Cinq leviers pour fidéliser son salarié

Recruter est un coût : en temps, en finances et en charge mentale. Cultiver l’envie de rester dans l’exploitation chez ses salariés n’est donc pas à une tâche à prendre à la légère. Voici quelques conseils d’experts en ce sens.
Certaines tâches à réaliser sur l’exploitation agricole comportent des risques pour la santé du salarié. Offrir toutes les conditions nécessaires à leur sécurité est indispensable pour fidéliser.

Certaines tâches à réaliser sur l’exploitation agricole comportent des risques pour la santé du salarié. Offrir toutes les conditions nécessaires à leur sécurité est indispensable pour fidéliser.

1- Soigner l’accueil et l’intégration 

Trouver un collaborateur est une chose, le garder en est une autre. D’après l’ensemble des spécialistes consultés pour ce dossier, la fidélisation se travaille dès le premier jour. « Le soin que l’on consacrera à accueillir le nouveau salarié est capital », confirme Olivier Le Failler, directeur des ressources humaines chez Arvalis. Offrir le café, visiter la ferme, faire en sorte que les autres salariés (s’il y en a) soient là pour l’accueillir, présenter les voisins… C’est à travers ces petits gestes que le nouveau collaborateur se forge sa première impression. « Il faut lui donner le sentiment d’être attendu », conseille Olivier Le Failler. Au cours des premières semaines, libérer du temps dans son agenda pour accompagner la prise de poste s’avère judicieux. « Les erreurs, ça arrive, mais ça a un coût. Être présent réduit le risque », ajoute Dorothée Boschat, fondatrice du cabinet Inspire RH.

2- Offrir des conditions de travail sécuritaires

« La génération actuelle est très au fait des risques professionnels, et a une vraie culture de la sécurité », analyse Olivier Le Failler. Montrer que l’entreprise a à cœur d’offrir un environnement de travail sécurisé est donc un vrai « plus » pour fidéliser. Fixer des règles, prendre le temps de les expliquer dès la prise de poste, voire les consigner dans un livret à remettre au salarié constituent de bons réflexes. Au-delà des équipements de protection individuelle (EPI) obligatoires (bottes, gants, lunettes, combinaisons…) fournir des équipements pour améliorer le confort, type casquette ou coupe-vent,  sera un plus. « Tout ce qui peut être fait pour prévenir les accidents et limiter l’exposition aux risques contribue à créer de bonnes conditions de travail », rappelle Olivier Le Failler.

3- Cultiver le sentiment d’appartenance

Le sentiment d’appartenance à une équipe, et plus largement à un environnement professionnel, favorise l’engagement, le partage et la coopération. S’il ne suffit pas pour fidéliser, il est clair qu’il facilite la tâche. Ce sentiment pourra naître dès la phase d’intégration du salarié ; il s’agira alors de le cultiver au fil du temps. « Je partage très volontiers mes réflexions stratégiques avec mes salariés, et, sans forcément retenir leurs suggestions, au moins je les écoute », expose Julien Rato, agriculteur en Côte d’Or. Coût des intrants, quantité achetée, Julien Rato fait le choix de la transparence pour impliquer ses salariés dans la vie de son entreprise. « Je crois aussi qu’il est important de leur permettre de représenter l’exploitation. Par exemple, ils ont participé aux manifestations au cours de l’hiver dernier », poursuit l’agriculteur.

4- Donner des perspectives d’évolution

Selon l’INSEE, en 2022, l’ancienneté moyenne des salariés du secteur agricole est de 15 ans. Mais attention, ce chiffre risque de baisser avec l’arrivée d’une nouvelle génération de travailleurs qui se distingue par sa mobilité. « La fréquence avec laquelle les jeunes changent d’entreprise ne traduit que leur souhait d’apprendre en permanence », confie Olivier Claux, directeur du cabinet de conseil en ressources humaines MG consultants. Il s’agira donc d’être à l’écoute, afin de capter ces désirs de changement (encadré), et agir en conséquence. « Un point objectif sur les compétences peut montrer qu’il reste du chemin à parcourir avant de changer de voie. Cela montre aussi que le manager se soucie de la montée en compétences du collaborateur », suggère Olivier Claux. Organiser une session de formation est par ailleurs un bon moyen pour combler ce besoin d’apprentissage.

