Semis précoce du soja : Une stratégie intéressante pour les producteurs du Sud-Ouest

L’analyse des pratiques de semis du soja dressée à partir de la base de données SOJAMIP révèle que le semis précoce de variétés tardives constitue un levier agronomique prometteur pour cette culture. Avancer le semis augmente les rendements et facilite l’implantation de la culture suivante.
Avancer le semis de variétés tardives de soja dans le Sud-Ouest

Toutes les cultures de printemps ne sont pas adaptées au semis précoce (encadré). C’est le cas notamment des cultures d’origine tropicale, particulièrement sensibles au froid en début de cycle. En 2009, le GIE(1) des sélectionneurs de soja a souhaité faire réaliser un travail exploratoire évaluant la réponse de cette culture au semis précoce. Un ensemble d’essais au champ a donc été mis en place sur la période 2010- 2014 en conduite irriguée dans le sud-ouest de la France, avec des cultivars contrastés.

Trois groupes de maturité ont été testés (0, I et II). Trois périodes de semis ont été comparées : conventionnelle pour la région (du 22 avril au 27 mai), très précoce (du 24 février au 22 mars, soit environ deux mois plus tôt) et précoce (du 2 avril au 18 avril, soit environ un mois plus tôt). Ces essais ont été conduits dans le cadre du projet SOJAMIP associant Terres Inovia, l’Inra, l’ENSAT, l’EI Purpan, RAGT 2n et Euralis Semences, et soutenus financièrement par le Conseil régional de Midi-Pyrénées.

Les multiples avantages d’un semis Précoce

Pour les cultures d’hiver, un semis précoce réduit notamment le salissement, assure une bonne implantation et/ou limite les dégâts de ravageurs. Pour les cultures de printemps, il assure une récolte dans de bonnes conditions et limite les coûts de séchage des grains. Il offre également la possibilité de cultiver des variétés plus tardives, aux meilleures performances, et de limiter les périodes de stress hydriques pendant les stades les plus sensibles des cultures.


« Le semis précoce du soja (mi-avril) semble présenter des avantages économiques et techniques pour les producteurs du Sud-Ouest. »


Le semis précoce du soja en Pratique

Certaines conditions sont nécessaires pour semer du soja : la température du sol à 3 cm de profondeur doit être supérieure à 10°C, et le sol, ressuyé. Ces conditions étaient réunies dans 88 % des cas lors des semis de mi-mars, et dans 100 % des cas pour les semis de mi-avril.

Semer plus tôt a donc toujours été techniquement possible sous les conditions climatiques variées des cinq années d’étude, même si le ressuyage n’a pas toujours été optimal. Les températures basses n’ont pas été limitantes : nodulations satisfaisantes, réussite des levées. Cependant, pour assurer la faisabilité des semis précoces, il apparaît primordial d’anticiper la préparation du sol durant l’hiver, voire dès l’automne.

Par ailleurs, grâce à l’avancement des dates de semis, certaines difficultés rencontrées régulièrement au moment des semis de fin avril-début mai ont été esquivées, telles que l’apparition d’une croûte de battance en sol limoneux, ou un lit de semence trop sec à la levée.

Semer plus tôt, c’est aussi exposer la culture à des températures plus fraîches en début de cycle, ce qui réduit la capacité de la graine à mobiliser ses réserves. Malgré cela, la dynamique de levée d’un soja semé à une date normale et d’un soja semé mi-avril sont quasiment similaires (+3 jours en moyenne des essais pour un semis mi-avril). L’intérêt et la faisabilité du semis précoce en sont renforcés. En revanche, les semis très précoces de la mi-mars sont plus à risque en raison d’une dynamique de levée significativement ralentie qui augmente le temps d’exposition des graines aux ravageurs (+14 jours en moyenne des essais pour un semis mi-mars).

Globalement, le cycle de la culture a été allongé d’une quinzaine de jours pour le semis précoce, et d’une quarantaine de jours pour le semis très précoce (figure 1). Malgré un développement et une croissance plus lents, la floraison est avancée en moyenne de trois semaines pour les parcelles semées mi-avril, et d’un mois pour les parcelles semées mi-mars, par rapport aux parcelles semées à la date habituelle.

