Virus des céréales à paille : les identifier précisément pour mieux protéger les céréales

Débuté fin 2021, le projet VIROCAP s’emploie à mieux connaître les virus qui attaquent les céréales à paille - et tout particulièrement les différentes espèces virales responsables de la jaunisse nanisante de l’orge. Ses objectifs : caractériser les virus à l’aide des techniques de séquençage à haut débit afin d’améliorer leur détection et le diagnostic des maladies, et évaluer l’incidence de la maladie selon les stress abiotiques subis par les cultures.
Projet VIROCAP : caractériser les virus des céréales à paille

Les insectes piqueurs-suceurs transmettent de nombreux virus aux cultures, dont certains sont responsables de maladies engendrant d’importantes pertes de rendement en céréales à paille (encadré).

Des enjeux de productivité importantsLa jaunisse nanisante de l’orge est très dommageable sur céréales à paille, par son étendue (car tout le territoire est concerné), sa présence récurrente et sa forte nuisibilité. En l’absence de traitement insecticide, le taux de parcelles infectées varie de 20 à 80 % selon les années, et les pertes de rendement s’élèvent en moyenne à 16 q/ha sur blé tendre d’hiver et 30 q/ha sur orge d’hiver, selon une synthèse d’essais d’Arvalis.

La maladie des pieds chétifs, bien qu’historiquement plus régionalisée, est également très préjudiciable. Les pertes de rendement sont de l’ordre de 35 % mais peuvent parfois conduire, comme pour la jaunisse nanisante de l’orge, à la perte de la totalité de la récolte.

La mosaïque striée du blé, peu connue jusqu’alors sur le territoire français, est apparue épisodiquement ces dernières années et justifie une vigilance car des symptômes ont pu être observés en 2020.

Plusieurs espèces de pucerons (principalement Rhopalosiphum padi et Sitobion avenae) peuvent ainsi transmettre des virus du complexe B/CYDV responsable de la jaunisse nanisante de l’orge (JNO), très nuisible sur orge et sur blé tendre. Les céréales à paille sont également sensibles à d’autres viroses comme la maladie des pieds chétifs, induite par le virus WDV transmis par la cicadelle Psammotettix alienus ou encore, de façon plus anecdotique, la mosaïque des stries du blé induite par le virus WSMV, transmis par l’acarien Aceria tosichella.

De nouveaux contextes réglementaire et climatique compliquent la lutte

Les plantes ne disposent pas de système immunitaire leur permettant de guérir d’une infection virale. Aussi la protection des cultures contre les virus a-t-elle longtemps ciblé les vecteurs à l’aide de produits phytopharmaceutiques.

Toutefois, la situation a brutalement évolué ces dernières années. Ainsi, la récente interdiction de tout produit phytosanitaire contenant une substance active de la famille des néonicotinoïdes restreint désormais les possibilités de lutte insecticide sur céréales à l’automne aux produits issus de la seule famille des pyréthrinoïdes. De nouveaux moyens sont donc à développer, curatifs ou préventifs.

Côté lutte génétique, s’il existe des variétés d’orges tolérantes à la JNO, la protection apportée par la tolérance n’est pas totale, et leur robustesse vis-à-vis des différents membres du complexe B/CYDV est mal connue. Le blé fait actuellement l’objet de fortes attentes concernant le développement de variétés de blé tendre tolérantes ou résistantes à la JNO.

En prime, les récentes évolutions climatiques peuvent modifier les interactions entre bioagresseurs et cultures. Les dernières campagnes se caractérisent par des températures hivernales plus douces, favorables à la survie des pucerons et à la multiplication des virus dans les plantes, et par des épisodes climatiques très contrastés au cours du printemps, avec des températures et des pluviométries parfois extrêmes. L’enchainement de ces conditions est défavorable à l’état physiologique des plantes. Or l’exposition de plantes malades à des stress abiotiques est susceptible de modifier leur résilience face aux virus.

Le séquençage haut débit d’échantillons de céréales à paille présumées malades couplé à des analyses bio-informatiques fourniront une vision non biaisée de la diversité des virus ainsi que de leur distribution et de leur prévalence sur le territoire.

Mieux connaître l’ennemi et sa nuisibilité

Pour accompagner les acteurs des filières céréalières à gérer les risques de viroses, il est nécessaire en premier lieu de disposer d’outils d’analyse pouvant identifier les différents virus présents en France métropolitaine sur les céréales à paille.

Il est également nécessaire d’évaluer l’incidence de la principale virose (la JNO) en fonction des différentes conditions de culture et des stress abiotiques que les plantes peuvent subir au cours du cycle cultural (froid, chaleur, sécheresse, stress azoté…).

C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de recherche VIROCAP, subventionné par le CASDAR pour une durée de 42 mois. Piloté par Arvalis avec pour partenaires les unités de recherche INRAE 1332 BFP-Bordeaux et PHIM-Montpellier, ce projet est construit avec deux volets.

Le premier doit acquérir de nombreuses connaissances concernant la répartition et la structuration des populations des espèces virales présentes en France sur les céréales à paille (en priorisant les virus du complexe B/CYDV de la JNO).

Pour mieux connaitre la diversité des espèces virales, leur distribution sur le territoire et leur prévalence, des échantillons de céréales à paille présumées atteintes par une maladie virale seront collectés au cours de deux campagnes et analysés par des techniques de séquençage à haut débit couplées à des analyses bio-informatiques. Ces méthodes sans a priori permettent une vision non biaisée de la diversité virale. Ce sera l’occasion de confronter les méthodes d’analyse existantes et, si elles ne donnent pas satisfaction, de développer de nouveaux outils visant une identification génétique fiable et la quantification des virus d’intérêt agronomique pour les céréales à paille.

Ces nouveaux outils permettront de progresser dans la connaissance des principaux virus des céréales à paille, y compris au sein de leurs réservoirs présents dans l'environnement. Ils apporteront de nouvelles informations sur les interactions entre virus, vecteurs et plantes hôtes, et sur les flux de virus entre les compartiments cultivés et non cultivés. Il s’agira également d’identifier des virus dits secondaires ou même de nouveaux virus.

Une attaque précoce du virus responsable de la maladie des pieds chétifs se traduit par un jaunissement des pointes des feuilles et la nanification des céréales pouvant aller jusqu’à leur disparition totale.

Établir les liens avec les stress abiotiques pour optimiser la lutte

Le deuxième volet du projet étudie l’incidence croisée de l’état sanitaire et de l’état physiologique des céréales à paille selon divers stress abiotiques pouvant les affaiblir. Le projet étudiera tout particulièrement les viroses induites par le complexe B/CYDV de la JNO dans différentes conditions de température et d’alimentation hydrique et azotée, y compris en situations de stress.

Des études seront réalisées en laboratoire, avec des procédures expérimentales permettant d’acquérir des connaissances sur les premières étapes du cycle infectieux. Des modalités seront également évaluées en serre sur les différentes étapes du développement des céréales jusqu’à leur maturité et, pour certaines modalités, au champ. Il sera ainsi possible de proposer des itinéraires techniques plus résilients en cas d’exposition à ces viroses.

Ces outils et connaissances sont également un moyen de progresser dans l’analyse des risques de maladie virale, afin d’optimiser les recommandations de lutte directe contre les vecteurs en restreignant celle-ci aux seules situations à risque.

L’actualisation des connaissances sur les virus des céréales à paille présents en France permettra, en outre, aux sélectionneurs de réaliser une sélection variétale adaptée au risque sanitaire réel.

Nathalie Robin - n.robin@arvalis.fr
Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com

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