous le terme de GNSS (Global Navigation Satellite System). Chaque satellite envoie des informations (message de navigation et code pseudo-aléatoire) aux récepteurs GNSS situés sur les tracteurs.
La première technique de calcul de la position consiste à mesurer la distance séparant le satellite du récepteur. Connaissant l’heure de départ de l’onde électromagnétique du satellite et son heure d’arrivée au récepteur, on en déduit la distance entre les deux puisque l’onde circule à la vitesse de la lumière - c’est la trilatération. Compte tenu des erreurs liées aux horloges des récepteurs, il faut au minimum quatre satellites pour se positionner.
La seconde technique s’appuie sur la phase de l’onde porteuse. Dans ce cas, la distance entre le satellite et le récepteur est calculée en mesurant le déphasage entre le signal reçu et sa réplique générée par le récepteur. Ce positionnement brut, appelé « GPS naturel », a une précision relative de l’ordre du mètre - trop importante pour l’agriculture. Il est nécessaire de lui appliquer une correction.
Avec quelle précision ?
Les corrections GNSS existantes sont de deux types : différentielles (dGPS), ou PPP (Precision Point Positioning).
Les corrections différentielles, dont fait partie le RTK, s’appuient sur des stations terrestres (ou bases) de référence dont la position est parfaitement connue. À chaque instant, la position des bases de référence calculée par les satellites est comparée à leur position réelle. L’écart entre les valeurs constitue la correction à appliquer au tracteur. La correction est transmise via un satellite géostationnaire (qui reste au-dessus d’une même région) jusqu’à un récepteur radio UHF ou le téléphone.
Pour sa part, le réseau PPP utilise des informations (corrections d’orbites et d’horloges des satellites) calculées sur des bases de référence GNSS mondialement réparties. En combinant les positions des satellites avec leur biais d’horloge et un récepteur bifréquence, le réseau fournit une correction au bout d’un processus de convergence qui demande plusieurs dizaines de minutes. Avec un réseau de bases de référence plus dense, le temps de convergence peut être réduit à quelques minutes.
Six corrections évaluées
L’objectif des essais mis en place par Arvalis sur la Digiferme de Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) est de caractériser la précision des corrections décimétriques et centimétriques existant sur le marché français. Les corrections sont évaluées simultanément, dans les mêmes conditions satellitaires. La session a eu lieu en décembre 2022 sur l’aérodrome de Chambley, à proximité de la Digiferme.
Les corrections de Trimble, RTX RangePoint et RTX CenterPoint Fast (parfois appelée « RTK satellite ») sont testées sur des récepteurs Nav900 de la même marque. Chez John Deere, le SF1 et le SF3 sont testés sur des récepteurs SF6000. Et enfin, les corrections de chez NovAtel, le TerraStar-L et TerraStar-C PRO, sur des récepteurs SMART7.
Tous les récepteurs sont utilisés en mode passif et assurent le rôle de mouchard. Par conséquent, lorsqu’il est présent, le correcteur de dévers est désactivé pour que toutes les antennes soient dans les mêmes conditions. Elles sont installées sur un tracteur qui réalise des allers-retours sur une distance de 300 m à une vitesse constante de 7 km/h. La position (trame NMEA) de chaque récepteur est enregistrée en 10 Hz (10 points par seconde) pendant 52 heures.
Le TerraStar-L en tête des précisions décimétriques
Les précisions relatives des corrections SF1 de John Deere, RTX RangePoint de Trimble et TerraStar-L de NovAtel ont été comparées. La précision relative traduit l’erreur attendue entre deux passages de tracteur consécutifs espacés de 20 minutes (norme d’évaluation) dans 95 % du temps. Une précision relative de ± 5 cm signifie qu’il peut y avoir des manques ou des recouvrements de 10 cm entre deux passages de tracteurs consécutifs.
Ces trois corrections offrent une précision relative d’ordre décimétrique à 20 minutes (figure 1, à gauche) : ± 11 cm pour le TerraStar-L, ± 13 cm pour le RTX RangePoint, et ± 21 cm pour le SF1 dans 95 % du temps. Leur précision est meilleure que celle d’Egnos, la correction européenne gratuite.
Cette erreur « passage à passage » augmente avec le temps. En effet, entre deux passages espacés de 5 minutes, l’erreur relative n’est que de ± 7,4 cm pour le TerraStar-L, ± 7,2 cm pour le RTX RangePoint et de ± 9,4 cm pour le SF1. Mais pour ce dernier système, la précision relative passe à ± 40 cm après 45 min entre deux passages successifs. Appelée « dérive », ce phénomène est induit par la rotation des satellites. C’est à cause de cette dérive qu’il est impossible de revenir physiquement au même endroit sans recaler la ligne de guidage.
Ces corrections décimétriques améliorent la précision du GPS naturel et présentent des précisions utilisables pour les applications agricoles. Cependant, elles sont à privilégier pour des interventions rapides ou en grande largeur (comme la pulvérisation ou le travail du sol) afin de limiter les effets de la dérive et d’avoir la précision maximale. Pour limiter cette dérive, il sera également possible de recaler régulièrement le guidage.
Précisions centimétriques : RTX CenterPoint Fast et TerraStar-C PRO au coude-à-coude
La précision relative du RTX CenterPoint Fast est de ± 3,9 cm à 20 minutes dans 95 % du temps (figure 1, à droite). Celle du SF3 est de ± 4,8 cm dans 95 % du temps à 20 minutes, et celle du TerraStar-C PRO de ± 3,8 cm cinq minutes après convergence. Les temps de convergence sont réduits et correspondent au temps nécessaire pour allumer la console la plupart du temps.
Ces précisions permettent d’envisager des interventions culturales plus précises comme le semis. Cependant il ne sera pas possible de revenir exactement au même endroit pour envisager un binage sans assistance sur la bineuse par exemple. Seule la correction RTK le permet.
Une erreur absolue de l’ordre de ± 5 cmSur les corrections centimétriques, l’erreur sur la précision relative augmente moins vite au cours du temps que sur les corrections décimétriques. D’une intervention à l’autre, souvent séparées par plusieurs jours, il est donc possible de revenir à proximité des passages précédents.
Il existe néanmoins une erreur, dite absolue. Elle mesure la capacité du récepteur à revenir exactement au même endroit un jour différent.
Ainsi le SF3 permet de revenir au même endroit à ± 5,7 cm près dans 95 % du temps (figure 2). La précision absolue du RTX Center Point Fast est de ± 5,2 cm dans 95 % du temps et celle du TerraStar C-PRO est de ± 5,0 cm.
Une précision absolue autour de ± 5 cm signifie qu’il peut y avoir jusqu’à 10 cm de décalage entre un passage réalisé un jour précédent ou le matin et le même passage. Ces précisions absolues permettent néanmoins de retrouver des points de prélèvements ou de repositionner un pulvérisateur, par exemple.
Caroline Desbourdes - c.desbourdes@arvalis.fr
Nicolas Van Elsen - n.vanelsen@arvalis.fr
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