Observations au champ : une mine d’informations pour la recherche

Recueillir les observations au champ et formaliser les connaissances des acteurs du terrain donnent la possibilité aux chercheurs de mieux comprendre les phénomènes biologiques et d’affiner les modèles agronomiques. Ce type de travaux bénéficient in fine aux agriculteurs et aux techniciens par le biais des outils d’aide à la décision.
Améliorer la prévision des maladies grâce aux données de terrain.

Le « crowdsourcing », ou production participative, est un anglicisme issu des évolutions du numérique. Il définit le recueil de données à grande échelle grâce aux contributions des personnes qui les produisent (observateurs de terrain avisés ou même grand public).

Arvalis a développé des méthodes de traitements adaptées à ce nouveau type de données dans le but de proposer des indicateurs d’aide à la prise de décision plus performants. Les modèles de prévision des risques de maladie contribuent ainsi au pilotage des traitements au plus juste, en proposant des interventions sur les parcelles - visite ou traitement - au meilleur moment.

Un modèle, « Crustyello », a été mis au point pour la rouille jaune des céréales afin de déterminer à quelle date cette maladie apparaîtra sur une parcelle donnée. Il propose à l’agriculteur un calendrier de visites de ses parcelles afin d’anticiper l’arrivée précoce de la maladie et de prendre la décision de traiter ou non après la visite. C’est un des premiers modèles ajustés à partir d’un jeu de données issu du réseau Vigicultures (encadré). Les données ont été collectées sur 3000 parcelles de blé tendre pendant les campagnes 2008 à 2015. Chaque parcelle est caractérisée par une variété semée, une date de semis et des coordonnées géographiques. Les observations, hebdomadaires, sont effectuées selon un protocole de notation harmonisé à l’échelle nationale : stade de la plante et fréquence d’attaque de la maladie sur les trois dernières feuilles. Grâce aux coordonnées géographiques, il a été possible de récupérer la centaine de variables climatiques nécessaires à la construction du modèle.

Les résultats de ces travaux encouragent l’utilisation des données de ce réseau de surveillance pour améliorer les modèles prédictifs à la parcelle. Toutefois, dans certains cas, ces modèles ne sont pas suffisants pour anticiper un phénomène. Plusieurs autres sources d’informations doivent alors être mobilisées pour répondre à une problématique complexe. La protection fongicide du blé tendre illustre cette situation.

Participez à la surveillance des cultures

Vigicultures est un réseau d’épidémiosurveillance collaboratif dans lequel sont saisies des observations au champ sur les principales grandes cultures françaises - blés, orges, colza, maïs grain et doux, betterave sucrière, tournesol, pois, féverole, lin fibre et oléagineux, sorgho, luzerne déshydratée, pomme de terre. Mis en place en 2008 par Arvalis, Terres Inovia et l’Institut Technique de la Betterave, ce portail collecte déjà les données de plus de 3000 observateurs en France. En retour, un bulletin de santé végétal est édité chaque semaine ; il fournit actuellement des informations sur les risques de maladies dans une région à un instant donné. L’objectif est de fournir à terme des prévisions anticipant l’arrivée d’une maladie sur une parcelle donnée. Participez à cette avancée en demandant à vous inscrire dans le réseau par email à l’adresse vigiculturesR@arvalis.fr et en partageant vos observations. Une application mobile, disponible courant novembre 2019, facilitera la saisie des données.


Combiner de l’expertise, des modèles et des données

A l’heure actuelle, la protection du blé tendre contre les maladies est composée de deux ou trois traitements. Le premier (T1) est réalisé entre le stade « deux noeuds » et le stade « dernière feuille étalée » (DFE). Le deuxième (T2) s’effectue du stade DFE jusqu’à la fin de l’épiaison. Le troisième (T3), au moment de la floraison, n’intervient qu’en cas d’infection importante de la parcelle de blé pour prolonger les effets des deux premiers traitements ou pour lutter contre la fusariose des épis.

