Pour nourrir le monde, il faut des gains de productivité
Dans le nord de la Côte d’Ivoire, des paysans ont pu, grâce à la culture attelée, plus que doubler leurs surfaces en coton et cultures vivrières et augmenter leurs rendements.
Dans un contexte où la sous-nutrition progresse de nouveau dans le monde, les disparités sont considérables entre les pays qui ont réussi à la réduire dans des proportions importantes (à commencer par la Chine) et beaucoup d’autres où la faim a progressé, en particulier en Afrique et au Moyen-Orient. La faim a partout reculé en Asie et, dans une moindre mesure, en Amérique latine. (…)
Des conditions naturelles favorables ne suffisent pas pour éradiquer la sous-nutrition. Les exemples de la Zambie (excès d’autorité), de Haïti (excès de libéralisme) et de Madagascar (carences de l’état) montrent que ces pays ont vu leur situation alimentaire se dégrader en raison de politiques agricoles inadaptées ou inexistantes. Chaque fois, les politiques agricoles et agroalimentaires retenues ont joué un rôle fondamental dans ces succès et échecs respectifs. (…)
Les dernières projections prévoient que [la population mondiale] pourrait atteindre près de 10
Libéralisme ou protectionnisme ?
Faut-il choisir une politique agricole et alimentaire plutôt libérale, sans trop d’aides publiques tout en développant les échanges, pour favoriser au moins à court terme les consommateurs, au risque de défavoriser les producteurs locaux
Pour des pays encore peu performants, le protectionnisme peut être aussi un moyen de développer leur propre agriculture. C’est ainsi, par exemple, que l’Union européenne a eu besoin d’environ 35
En réalité, aucun pays ne s’inscrit entièrement dans une doctrine ou dans une autre. La plupart des économies libérales présentent des lois ou des organismes de contrôle visant à éviter – ou du moins à limiter – les excès de fluctuation et de fonctionnement des marchés. La question n’est pas d’opter de façon systématique pour une politique soit libérale, soit protectionniste, mais plutôt de déterminer où placer le curseur en prenant en compte les atouts et les contraintes nationales. (…) En dépit du retour des politiques protectionnistes qui ont suivi les émeutes de la faim, les échanges internationaux continuent à augmenter, avec des gagnants et des perdants. Les échanges internationaux de grains (blé, maïs, riz) sont en forte croissance (…) et continuent de croître, passant de 17 à 25
Huit prérequis
Les politiques agricoles, qu’elles soient libérales ou protectionnistes, doivent répondre à un minimum de conditions connexes pour être efficaces. Un certain nombre de prérequis sont nécessaires. Doivent être surmontés les insuffisances de l’état, l’absence d’infrastructures rurales (routes, écoles, dispensaires) et de développement des autres secteurs de l’économie, le handicap des technologies trop rudimentaires, la mise en place de politiques sans organisations paysannes ni véritables marchés agricoles, enfin le manque d’industries de transformation sur place et l’insuffisance des moyens financiers consacrés au développement de l’agriculture et à l’accompagnement des agriculteurs.
À la différence de l’Afrique, il est intéressant de noter qu’en Asie, tous les pays étudiés, à l’exception peut-être de l’Inde, ont considérablement amélioré leur situation alimentaire grâce à des politiques satisfaisant l’ensemble de ces prérequis.
Parmi les incertitudes liées au potentiel de production
Les rendements élevés devraient rapidement plafonner, en particulier avec les techniques de production relevant de l’agroécologie, tout au moins dans les pays développés. (…) Au niveau mondial, depuis
Puisque les réserves en terres cultivables apparaissent limitées (10 à 15
Éviter les émeutes
Quels pays ont été les plus efficaces pour réduire la faim
L’étude répartit les 30
- Les pays à fort potentiel agricole et disposant d’avantages comparatifs, qui ont naturellement tendance à profiter de ces avantages en pratiquant une politique libérale.
- Les pays tirant profit de rentes d’origine non agricole pour leur alimentation (pétrole, or, cuivre, diamant) ou provenant de culture de rente (cacao, café, caoutchouc), qui sont tentés par une politique libérale en finançant leur facture alimentaire grâce aux recettes procurées par ces ventes. L’exemple le plus illustratif est sans doute le Botswana, pays désertique regorgeant de diamants, d’or, de cuivre, de nickel et d’argent. (…)
- Les pays à potentiel agricole plus ou moins limité, avec une politique d’autosuffisance forte. Parmi les exemples les plus illustratifs figurent le Malawi, l’Indonésie, la Chine, la Turquie, le Japon, l’Inde et la Russie depuis l’arrivée du président Poutine. (…)
- Les pays libéraux sans forte ou unique volonté d’autosuffisance alimentaire, soit par réalisme économique (Maroc, éthiopie, Israël, Sénégal), soit par manque de moyens financiers (égypte, Cuba, Mali). (…)
Figure 2 : Potentiel d’augmentation de la production agricole par les rendements et par les surfaces.
L’ère de la souveraineté alimentaire
Entrons-nous durablement dans une phase protectionniste (…), puisque les principaux dirigeants de la planète (Trump aux états-Unis jusqu’en 2021, Poutine en Russie, Xi Jinping en Chine) brandissent à la moindre occasion des menaces de fermeture des frontières ?
Le leitmotiv depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine est celui de la souveraineté alimentaire. (…)
L’appel des responsables politiques à davantage d’autosuffisance alimentaire ne se traduira probablement ni par un retour à l’autarcie, ni par des relocalisations massives, mais plutôt par des politiques de sécurité alimentaire plus diversifiées dans leurs approvisionnements pour ne pas dépendre d’un seul pays.
Atlas des politiques agricoles et alimentaires
Philippe Ducroquet, Jean-Paul Charvet.
Éditions du Rocher, 248 pages, 24,90 €.
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