Labour et désherbage : combiner les techniques pour maîtriser les graminées

En modifiant le devenir des semences dans le sol, le labour permet de mieux maîtriser les graminées adventices à long terme. à condition de l’associer sans faux pas à d’autres leviers.
Combiner les techniques pour maïtriser les graminées

Maîtriser les populations de ray-grass et de vulpin reste toujours difficile, et l’arrivée de nouvelles solutions herbicides censées faciliter cette lutte n’est pas pour demain. Afin d’affiner les stratégies de lutte, Arvalis conduit différents essais combinant les leviers depuis quelques années. C’est le cas des essais de Saint-Hilaire-en-Woëvre (55) et Vieillevigne (31). Les données acquises confirment que la gestion chimique permet de finaliser l'efficacité après l'expression d'autres leviers agronomiques. Elle doit passer par des programmes herbicides, et notamment des interventions d'automne efficaces. Surtout, ces essais confirment le labour comme un levier majeur de gestion des graminées et rappellent que plusieurs années sont nécessaires pour rattraper un accident ou une erreur.

Les résultats confirment l’effet du labour

L’essai de Saint-Hilaire-en-Woëvre a été mis en place dans une succession blé/colza/blé/orge de printemps, en présence d’une infestation composée principalement de vulpins, mais également de matricaires et de repousses de colza en 2022. Il compare des itinéraires de travail du sol incluant du labour avant l’implantation de la culture à un itinéraire de référence sans labour.

Année après année, les résultats confirment l’effet cumulé du labour réalisé deux ans auparavant mais également sur la campagne en cours. Ainsi, sur la campagne 2020-2021, la modalité labour/TCS/labour (TCS : techniques culturales simplifiées) ne cumule que 23 vulpins/m2. La modalité labour/labour/TCS est plus infestée, avec 64 vulpins/m2. La modalité TCS/TCS/labour s’en tire plutôt bien avec seulement 60 vulpins/m2.

Le labour permet d’enfouir le stock semencier de graines adventices qui s’était constitué en surface. La modalité TCS/labour/TCS est la plus infestée avec 189 vulpins/m2. Le stock semencier en année N-2 a été enfoui mais les graines ont ensuite été remontées par un travail du sol peu profond et ont pu germer.

La première campagne d’essai (2018-19) a déjà montré combien le labour contenait les populations de vulpins : les populations étaient de l’ordre de 1 à 5 plantes/m2 en zone labourée, contre plus de 100 plantes/m2 en zone non labourée.

En parallèle, même si le type de sol joue un rôle, les rendements des parcelles labourées sont systématiquement supérieurs à ceux des parcelles non labourées, de + 15 à + 16 q/ha lors de la campagne 2020-2021 ; et avec plus de 40 q/ha d’écart en 2018-2019.

Par contre, les dicotylédones, dont le Taux Annuel de Décroissance (TAD) est plus important que celui des graminées, sont favorisées par une fréquence de labour importante par le labour.

Le report de la date de semis des céréales limite les levées d’adventices et améliore la performance des herbicides.

Gérer les matricaires

En 2021, dans les témoins non traités, 85 matricaires/m2 ont été relevées dans la modalité TCS/TCS/labour, la moins infestée. Les années en TCS, moins favorables à la constitution d’un stock semencier profond, ont permis de gérer cette adventice. Ce n’est pas le cas pour les modalités avec deux années de labour sur les trois campagnes, qui ont favorisé l’installation et la présence importante de cette adventice. 237 plantes/m2 ont été relevées pour la modalité labour/TCS/labour, et 292 plantes/m2 pour la modalité labour/labour/TCS.

En 2022, la présence de repousses de colza est plus forte dans les témoins non traités sur les deux parcelles cumulant deux années successives de labour (145 plantes/m2 pour labour/TCS/labour/labour et 252 pour TCS/TCS/labour/labour). Les graines de colza enfouies en 2020 ont été ramenées en surface lors de l’interculture de 2021, suite au labour, et ont pu germer dans la culture d’orge de printemps.

Si le labour est un levier précieux, ces essais rappellent aussi que la lutte en culture reste indispensable. Sur la campagne 2019-2020, durant laquelle un colza a été implanté derrière un blé, le recours à la propyzamide s’est avéré essentiel. En sortie d'hiver, après son application, le vulpin était quasiment absent de toutes les parcelles, empêchant ainsi une nouvelle ré-infestation du stock semencier. Les densités de vulpin avant traitement variaient de 17 à plus de 1500 plantes/m2 selon les modalités.

La charrue déchaumeuse fait ses preuves

L’essai de Vieillevigne (31) permet lui aussi d’évaluer l’efficacité des meilleures combinaisons de leviers. L’essai conduit depuis 2019 avec une rotation blé dur/maïs/blé dur a comparé douze combinaisons de leviers agronomiques (tableau 1). Lors de la dernière campagne de 2021–2022, cinq modalités de désherbage du blé dur ont été testées sur ces douze combinaisons de leviers agronomiques : un désherbage mécanique à base de herse étrille, une application de Défi + Compil en prélevée, une application de Défi + Compil en prélevée associée à plusieurs passages de herse étrille, une application de Défi + Compil en prélevée rattrapée par une application de Shvat en postlevée précoce, et une modalité non désherbée.