Le premier traitement (T1), lorsqu’il est utilisé, cible en général la septoriose du blé et dans certains cas la rouille jaune. Il participe à environ 45 % de l’indice de fréquence de traitement (IFT). Toutefois, son influence sur le rendement (gain brut) est estimée en moyenne à 2 q/ha environ. Si on prend en compte le coût du traitement (sans le coût du passage), le T1 représente alors en moyenne une perte économique estimée à 0,4 q/ha. Un usage systématique d’un T1 ne se justifie donc pas nécessairement ; mais il y a des situations dans lesquelles il reste économiquement rentable. Afin d’aider au choix de réaliser ou non un T1, un modèle a été construit en faisant appel à différentes sources d’information.

La première étape consiste à mobiliser les connaissances d’un groupe d’experts pour décrire les variables qui interviennent dans la détermination de l’importance du T1 sur une parcelle (région, précocité de l’épidémie, sensibilité de la variété cultivée à la rouille jaune ou à la septoriose), de même que les relations entre ces variables. Un diagramme a ainsi été établi (figure 1).
La deuxième étape consiste à estimer les paramètres du modèle décrit par le diagramme, c’est-à-dire, dans cet exemple de la protection fongicide du blé tendre, les probabilités associées aux valeurs des différentes variables. Cette estimation a été réalisée selon trois approches :
• à partir de données : la variable « région » représente la région dans laquelle une parcelle est observée (figure 1). Les probabilités associées aux différentes régions ont été estimées selon l’importance relative de leurs surfaces en blé tendre fournies par le SCEES ;
• à partir de simulations de deux modèles épidémiologiques - le modèle de rouille jaune « Crustyello » et le modèle de septoriose « SeptoLIS » (autre modèle développé par Arvalis) - sur une base de données climatiques historiques (probabilité que l’épidémie soit précoce, tardive ou absente estimée à partir de la proportion de simulations de ces événements) ;
• par élicitation probabiliste d’experts (encadré) en formalisant les connaissances d’experts sur un paramètre d’intérêt au moyen d’une distribution de probabilité (les experts fournissent un ensemble de valeurs possibles d’un paramètre et une probabilité associée à chaque valeur).

Partager les connaissances d’experts

Les méthodes d’élicitation probabiliste permettent de représenter, sous forme quantitative, les connaissances d’experts sur une valeur d’intérêt agronomique (le rendement, la teneur en protéines des grains, le reliquat d’azote dans le sol à la récolte, etc.). Ces connaissances et les incertitudes associées sont représentées sous la forme d’une distribution de valeurs et non d’une valeur unique. Cette distribution peut être utilisée soit directement, soit en combinaison avec des observations ou des modèles. Le projet de recherche « Licite » vise ainsi à créer une application informatique afin de recueillir les connaissances d’experts (par exemple les experts régionaux de l’Inra et d’Arvalis) sur diverses quantités d’intérêts agronomiques. Deux études de cas sont prévues : la prédiction en cours de campagne du rendement pour les entreprises de collecte-stockage et la comparaison des niveaux de stabilité des rendements en systèmes biologiques et conventionnels.

Comparer des scénarios et aboutir à un outil d’aide à la décision

Dans un troisième temps, le modèle résultant des étapes 1 et 2 peut être utilisé pour simuler différents scénarios. Il est possible, par exemple, de calculer la probabilité que l’influence du T1 soit supérieure à 3 q/ha si toutes les variétés cultivées sont sensibles à la septoriose et à la rouille jaune, ou au contraire si elles sont peu sensibles.
Le modèle peut également être utilisé en cours de campagne pour aider à la décision d’appliquer un T1 ou non. On peut ainsi calculer la probabilité que le poids du T1 soit supérieur à 3 q/ha en fonction des conditions observées sur une parcelle donnée. Par exemple, si la variété cultivée est sensible à la septoriose et peu sensible à la rouille jaune, et que, par ailleurs, on s’attend à une épidémie tardive de septoriose et à une épidémie précoce de rouille jaune, la probabilité que le poids du T1 soit supérieur à 3 q/ha est égale à 16 %. Les prochains développements de ces travaux devraient conduire après validation à intégrer ce modèle, combinant expertise et données de terrain, dans des outils d’aide à la décision.

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