Auxiliaires des cultures : les observer pour mieux les intégrer dans son système agricole

Pourquoi ne pas profiter de l’aide apportée par les organismes auxiliaires pour lutter globalement contre les bioagresseurs des cultures ? Encore faut-il repérer les populations présentes. Sans y consacrer trop de moyens, quelques observations peuvent être facilement menées ; elles constitueront une précieuse source d’informations sur les populations les plus utiles et sur le niveau de leur activité.
Comment et pourquoi observer les auxiliaires des cultures

Les auxiliaires de culture sont des organismes qui détruisent ou régulent les bioagresseurs des plantes de plantes. Cette partie de la biodiversité regroupe des micro-organismes (nématodes entomopathogènes de taupin, par exemple), des invertébrés (notamment les insectes) et des vertébrés (dont les rapaces, qui consomment des micromammifères). Ils peuvent être prédateurs - ils consomment des proies pour satisfaire leurs besoins alimentaires - ou parasitoïdes - les adultes pondent dans la proie, la larve se développe à l’intérieur de l’hôte à ses dépens et en sort lors de l’émergence.

Les auxiliaires participent à l’un des services écosystémiques fourni à la production par les écosystèmes agricoles : le contrôle biologique. Celui-ci peut contribuer à maintenir les populations de bioagresseurs en dessous du seuil de nuisibilité.

Le seul contrôle biologique suffit parfois à éviter les dommages sur les cultures, mais ce n’est pas toujours le cas. Aussi, l’objectif de démarches comme l’agroécologie ou encore la protection intégrée des cultures est-il d’optimiser ce service et de le combiner à d’autres leviers afin d’obtenir un niveau satisfaisant de protection des cultures.

Un nouveau réflexe : observer les auxiliaires comme les bioagresseurs

Les populations d’auxiliaires et leur potentiel de contrôle biologique sont influencés par de nombreux facteurs intrinsèques aux parcelles (pratiques de protection des cultures, travail du sol, diversité de l’assolement…) et extrinsèques, comme la présence et l’état d’infrastructures agroécologiques (haies, bandes enherbées, arbres isolés, mares…) autour des parcelles. Le contexte agropédoclimatique impacte également ces populations et ce contrôle biologique. Il est donc difficile de tirer des conclusions générales sur la manière de les intégrer au pilotage des cultures.

Néanmoins, au même titre que des observations de bioagresseurs, il est indispensable de réaliser des observations d’auxiliaires en parcelles agricoles et à proximité, et/ou de relever des indices de leur activité de régulation. C’est un moyen de comprendre quelles populations sont présentes dans les parcelles, de suivre leur évolution et le niveau de leur activité, et ainsi d’augurer d’un potentiel contrôle biologique.

Pour cela, de nombreuses méthodes sont disponibles - et il n’est pas toujours facile de s’y retrouver ! La mise en place d’observations peut sembler difficile mais celles-ci se révèlent finalement abordables par tout un chacun, dès lors qu’un peu de temps y est consacré. Voici quelques conseils simples pour s’initier aux suivis de biodiversité.

Quels auxiliaires regarder ?

Pour commencer à s’intéresser aux auxiliaires, à leur présence et leur activité, il est possible de centrer ses observations sur les principaux groupes d’auxiliaires rencontrés en milieu agricole. Les insectes volants (syrphes, chrysopes, coccinelles…), plus faciles à voir que ceux qui se déplacent à la surface du sol, se prêtent bien à cet exercice. Ces insectes ont des larves de forme différente de celle des adultes. Étant moins mobiles, les stades larvaire et nymphal sont plus faciles à observer.