COMBINAISON DE LEVIERS : douze modalités étudiées

En 2019, un semis de blé dur a été effectué sur deux bandes travaillées, pour l’une, avec une charrue déchaumeuse et, pour l’autre, avec un déchaumeur à disques indépendants. Comparativement au déchaumeur à disques, le passage de la charrue déchaumeuse avant le semis a permis une réduction du nombre d’épis de ray-grass de 82 % dans la parcelle. En 2020, vu les fortes densités de ray-grass présentes dans la zone implantée sans charrue déchaumeuse, un ensilage de blé dur immature a été effectué sur la moitié de la bande implantée après le passage du déchaumeur à disque. Ce levier a permis de réduire fortement le stock de semences revenant dans le sol.

Avant l’implantation du maïs en 2021, la moitié de la parcelle a été labourée en décembre 2020. L’autre moitié a été gérée en travail simplifié.

La combinaison de l’ensilage avec le labour avant semis de maïs obtient les meilleures performances sur les populations de ray-grass présentes dans le maïs (figure 1-A). La charrue déchaumeuse voit son efficacité décliner par rapport aux résultats observés sur la culture précédente de blé dur.
La réduction correspondante de la densité de ray-grass en fonction des leviers mis en œuvre est indiquée dans la partie B de la figure 1, en pourcentages dans les bâtons ; mesure réalisée en juillet 2021, après désherbage du maïs.

DENSITÉS DE RAY-GRASS : les leviers agronomiques ont un effet dépressif certain

Pour l’implantation du blé dur à l’automne 2021, le levier utilisé a été un décalage de la date de semis sur la moitié du dispositif (26 octobre et 19 novembre). Ce levier s’avère le plus efficace sur l’infestation présente dans la culture de blé dur. Concernant les trois précédents leviers mis en œuvre les années précédentes, nous pouvons observer que la mise en place d’un seul levier ne présente pratiquement plus aucune efficacité mais que la situation s’améliore quand on actionne simultanément deux ou trois leviers (tableau 1).

La forte concurrence du vulpin sur les cultures de céréales justifie qu’on active tous les leviers de lutte.

L’agronomie pour renforcer les programmes herbicides

En ce qui concerne les différentes modalités de désherbage de la culture, la modalité « 2 ou 3 passages de herse étrille » est inefficace en semis « précoce » : le premier passage à l’aveugle après semis n’apporte rien, et les passages de postlevée sont trop tardifs par rapport au stade du ray-grass (pas de jours favorables à une intervention plus précoce). En revanche, avec le semis décalé, les deux passages de postlevée, réalisés au stade « 2-3 feuilles » du ray-grass, encore sensible à l’efficacité de la herse étrille (avec ressorts individuels type Treffler), ont permis une efficacité d’environ 45%.

En semis « précoce », la modalité « Défi 3 + Compil 0,15 » en prélevée, quoique efficace à plus de 90 %, laisse passer un nombre de ray-grass important et préjudiciable, compte tenu de la forte densité de levées (104 à 461 ray-grass/m2 selon les leviers agronomiques mis en place). Au contraire, en semis décalé, la réduction de la densité des levées permet d’assurer une efficacité très satisfaisante de ce traitement mais a entrainé quelques marquages de phytotoxicité sur la culture. Complétée de plusieurs passages de herse étrille, l’application de « Défi 3 + Compil 0,15 », permet de gagner 2 à 3 points d’efficacité en moyenne. Cependant, la phytotoxicité herbicide observée en semis décalé a aggravé les dégâts de la herse étrille sur la culture.

La modalité « Défi 3 + Compil 0,15 puis Shvat 3 » est la plus performante sur le semis précoce : elle permet un gain d’efficacité de 6 points par rapport au « Défi + Compil » solo. Elle reste cependant en retrait par rapport aux différentes modalités désherbées en semis décalé, sauf celle comprenant uniquement des passages mécaniques avec la herse étrille.

À Vieillevigne, lors de la récolte du blé dur en 2022, la nuisibilité du ray-grass a été estimée à près de 40 q/ha en semis précoce et 18 q/ha en semis tardif, avec un niveau de rendement proche entre les deux dates de semis en situations bien désherbées. Une nuisibilité qui justifie d’associer les principaux leviers agronomiques : labour, faux-semis, report de la date de semis, ensilage ou broyage, sans négliger le désherbage en culture, qu’il soit chimique ou mécanique. Sans oublier le nettoyage minutieux de la moissonneuse-batteuse après la récolte d’une parcelle sale !

Lise Gautellier Vizioz - l.gautelliervizioz@arvalis.fr
Jean-Luc Verdier - jl.verdier@arvalis.fr
Pascaline Pierson - p.pierson@arvalis.fr

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