Colza : concilier teneur en huile et teneur en protéines

La recherche de l’autonomie protéique conduit à revoir la fertilisation du colza (azote, soufre, fractiopnnement) et la variété semée afin de favoriser l’accumulation de protéines dans la graine. Recherche variétale : des variétés à haute teneur en protéines ET en huile en vue.
La graine de colza contient deux fractions dominantes, l’huile et la protéine, qui s’accumulent simultanément dans la graine.

La valorisation de la protéine issue du colza suscite un regain d’attention depuis ces dernières années1. D’abord avec l’ouverture d’une nouvelle filière vers l’alimentation humaine, formalisée par la mise en service en 2022 d’une structure industrielle dédiée par les groupes Avril et Royal DSM. Mais aussi en alimentation animale, avec la recherche d’un tourteau « premium » présentant une teneur en protéines plus élevée que la moyenne du marché.

Concilier teneur et qualité protéiques… et teneur en huile

Augmenter la teneur en protéines des graines représente un nouveau challenge car historiquement, la valorisation du colza est basée sur l’huile. L’optimisation de l’itinéraire technique (y compris via la sélection variétale) s’était jusqu’à présent focalisée sur ce débouché.

Pour produire du colza à haute teneur en protéines, il est donc nécessaire d’adapter la conduite culturale pour favoriser d’avantage l’accumulation de la protéine dans les graines. En gardant cependant en tête que l’accumulation de la protéine et de l’huile sont antagonistes sur le plan écophysiologique : une graine riche en protéines sera probablement moins riche en huile.

La recherche du double débouché huile et protéines apparaît donc compliquée, et une segmentation du marché vers l’un ou l’autre pourrait se profiler dans les prochaines années.

Par ailleurs, un nouveau paramètre doit être pris en compte, en particulier pour l’alimentation humaine : la qualité protéique. La graine de colza est naturellement dotée d’acides aminés soufrés dits essentiels ; ces derniers ne peuvent pas être synthétisés par les organismes monogastriques, dont les humains.

Néanmoins, il existe une variabilité de la proportion de ces acides aminés au sein des protéines du colza, déterminée par le ratio « napine/cruciférine » - deux protéines de réserve dans la graine, la première étant plus riche en acides aminés soufrés. L’objectif est d’augmenter la teneur en protéines des graines mais aussi la part de ces acides aminés essentiels au sein du pool de protéines, afin de fournir des protéines de qualité.

Adapter le choix variétal, un levier gagnant sur tous les plans

Comme la teneur en huile, la teneur en protéines est conditionnée par la variété choisie. Cette teneur varie beaucoup d’un site de production à l’autre, mais une variété dite riche en protéines obtiendra, en un lieu donné, quasi-systématiquement une teneur plus élevée que les autres variétés.

Dans le cadre du projet IN PETTO2 (2016-2019), une pré-étude avait permis d’identifier un pool de onze variétés commercialisées ou en pré-commercialisation dont la teneur en protéines était a priori plus élevée que la moyenne. Les essais menés ont confirmé ce potentiel pour trois d’entre elles, notamment pour ES Cesario et ES Amadeo : si la première obtient une teneur en protéines significativement plus élevée que le témoin DK Exstorm, ES Amadeo semble présenter un meilleur compromis huile/protéines. Le gain moyen de teneur en protéine est de + 1 %. Ces deux variétés ont, en outre, obtenu des rendements similaires.

D’autres variétés commercialisées sont actuellement évaluées dans le cadre du projet Decoproze (2023-2027) dont l’un des objectifs est de mettre au point un profil variétal innovant à très haute teneur en protéines (encadré).

Des variétés à haute teneur en protéines et en huile en vue

Le colza de printemps est naturellement plus riche en protéines que le colza d’hiver, pour des teneurs en huile qui avoisinent celle de son cousin. Cependant des programmes de recherches ont été lancés afin d’améliorer les graines du colza d’hiver sur le ce critère et permettre d’apporter à terme une meilleure teneur en protéines.

Par ailleurs, le projet Decoproze récemment lancé par un consortium d’acteurs de la filière colza avec le soutien de France 2030, veut mettre à l’échelle de la production une nouvelle variété de colza pour la production de tourteaux riches en protéines (+20 %) et pauvres en fibres non-digestibles (-25 %) pour la souveraineté protéique française. Ce projet doit permettre de valider un démonstrateur de filière de ce colza dit « avancé » et de mettre en place des modes de cultures agroécologiques dont l’utilisation de biostimulants spécifiques.

Retarder les apports et moduler le fractionnement

Le projet IN PETTO2 avait permis de (re)démontrer l’intérêt de retarder le dernier apport d’azote pour augmenter la teneur en protéines, avec des gains associés qui restaient néanmoins modérés (+ 0,7 %).