La récolte se trouve elle aussi avancée : de l’ordre de deux et trois semaines pour les semis de mi-avril et de mi-mars respectivement. De ce fait, la plupart du temps, les récoltes ont eu lieu entre le 1er et le 21 septembre pour un semis de mi-mars, et entre le 8 et le 28 septembre pour un semis de mi-avril. Il est ainsi possible de travailler plus fréquemment avec des variétés tardives (groupe II), reconnues pour être plus performantes.

La relation entre semis précoces et qualité des graines (poids de mille grains, teneurs en huile et en protéines) n’a été étudiée que les deux dernières années de l’expérimentation ; il est donc délicat d’en tirer des conclusions définitives. Toutefois, d’après ces premiers résultats, semer plus précocement ne semble modifier ni la teneur en protéines, ni la teneur en huile des grains. Il n’y aurait donc pas à craindre de reclassement des grains destinés à l’alimentation humaine vers l’alimentation animale.


Des effets neutres ou positifs sur les rendements

L’effet de la date de semis sur le rendement diffère d’un groupe de précocité à un autre (figure 2). Ainsi, pour les variétés précoces (groupe 0 et I), la date de semis n’entraîne pas de modifications du rendement. En revanche, pour les variétés tardives, avancer les semis à la mi-avril a tendance à améliorer les rendements de près de 13 % par rapport aux rendements obtenus avec une date de semis conventionnelle. Par ailleurs, les observations confirment que les variétés tardives ont de meilleurs rendements que les variétés précoces, et ce, quelle que soit la date de semis. Par exemple, pour un semis mi-avril, les indices de rendement(2) observés pour les variétés tardives sont compris entre 107 et 155 %, avec un indice moyen de 131 %, tandis que pour les variétés précoces, ils varient entre 82 et 134 %, avec un indice moyen de 108 %.

Par conséquent, les variétés tardives sont bien adaptées à l’avancement des dates de semis. Ces résultats sont cohérents puisque l’allongement du cycle leur permet de s’exprimer pleinement. Semer plus tôt offre donc le double avantage de bénéficier des bonnes performances des variétés tardives déjà reconnues dans la région, tout en limitant au maximum le risque de ne pas pouvoir récolter. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’il vaut mieux semer précocement une variété tardive plutôt que de semer une variété précoce (0 et I) à une date de semis conventionnelle : le bénéfice est d’environ 10 q/ha.


Beaucoup d’avantages à semer tôt des variétés tardives

Aux principaux avantages du semis précoce du soja cités précédemment - meilleures conditions de récolte, maintien de la quantité et de la qualité, possibilité de travailler avec des variétés tardives à plus forts potentiels de rendement - s’ajoutent d’autres atouts. En effet, avancer les dates de semis permet d’étaler les travaux de printemps, d’avoir plus de temps pour préparer le sol et semer une culture d’hiver. Cette conduite favorise également certaines successions, limitées par les pratiques classiques. Par exemple, semer de l’orge, de l’avoine ou du triticale après un soja n’est possible qu’à condition que la récolte de ce dernier soit suffisamment précoce – ce qui est aujourd’hui peu fréquent.

D’autres impacts des semis précoces restent à étudier ou à approfondir. Par exemple, dans un contexte de changement climatique où l’accès à l’eau va devenir plus difficile (réglementation, sécheresses estivales), il semble pertinent de déterminer si le semis précoce peut diminuer les besoins en eau d’irrigation et le stress hydrique du soja.

Il faut également déterminer si les réponses au semis précoce sont stables sous divers scénarios pédoclimatiques, et quels pédoclimats sont les plus propices. Les risques liés à cette pratique, tels que l’augmentation du temps d’exposition aux bioagresseurs (Pythium, Fusarium, Rhizoctonia, mouches des semis, taupins, oiseaux….) et au gel, doivent aussi être évalués. Concernant le gel, par exemple, les sols caillouteux et sableux sont plus à risques ; le semis précoce sera donc plus ou moins praticable selon le type de sol.

Le semis très précoce (mi-mars), quant à lui, présente aujourd’hui un risque accru vis-à-vis des bioagresseurs du fait du ralentissement de la dynamique de levée. Néanmoins, il devrait constituer une stratégie d’avenir avec une conduite et des cultivars adaptés (vigoureux à basse température).

(1) Groupe d’intérêt économique travaillant sur la recherche de stratégies pour un soja productif en contexte hydrique contraint.
(2) L’indice de rendement est le rendement exprimé en pourcentage de la moyenne des rendements des essais semés mi-avril.


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