Maladies des céréales à paille : panorama 2021 des résistances aux fongicides

La note commune préparée par INRAE, l’Anses et Arvalis, dresse chaque année l’état des lieux des résistances aux fongicides utilisés pour lutter contre les maladies des céréales à paille. Voici ses recommandations pour la campagne à venir.
Préserver durablement l'efficacité des fongicides

En 2020, les souches CarR de Zymoseptoria tritici résistant spécifiquement aux SDHI ont poursuivi leur progression et atteignent une fréquence moyenne de 18 %. Au vu des mutations concernées, cette fréquence encore faible ne semble pas impacter l’efficacité des traitements fongicides du blé contenant des SDHI. Cependant, la prévention de cette résistance reste plus que jamais de rigueur.

Dans un contexte d’érosion de plus en plus prononcée de l’activité au champ des triazoles d’ancienne génération, l’efficacité relative des IDM s’avère elle aussi dépendante de la structure des populations de Z. tritici présentes localement. Enfin, depuis 2019, un peu plus d’une souche sur quatre de Z. tritici est désormais de phénotype MDR (multirésistante).

Concernant l’helminthosporiose de l’orge, la résistance aux SDHI a été détectée dès 2012 dans les populations européennes d’Helminthosporium teres. Cette résistance a constamment progressé en France et en Allemagne, et sa fréquence actuelle, toutes mutations confondues, aurait dépassé 80 % en 2020 - soit 10 points de plus qu’en 2019. Qualitativement, en France, la fréquence de la mutation B-H277Y, à l’origine sélectionnée par le boscalid, diminue au profit de la mutation C-G79R à impact potentiellement plus fort. La fréquence des souches portant les mutations C-N75S et C-S135R progresse aussi en 2020. Au champ, l’impact de ces souches résistantes sur l’efficacité des SDHI dépend de leurs fréquences dans la parcelle. Cependant, la perte d’efficacité est clairement perceptible, malgré l’utilisation systématique des SDHI en mélange ; aussi, en présence d’une fréquence élevée de souches résistantes, l’apport d’efficacité des SDHI en association devient-il très limité.

Les souches d’H. teres résistantes aux Qoi progressent fortement pour atteindre une fréquence moyenne d’environ 70 %, contre 30 % environ les années précédentes. Pour éviter de sélectionner davantage de souches présentant une résistance multiple sur orge, le recours à l’utilisation d’un mélange trois voies QoI + SDHI + IDM doit être rigoureusement limité aux situations où l’helminthosporiose est très difficile à contrôler.

Petit dico des fongicides Qil, Qol : inhibiteurs du cytochrome b (par des mécanismes distincts).
IDM : inhibiteurs de la 14α-déméthylation des stérols.
SDHI : inhibiteurs de la succinate déshydrogénase.

C’est quoi cette souche fongique ? CarR : Souches résistant spécifiquement aux SDHI.
MDR : Souches résistantes à plusieurs familles de substances actives.
TriMR : Souches moyennement résistantes aux triazoles.
TriHR : Souches TriMR ayant évoluées et devenues très résistantes à au moins un triazole.

Préférez la prévention à la lutte

L’observation annuelle des résistances aux fongicides, lorsqu’elle s’accompagne de recommandations adaptées pour en retarder leur émergence et leur progression, contribue positivement à une agriculture durable et moins dépendante des produits phytopharmaceutiques.

En limitant la pression de maladie par la prophylaxie, les variétés résistantes et les outils d’aide à la décision, il est possible de moins recourir aux traitements (et ainsi d’éviter leurs effets non-intentionnels).

Concernant les variétés, la note recommande ainsi de choisir des variétés peu sensibles aux maladies, en priorisant la résistance aux maladies ayant le plus d’impact sur le rendement ou sur la qualité sanitaire et/ou permettant de réduire l’usage des fongicides. Le recours à des variétés résistantes à la fois à la rouille jaune et à la septoriose rend ainsi possible la suppression systématique du premier traitement des blés, ce qui limite la pression de sélection exercée par les fongicides. Il est, en outre, préférable de diversifier les variétés à l’échelle de l’exploitation, de la microrégion et d’une année sur l’autre pour favoriser la durabilité des résistances génétiques et opposer des barrières à la dispersion des résistances aux fongicides.

D’autres pratiques culturales réduisent le risque parasitaire, notamment en limitant l’inoculum primaire. C’est le cas en agissant sur la rotation et la date de semis, mais aussi par le labour et la gestion des repousses de céréales, notamment à l’interculture. Enfin, certaines pratiques limitent la progression de la maladie (densité de plantes, azote).