Dans le cadre du projet IN PETTO 2 2 (2020-2022), l’adaptation du parcours de fertilisation azotée a été approfondi. Différents leviers ont été combinés : retarder le dernier apport mais également le deuxième (ou le premier apport en cas de fractionnement en deux apports seulement), couplé ou non avec le report de 40 kg d‘azote par hectare (kg N/ha) du deuxième apport (ou du premier) vers le dernier apport.

Ces modalités ont été comparées à une stratégie de fertilisation classique, en deux ou trois apports selon la dose prévisionnelle calculée.

En complément, le fractionnement de l’apport de soufre en deux apports (couplés au premier et au deuxième apport d’azote) a été testé. Pour ce dernier levier, l’objectif n’était pas de jouer sur la teneur en protéines mais sur la qualité protéique. En effet, une précédente étude menée en conditions contrôlées a révélé que le ratio « napine/cruciférine », révélateur de la qualité protéique, était favorisé par un apport fractionné de soufre. Mais il était nécessaire de démontrer l’efficacité de ce levier au champ.

Les essais conduits en 2021 et 2022 ont montré que, dans le cas de trois apports d’azote, en retardant uniquement le dernier apport jusqu’au stade G1, l’effet restait limité sur la teneur en protéines : le gain est de + 0,3 %. En revanche, le retard conjugué du deuxième apport (jusqu’à F1) et du dernier (jusqu’à G1) a permis un gain significatif de + 1,2 %. Dans le cas d’un fractionnement en deux apports, les conclusions ont été similaires quand le dernier apport, voire le premier aussi, était retardé.

Ce gain de teneur en protéines passe à + 1,7 % lorsqu’au retard de la date d’apport est associé un report de 40 kg N/ha du deuxième apport vers le dernier. Mais dans les deux cas, cela a abouti à une baisse significative de la teneur en huile de - 0,8 à - 1,1 % (figure 1).

APPORTS RETARDÉS & REPORT DE DOSE : la teneur en protéines est maximisée mais la teneur en huile est pénalisée
APPORTS RETARDÉS & REPORT DE DOSE : la teneur en protéines est maximisée mais la teneur en huile est pénalisée
Figure 1 : Impact sur la teneur en huile et en protéines d’apports tardifs couplés à un report de dose sur le dernier apport. Cas d’un fractionnement de la nutrition azotée du colza en 3 apports.

Le fractionnement de l’apport de soufre s’est révélé sans impact sur la teneur en protéines, ni sur la teneur en huile. Constat rassurant par ailleurs : aucune des modalités testées n’a eu d’impact sur le rendement en graines.

Si l’impact de ces pratiques paraît intéressant sur la teneur en protéines, leur faisabilité en parcelle d’agriculteur est limitée avec le matériel d’épandage actuellement disponible dans les exploitations. En effet, les colzas au stade F1 sont déjà hauts, et encore plus au stade G1, et les épandeurs classiques ne sont pas prévus pour passer par-dessus.

Une alternative pourrait être d’apporter l’azote sous forme liquide avec un pulvérisateur. Mais cette forme d’azote occasionne un risque de brûlures important, sur feuilles et sur bourgeons floraux, dont l’impact sur le rendement n’a pas été évalué.

Dans la perspective de développement d’un marché centré sur la valorisation de la protéine, il apparaît désormais nécessaire de s’atteler aux tests « grandeur nature » de ce type de pratiques. En premier lieu pour évaluer les différentes options techniques disponibles, en faisant appel à l’innovation en machinisme au besoin. Et en second lieu, pour confirmer que les tendances vues en micro-parcelles se retrouvent bien en parcelles d’agriculteur, associées à une plus grande diversité de pratiques et de pédoclimats.

Pas de tendance nette sur la qualité protéique

Outre l’impact sur la teneur en protéines, le projet IN PETTO 2 2 a également étudié l’impact des différentes modalités de fertilisation azotée et soufrée sur la qualité protéique des graines.

Les conclusions s’avèrent mitigées car l’augmentation de la teneur en protéines n’est pas forcément corrélée à celle du ratio « napine/cruciférine ». En particulier, le fractionnement de l’apport de soufre n’a pas eu l’impact escompté dans tous les essais. Les facteurs déterminants de cette qualité protéique restent donc à approfondir pour espérer être gagnant demain sur les deux tableaux.

(1) Lire l’article « Protéines issues du colza : comment répondre à la demande des marchés », n°500 de Perspectives Agricoles (juin 2022).
(2) Financé par Sofiprotéol pour le compte du FASO

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