Verse : raisonner son régulateur en fonction des risques

Avant d’appliquer un régulateur, l’évaluation de ses propres risques de verse s’appuie sur l’analyse de la sensibilité de ses variétés, l’ajustement de ses pratiques culturales et l’observation des conditions climatiques. L’impasse sur un tel traitement est possible.
Verse du blé: utiliser ou pas un régulateur de croissance

La verse dégrade les rendements et la qualité des grains. Plus elle survient tôt, plus ses conséquences seront importantes d’où l’usage de régulateurs pour consolider les tiges. Mais, leur utilisation inappropriée peut aussi entraîner des pertes de rendement. Connaître son risque verse est donc un pré-requis.

La verse physiologique est en effet très souvent imputée à des phénomènes climatiques exceptionnels (orages, pluies excessives, etc…). Or, ces facteurs sont généralement des révélateurs d’une culture fragilisée par la conduite inadaptée à la variété choisie. En effet, le risque de verse est induit, en premier lieu, par la sensibilité variétale puis par l’itinéraire cultural.

La résistance de la tige contre la verse s’acquiert au moment même de sa constitution, c’est-à-dire entre les stades épi 1 cm et 2 nœuds environ. Elle est conditionnée à la fois par l’allongement des entre-nœuds du bas de tige et par la composition de la paroi de la tige (rapport C/N).

La sensibilité variétale donne le niveau de risque initial

ARVALIS a réalisé une synthèse d’un grand nombre d’essais variétés de blé tendre non traités par des régulateurs. Au-delà d’une note de sensibilité variétale de 6,5 (variétés résistantes), le risque de verse est quasi nul. Il est faible pour les variétés ayant une note de sensibilité variétale entre 6 et 5,5. Et il augmente pour les variétés dont la note est égale ou inférieure à 5. Il s’agit donc d’un critère fondamental pour établir le niveau de risque initial.

Une fois les variétés choisies, l’itinéraire technique est adapté en conséquence. Par exemple, les semis trop précoces par rapport aux exigences de la variété accentuent le risque de verse. Cette pratique allonge de manière significative le cycle végétatif. Le stade "épi 1 cm" arrive trop tôt pour une variété précoce. La montaison se fera alors en jours dits « courts » et les tiges auront tendance à s’étioler, du fait du déficit lumineux, ce qui affaiblit d’autant la tenue de tige.

Un tallage excessif accentue ce phénomène. C’est aussi le cas de fortes densités de semis car elles provoquent un allongement des entre-nœuds de la base.

Le climat entre les stades "épi 1 cm" et "2 nœuds" est déterminant puisque c’est à cette période que se définissent la longueur des entre-nœuds et leur solidité. Des températures élevées, surtout en cas de déficit hydrique, réduisent l’élongation des tiges et la régression des plus jeunes talles. Un important rayonnement lors de la montaison limite quant à lui la concurrence précoce pour la lumière ce qui limite l’étiolement des tiges : chaque tige ayant accès à une quantité suffisante de lumière, l’allongement excessif des premiers entre-nœuds est évité. Si les conditions de fin-mars, début avril sont chaudes, sèches avec de forts rayonnements, le risque s’atténue. A l’inverse, un printemps avec de faibles rayonnements et un fort cumul de pluie est favorable à la verse.

À noter que le risque est atténué dans les sols superficiels à faible potentiel, en particulier dans les sols argilo-calcaires superficiels.

 

La gestion de la fumure azotée

Un excès d’azote accentue aussi accentue le risque de verse. Un premier apport d’azote excédentaire ou de forts reliquats favorisent le maintien de nombreuses talles, un phénomène aux effets similaires de fortes densités de semis ou de semis trop précoces. Le fractionnement de l’engrais azoté en trois apports limite considérablement le risque ainsi qu’une dose d’azote du 1er apport limitée à 40 kg N/ha.