Quand la lutte est inévitable…

L’objectif est de ne traiter que si c’est strictement nécessaire, en fonction du climat, des conditions de culture, des prédictions des modèles et des observations au champ. Lorsqu’il faut traiter, le positionnement des interventions sera raisonné en fonction du développement des maladies grâce à des méthodes fiables d’observation et/ou de prévision du développement de l’épidémie.

Limiter, au cours de la même campagne, le nombre d’applications avec des substances actives de la même famille, qui présentent généralement une résistance croisée. En particulier, il faut restreindre l’utilisation des SDHI, des QiI (encadré) et des QoI à une seule application par campagne, sur blé comme sur orge.

Le fenpicoxamide offre un nouveau mode d’action pour 2021Les QiI (quinone inside inhibitors ou inhibiteurs de la fixation interne de l’ubiquinone) sont des fongicides qui inhibent le cytochrome b des champignons, comme les QoI (strobilurines) mais par un autre mécanisme. Le premier des QiI disponible, le fenpicoxamide, de la famille des picolinamides, est efficace sur la septoriose.
Le site de fixation sur le cytochrome b étant différents de celui des Qol, il n’y a pas de résistance croisée entre QoI et QiI - ni, d’ailleurs, avec aucun des modes d’action actuellement homologués sur céréales. Cependant, la résistance aux QiI étant observée chez des pathogènes d’autres cultures et dans le milieu médical, il est essentiel d’anticiper les risques de résistance à ce fongicide unisite par une gestion rigoureuse de son utilisation.
Aussi, il est conseillé d’alterner ou d’associer le fenpicoxamide avec des substances actives à modes d’action différents, tant au cours d’une saison culturale que dans la rotation. Il est également recommandé de ne l’employer qu’associé à un produit partenaire ayant une efficacité suffisante sur la (les) maladie(s) ciblée(s).

Si des substances actives partageant le même mode d’action peuvent être utilisées à la fois en traitement de l’épi et de semences, éviter de cumuler deux traitements avec cette famille de molécules lorsqu’ils visent la même cible fongique. En particulier, s’agissant des traitements de semences contenant un SDHI, si ce SDHI revendique aussi une activité sur les maladies foliaires, ne pas faire suivre le traitement de semence d’une application foliaire fongicide contenant un SDHI (quel qu’il soit) durant toute la campagne. Lorsque recourir plusieurs fois au même mode d’action est inévitable, ne pas utiliser la même molécule plus d’une fois par campagne.

Enfin, pour prévenir la résistance mais aussi de manière générale, associer des molécules à modes d’action différents et présentant une efficacité suffisante. Dans les programmes de traitement en particulier, alterner ou associer des substances actives aux modes d’action diversifiés, toujours dans le but de minimiser le risque de développement de résistance. Lorsque c’est possible et utile, recourir aux fongicides multisites (soufre, folpel), moins susceptibles de sélectionner des populations résistantes - notamment sur la septoriose.

Comment évolue la septoriose ?

Comme pour les autres maladies, la lutte contre la septoriose s’effectue d’abord via l’agronomie, en agissant sur la date et la densité de semis et la nutrition azotée, et via la génétique, par le choix de variétés résistantes. Les variétés avec des notes de sensibilité GEVES d’au moins 6,5 ne justifient pas de traitement précoce (T1) contre cette maladie, quelles que soient la région et l’année.

L’efficacité au champ des triazoles d’ancienne génération (prothioconazole, difénoconazole, tébuconazole, metconazole…) dépend des populations de Z. tritici présentes localement. Elle est souvent (mais pas systématiquement) insuffisante, y compris lorsque plusieurs triazoles sont associés entre eux. En revanche, l’activité du méfentrifluconazole, triazole de nouvelle génération, semble à ce jour peu affectée par la nature des populations de Z. tritici ; cette efficacité doit être préservée en utilisant, autant que possible, une diversité d’IDM. Les triazoles seront complétés avec un fongicide multisite (soufre, folpel), un SDHI ou un QiI, voire du prochloraze au sud de la Loire où ce dernier est le mieux valorisé.

Compte tenu de la progression rapide de la résistance aux SDHI dans l’ouest européen, on limitera leur utilisation à une seule application par saison, quelle que soit la dose, et en les associant à des partenaires efficaces. Diversifier, en outre, les SDHI dans l’espace et dans le temps) ; le recours à des associations fortement dosées en SDHI (même plusieurs SDHI) et peu dosées en IDM risque de favoriser la sélection de souches résistantes, qu’elles soient de type CarR ou MDR.

Enfin, la pratique du fractionnement, si elle est plus efficace en cas de pression forte et continue de septoriose, s’accompagne potentiellement d’une plus forte sélection de souches les plus résistantes et ne doit donc pas être encouragée.

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