Si l’objectif des observations est d’étudier l’effet d’une pratique agricole sur les auxiliaires, les organismes auxquels il faut alors s’intéresser dépendent de la pratique dont l’effet est mesuré. Par exemple, pour étudier l’effet du travail du sol, il faut s’intéresser aux auxiliaires vivant tout ou partie de leur cycle de vie dans le sol. C’est le cas des carabes et des hyménoptères parasitoïdes, qui ont des stades très sensibles au travail du sol. Les insectes épigés(1) sont également sensibles à la couverture du sol et à la rotation des cultures. Les insectes volants, quant à eux, sont plus impactés par les traitements insecticides ou encore la présence de végétation en fleur dans l’environnement. Les insectes dans leur ensemble sont favorisés par la présence et la bonne gestion d’infrastructures agroécologiques.

Enfin, si l’objectif est d’étudier les relations entre la dynamique des ravageurs et de leurs ennemis naturels, il faut dans un premier temps définir le ravageur problématique. Selon celui-ci, il sera alors possible de dresser la liste des auxiliaires susceptibles de le réguler (tableau 1), puis de mettre en place des suivis adaptés à ces organismes. Il est utile de considérer l’ensemble de la guilde(2) régulant le ravageur et non un seul auxiliaire, afin d’obtenir des informations plus précises.

Il est envisageable de préférer observer les traces d’activité de certains auxiliaires plutôt que leur présence directe. C’est par exemple le cas pour les hyménoptères parasitoïdes qui sont difficiles à observer car très mobiles et compliqués à identifier. L’observation des ravageurs parasités (comme les momies de pucerons) est plus simple. Cela permet par ailleurs de calculer un indice d’activité : le taux de parasitisme des ravageurs (nombre de ravageurs parasités/nombre de ravageurs sains) et de suivre son évolution dans le temps.

Trouver le bon moment

Déterminer quand observer les auxiliaires dépend de l’objectif fixé pour les observations.

Pour se familiariser avec la faune auxiliaire présente dans les parcelles, mieux vaut l’observer lors de la principale période d’activité : le printemps. Les insectes volants sont plus actifs l’après-midi, lorsque les températures sont plus élevées, par temps clair et vent faible.

S’il s’agit d’étudier l’effet d’un changement de pratique sur les auxiliaires, on débutera les observations avant le changement de pratique, afin d’avoir une référence sur les populations qui servira de base de comparaison. Les observations se poursuivront après le changement de pratique pour observer l’évolution. S’il s’agit de comparer deux parcelles conduites différemment, les observations sur chaque parcelle devront être réalisées au même moment, pour éviter tout biais temporel.

Enfin, pour étudier la dynamique des auxiliaires en fonction de celle d’un ravageur, démarrer les suivis dès l’arrivée du ravageur dans les parcelles, afin de vérifier à la fois son développement et celui de ses ennemis naturels, jusqu’au pic d’abondance et, si possible, encore ensuite. La période où réaliser les observations dépend donc de la période d’activité du ravageur.

Elle dépend également du type d’auxiliaire. Les auxiliaires qui mangent de tout, comme les carabes et les araignées, sont présents et actifs dans les parcelles une bonne partie de l’année. Ils réalisent une régulation de fond, et préviennent l’apparition de pics de pullulation de ravageurs. Les auxiliaires spécialistes sont, pour la plupart, dépendants de la présence des ravageurs qui constituent leur nourriture ou leur hôte (parasitisme). Ils limitent l’intensité du pic de pullulation.

Où chercher les auxiliaires ?

La première échelle d’observation des auxiliaires est celle où leur activité est recherchée : la parcelle. Les auxiliaires y sont présents parce qu’ils y trouvent leur nourriture, voire qu’ils s’y reproduisent (comme les carabes).

Les populations présentes à un moment donné dans les parcelles sont affectées par de nombreux facteurs qui dépendent de plusieurs échelles spatiales. Les auxiliaires sont en effets mobiles et ont besoin de diverses structures afin d’accomplir l’ensemble des étapes de leur cycle de vie. Plus un organisme est mobile, plus il est impacté par des processus se déroulant à des échelles larges : ainsi, les insectes épigés dépendent plutôt de facteurs relatifs à la parcelle, alors que les insectes volants ou les oiseaux sont plutôt affectés par des facteurs relatifs à l’échelle du paysage.