Les régulateurs de croissance agissent sur l’élongation des cellules de la tige, pour aboutir à des entre-nœuds plus courts ou à des parois plus épaisses et donc à des tiges plus solides. Ils n’ont d’intérêt que si le risque verse est réel. Il est possible de faire l’impasse si la variété est résistante. L’utilisation d’un régulateur ne doit donc clairement pas être systématique. Arvalis propose différentes grilles de décision, adaptées aux contextes régionaux qui tiennent compte de la sensibilité variétale, des pratiques culturales, du climat hivernal (tableau 1).

éVALUATION DES RISQUES : La sensibilité variétale en première ligne

S’il existe un risque de verse, un seul traitement dans le respect des bonnes conditions d’application suffit.

Il ne faut toutefois pas oublier que la stratégie la plus adaptée peut être mise en défaut par des conditions de fin de cycle très difficiles. Des outils d’aide à la décision permettent d’évaluer ce risque en cours de campagne (FARMSTAR…).

S’avoir s’adapter

Au sein d’une même classe de risque (moyen ou élevé), les différences d’efficacité entre produits de régulation sont assez faibles dès lors que l’application est réalisée dans de bonnes conditions et à la dose conseillée. Le choix du produit (tableau 2) dépend surtout du stade d’intervention.
Avec les régulateurs, les risques de phytotoxicité sont souvent sous-estimés, surtout quand les conditions d’application ne sont pas respectées.

Régulateur : s’ajuster au risque

Pour accroître leur efficacité et limiter la phytotoxicité, l’intervention ne doit être réalisée que sur des cultures en bon état (indemnes de viroses, alimentées correctement en eau et azote) et dans des conditions climatiques favorables (temps poussant, lumineux et sans forte amplitude thermique c’est-à-dire avec des écarts inférieurs à 15 à 20 °C).

Les conditions climatiques du jour de l’application mais aussi des jours suivants importent. Ainsi, il ne faut pas intervenir si la météo prévoit plusieurs jours avec des températures froides (< 5°C) dans les 5 jours suivants ou si des amplitudes thermiques de plus de 15°C sont prévues dans cette même période. Il est également impératif de décaler la date d’intervention en période de sécheresse, avant comme après le traitement.

Enfin, le piétin verse peut fragiliser les tiges, indépendamment du risque verse parcellaire et l’application d’un régulateur sera inopérante sur cette verse parasitaire.

Une attention particulière pour les orges d’hiver

L’orge d’hiver est classiquement plus « prédisposée » à la verse que le blé tendre, et mérite une attention particulière. Les variétés d’orge d’hiver sont également classées selon leur sensibilité à la verse. Quatre essais ont été réalisés durant les campagnes 2019-2020 et 2020-2021 pour étudier, à deux stades d’application (1-2 nœuds et dernière feuille étalée), les spécialités récentes du marché à base de trinexapac (Proteg DC, Medax Max, Trimaxx), de prohexadione (Medax Max et Orfèvre) et d’étéphon (Flordimex Extra). Les comportements sont équivalents, sans différences significatives que ce soit pour les applications effectuées à 1-2 nœuds, celles à DFE ou encore les programmes.

Néanmoins, la verse était très peu présente (témoin versé à 3 au maximum – pour une échelle qui monte à 10), ces essais permettent surtout d’analyser le risque encouru par l’application d’un régulateur, quand le risque est faible, sachant que les essais maximisent le risque de verse avec une variété sensible et une sur-fertilisation. Orfèvre, appliqué à 1 l, se rapproche de l’efficacité des produits utilisés autour de 1-2 nœuds de la céréale. Ils assurent le raccourcissement de la culture, sans impact net sur le rendement. Sur de telles situation, une impasse aurait été envisageable, d’autant plus en choisissant des variétés peu sensibles à la verse dont l’efficacité est connue.

Les programmes assurent une régulation très efficace avec un effet significatif sur la hauteur, tout comme l’application d’étéphon autour de 480 g.
Il reste intéressant de choisir une variété peu sensible à la verse afin de limiter les traitements, voire de faire l’impasse selon les conditions de l’année.

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