Sans label, la méthanisation à la ferme n’a peut-être pas d’avenir

L’économiste Pascal Grouiez identifie les prémices d’un déclin de la méthanisation agricole à la ferme. Heureusement, ce n’est pas une fatalité.
Sans label, la méthanisation à la ferme n’a peut-être pas d’avenir

Maître de conférences à l’université Paris Cité, chercheur au laboratoire Dynamiques sociales et recomposition des espaces (Ladyss, UMR CNRS 7533) et coordinateur de l’étude Métha’Revenus.

Quelles menacent pèsent sur la méthanisation à la ferme ?
Pascal Grouiez : La méthanisation est en train de tomber dans le même travers que les autres productions agricoles : une prise de pouvoir par l’aval de la chaine de valeur. En effet, les agroindustriels et industriels se mettent à la méthanisation ou deviennent actionnaires d’unités agricoles. Or, les agriculteurs ne peuvent pas être compétitifs face à des acteurs aussi importants, surtout pour les agriculteurs disposant de substrats à faible pouvoir méthanogène ou ayant opté pour la cogénération au moindre rendement énergétique. Ils risquent donc de devenir de simples fournisseurs de matière première - en l’occurrence de substrat - sans possibilité de capter une part importante de la valeur ajoutée. Les technologies pourraient même évoluer pour s’adapter aux substrats non agricoles. En bref, les agriculteurs pourraient perdre le pouvoir sur la chaine de valeur qu’ils ont eux-mêmes créée. D’autre part, les politiques publiques « orientent » beaucoup les projets. L’innovation est contrainte par des acteurs non-agricoles.

Les subventions publiques sont-elles indispensables pour dégager un revenu en méthanisation à la ferme ?
P.G. : Il convient de distinguer l’investissement et le fonctionnement. Sans subvention au tarif de rachat, la méthanisation n’est a priori pas rentable, quel que soit le système choisi… du moins dans l’attente d’une revalorisation de l’énergie, ce que la guerre en Ukraine est en train de provoquer.
Il n’en est pas de même pour les subventions à l’investissement. Si elles sont nécessaires notamment pour les éleveurs, car elles constituent leur apport en fonds propres pour emprunter, ce n’est pas forcément le cas pour les céréaliers. J’en ai rencontré qui étaient engagés dans plusieurs projets de méthanisation. Grâce à leurs premières unités de méthanisation, certains céréaliers se passaient des aides à l’investissement. Alors que les subventions ont déjà commencé à diminuer, il semblerait opportun d’octroyer un peu plus finement les aides à l’investissement.

La méthanisation industrielle condamne-t-elle la méthanisation à la ferme ?
P.G. : La partie n’est pas finie ! Les consommateurs, si sensibles à l’environnement, ont un rôle à jouer. La biomasse peut être mobilisée de manière durable ou dans une logique purement productiviste. Beaucoup d’agriculteurs se servent de la méthanisation pour accomplir leur transition agroécologique et/ou montent ces projets dans une optique d’économie circulaire. Il pourrait y avoir un label pour le biogaz issu de ces exploitations, qui distinguerait leur biogaz de celui des unités industrielles. Une autre option est d’utiliser des technologies « frugales », rentables même avec des substrats peu méthanogènes, selon une logique de disponibilité de la biomasse.

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