Les bords de champs sont régulièrement utilisés par les auxiliaires à la recherche d’une zone pour hiberner, se reproduire ou se réfugier temporairement. Ils fournissent également des ressources alimentaires. Le paysage dans son ensemble affecte également les populations. Les différentes espèces d’auxiliaires ont chacune leur température, luminosité, habitat… préférés. Un paysage diversifié fournira donc une large gamme de micro-habitats et donc, potentiellement, les conditions nécessaires à la présence d’une grande variété d’espèces.

C’est quoi cette bête ? Au cours ou après les observations, il est intéressant de chercher à identifier les invertébrés recueillis (ou photographiés) - ne serait-ce que pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un auxiliaire des cultures. Une identification précise du genre ou de l’espèce est souvent utile pour obtenir des informations détaillées sur l’organisme en question : son écologie, son régime alimentaire, etc. Il existe des outils pour s’initier à la reconnaissance des invertébrés sur la base de critères simples, sans forcément aller jusqu’à l’espèce. C’est le cas de la « clé de sensibilisation » à la reconnaissance des principaux groupes d’invertébrés produite par le projet AuxiMORE(1). Il en existe de nombreuses autres en ligne, mais qui requièrent des connaissances plus poussées. Plusieurs sites renseignent sur les ravageurs et les auxiliaires en milieu agricole, comme Encyclop’aphid(2), très riche en informations sur les pucerons et leurs ennemis naturels.

(1) À retrouver sur https://arena-auximore.fr/jai-capture-une-bete
(2) Cette mini encyclopédie des pucerons produite par INRAE est consultable sur https://www6.inrae.fr/encyclopedie-pucerons

À chaque auxiliaire une méthode d’observation

Il existe de nombreuses méthodes pour étudier les auxiliaires (tableau 2) basées sur l’observation et/ou la capture des organismes. Le choix de la méthode d’observation des auxiliaires et du protocole associé doit se raisonner en fonction des organismes à étudier mais aussi des objectifs associés aux observations (voir encadré et « En savoir plus »).

Il faut également trouver un compromis entre la précision de l’information recherchée (les auxiliaires doivent-ils juste être dénombrés ou aussi identifiés ?), les moyens temporels et financiers alloués aux observations, et les connaissances disponibles.

Pour s’initier aux observations de la faune présente, pourquoi ne pas commencer par prendre quelques instants pour détecter leur présence lors de travaux au champ ? Quelques minutes peuvent être dédiées à la recherche d’auxiliaires, par exemple lors de comptages de bioagresseurs. Une autre option est de regarder les auxiliaires présents dans les cuvettes jaunes qui auront été installées pour détecter les vols de ravageurs. Ces actions, assez rapides, rendent compte de l’activité et de la diversité des auxiliaires dans les parcelles, qui sont souvent sous-estimées au premier abord.

(1) Épigée : se dit d’une espèce qui vit sous la strate herbacée, à la surface du sol.
(2) Guilde : groupe d’espèces exploitant les mêmes ressources - par exemple, se nourrissant ou parasitant le même ravageur.

En savoir plusToujours hésitant ? Un guide de terrain a été produit par le projet AuxiMORE, téléchargeable sur http://arvalis.info/22v. Il propose des observations simples à réaliser en parcelles agricoles. Toujours dans le cadre de ce projet, des protocoles d’observation des principaux insectes auxiliaires en grandes cultures sont proposés, avec des vidéos à l’appui, sur https://arena-auximore.fr/observer-2. Et pour observer les oiseaux en milieu agricole, le projet Agribirds propose des protocoles simples, notamment lors de travaux au champ sur https://agribirds.wordpress.com, onglet OBSERVER.

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