L’entretien annuel, un outil de fidélisation

L’entretien annuel est, comme son nom l’indique, un échange formel entre le salarié et le chef d’exploitation à réaliser a minima une fois par an. Il est usuellement scindé en trois grandes parties : dresser le bilan de l’année écoulée, évaluer les compétences et fixer des objectifs pour l’année à venir. Utile à la fois pour saluer le travail accompli, identifier les points forts, d’éventuels dysfonctionnements et repérer des besoins en matière de formation, l’entretien annuel est un outil puissant de fidélisation. « Cela permet au collaborateur d’avoir un retour sur son travail et de projeter un avenir dans l’entreprise », explique Frédéric Martel, consultant en ressources humaines. Il est toutefois efficace à condition d’y consacrer un peu de temps. « C’est un exercice qui nécessite de prendre un peu de recul. Une préparation en amont par les deux parties évitera que cela ne tourne à l’interrogatoire ou au dialogue de sourds », poursuit Frédéric Martel.

La méthodologie à la rescousse

Comment s’y prendre pour structurer l’entretien annuel et favoriser des échanges constructifs ? L’exercice n’est certes pas toujours évident. Heureusement, des outils existent. La méthode SMART, par exemple, est un bon moyen de s’assurer que les objectifs sont Spécifiques (personnalisés), Mesurables (critères d’atteinte), Accessibles (mais ambitieux), Réalistes (avec les moyens nécessaires), et Temporalisés (avec une échéance). La méthode DESC sera par ailleurs utile pour fixer un cadre : Décrire les faits, Exprimer ses sentiments, Suggérer des solutions, Conclure sur du positif. « Ce dernier point est essentiel. Ce n’est pas un rapport de force ; il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. Seul l’intérêt commun prime », insiste Sandrine Sartori, responsable formation chez Arvalis. 

5- Identifier les facteurs de motivation

La rémunération reste le principal levier de fidélisation, ce qui suppose pour l’exploitant d’établir une politique salariale (augmentation, prime) claire. « En général, les demandes d’évolution se manifestent après deux à trois ans dans le poste », relate Dorothée Boschat. Par ailleurs, un chef d’exploitation satisfait de son salarié aura tout intérêt à le signifier avec sincérité. De nombreuses études montrent que la reconnaissance réduit le turn-over, augmente la motivation, l’engagement et contribue au bien-être du collaborateur. « Dédramatiser une erreur qui n’a pas de grosses conséquences, encourager, s’inscrire dans un collectif par des formulations telles que « on forme une bonne équipe » sont de petits réflexes qui ne coûtent pas grand-chose, mais qui jouent sur ce sentiment de reconnaissance et de bien-être au travail », analyse Dorothée Boschat. Enfin, les motivations divergent plus ou moins selon les générations, mais elles s’accordent souvent autour d’un juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Un salarié ne s’investira jamais autant qu’un agriculteur dans l’exploitation, puisque l’attachement, sentimental et financier, est incomparable.

De nouvelles organisations en faveur du salariat en agriculture

+ 5,4 %. C’est la progression du nombre d’ETP des salariés permanents dans le secteur agricole observée en 2021, d’après les dernières statistiques Agreste publiées en juillet 2023. Le chiffre interpelle alors que les autres catégories d’emploi affichent des tendances à la baisse : - 6,5 % pour l’emploi saisonnier, - 6 % pour l’emploi des conjoints et autres actifs non-salariés. « Le recours croissant au salariat s’inscrit dans une tendance générale d’évolution des formes d’organisation du travail dans les entreprises agricoles », analysent Yves Le Morvan et Bernard Valluis dans un rapport sur les besoins en compétences dans le monde agricole, publié par Agridées.

En grandes cultures, près de 13 % des exploitations sont gérées en délégation complète, d’après les statistiques du recensement agricole de 2020, le premier à s’intéresser aux « fermes à façon ». Autre modèle qui croît depuis le début des années 2000 : la sous-traitance (ETA, agence d’intérim, prestataires de service étrangers, groupements d’employeurs, etc. D’après la MSA, les salariés de ces structures seraient passés de 76 500 à 227 000 entre 2002 et 2016. Une tertiarisation qui a notamment l’avantage de décharger les agriculteurs des aspects liés aux ressources humaines.

 

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