Les variétés de céréales à paille face aux maladies

En quarante ans, le niveau moyen des résistances génétiques aux principales maladies des céréales à paille a progressé, et les variétés multirésistantes se sont multipliées ces dernières années. Mais certaines maladies donnent toujours du fil à retordre aux sélectionneurs.
A l’échelle de la France, la note moyenne de résistance a la septoriose des variétés cultivées a progressé de + 1,1 en 17 ans

Les résistances aux maladies constituent un axe majeur de la sélection variétale en céréales à paille : c’est un levier très efficace pour lutter contre les maladies tout en limitant les applications fongicides. La preuve ? Depuis 1981, le niveau de résistance moyen des variétés de blé tendre n’a cessé de progresser (figure 1). Cette constante résulte d’un levier majeur : les règles d’inscription au Catalogue français, qui favorise les critères de résistances aux maladies.

RÉSISTANCE DES VARIÉTÉS DE BLÉ TENDRE : des notes à l’inscription qui progressent pour toutes les maladies
RÉSISTANCE DES VARIÉTÉS DE BLÉ TENDRE : des notes à l’inscription qui progressent pour toutes les maladies
Figure 1 : Évolution du niveau de résistance moyen des variétés de blé tendre aux maladies foliaires. Plus la note de résistance augmente, plus la variété est résistante pour la maladie considérée.

Des points supplémentaires

La moitié des parcelles servant à mesurer les niveaux de rendement des variétés candidates sont conduites sans aucune protection fongicide. De plus, grâce à un système de bonus/malus, les variétés aux notes de résistance les plus élevées se voient attribuer des points supplémentaires, tout comme les variétés dont les écarts entre rendements traités et non traités s’avèrent faibles.

Enfin les références de marché dont les performances de rendement sont à surpasser pour obtenir son inscription au Catalogue sont choisies parmi les variétés ne présentant pas de défaut important vis-à-vis des maladies. En outre, des essais dédiés sont mis en place chaque année pour compléter les notations. Lors des années à faible pression de maladies, ces essais inoculés ou implantés en conditions favorables au développement des maladies permettent d’assurer une bonne évaluation des variétés candidates à l’inscription. Des dispositifs qui, par leur complexité et leur poids sur la décision d’inscription, indiquent l’importance du critère « résistance aux maladies » dans la sélection d’une nouvelle variété.

Sur le terrain, le déploiement de ce progrès génétique est visible et quantifié. D’après l’analyse des bases de données historiques (notes à l’inscription, mises à jour si nécessaire en post-inscription, et enquêtes sur les surfaces de culture par variété), à l’échelle de la France entière, la note moyenne de résistance à la septoriose des variétés cultivées a progressé de + 1,1 en dix-sept ans (2005-2022) (figure 2) quand celle de résistance à l’accumulation de mycotoxines (déoxynivalénol) a augmenté de 0,7. Quant à la note de résistance au piétin-verse, sur la même période, elle a gagné 1,1 point.

RÉSISTANCE À LA SEPTORIOSE : un progrès continu depuis les années 2005
RÉSISTANCE À LA SEPTORIOSE : un progrès continu depuis les années 2005
Figure 2 : Évolution entre 2005 et 2022 de la proportion des surfaces de blé tendre cultivées en France par note de résistance variétale à la septoriose, de 4 (très sensibles) à 7,5 (très résistantes). Source des données France AgriMer, Arvalis, CTPS/GEVES.

Sur 2005-2022, les niveaux de résistance à l’oïdium et aux rouilles sont stables, en raison d’un bon niveau de résistance atteint précédemment mais aussi des contournements de résistance plus fréquents.

La septoriose, principale cible des sélectionneurs

Pour le blé tendre, le progrès génétique est particulièrement visible pour la septoriose (Z. tritici), dont le niveau moyen de résistance progresse régulièrement, et ne semble pas faiblir. Mais attention, si ce gain de résistance permet aujourd’hui de ne plus recourir à la première application fongicide (T1) de manière systématique, aucune variété n’est aujourd’hui suffisamment résistante pour permettre l’impasse totale de protection fongicide en situation de forte pression.

La résistance à l’oïdium a elle aussi connu une belle poussée jusqu’au début des années 90. Depuis, la plupart des variétés présentent un bon niveau de résistance. Pour la rouille jaune, le sujet est redevenu une cible de sélection prioritaire plus récemment, à partir de 2012, date de l’arrivée des races Warrior en France, lesquelles provoquèrent une recrudescence de la maladie sur tout le territoire.

La rouille jaune ayant un caractère explosif, difficile à contrôler en cas de forte pression, l’intérêt de variétés résistantes est net. Sélectionner des variétés totalement résistantes s’avère compliqué car les races actuelles présentent de nombreuses virulences et évoluent rapidement. Mais le comportement  moyen des variétés inscrites vis-à-vis de ce pathogène atteint un très bon niveau, avec des notes de résistance de l’ordre de 6 à 7. À l’inverse, si les variétés les plus sensibles ont disparu du Catalogue dans les années 1990, celui-ci recèle aujourd’hui moins de variétés très résistantes. Pour la rouille brune, le niveau de résistance est stable, autour de 6.

Gare aux contournements de résistances

Si le niveau de résistance aux rouilles et à l’oïdium a particulièrement progressé, les évolutions de souches de pathogènes peuvent entraîner des contournements de résistance et changer la donne. Le bon niveau de résistance globale des nouvelles variétés n’est maintenu qu’au prix d’un travail de sélection important et permanent, qui passe notamment par l’introgression de nouvelles sources de résistance, c’est-à-dire l’introduction de caractéristiques héréditaires dans des variétés commerciales par croisement avec des lignées plus exotiques.
Les fusarioses et l’accumulation de DON méritent également d’être observées. La variété Apache, inscrite en 1998, demeure la référence et le Catalogue compte encore peu de variétés aussi résistantes. Toutefois, le nombre de variétés très sensibles diminue au profit de variétés assez résistantes. Au début des années 2000, entre 40 et 50 % des variétés inscrites étaient jugées sensibles (notes  3,5) à l’accumulation de DON, aujourd’hui cette catégorie concerne moins de 10 % des variétés inscrites chaque année.

Pour le piétin-verse, le progrès est au rendez-vous et est largement répandu parmi les variétés. Un tiers des variétés de chaque promotion d’inscription possède un bon niveau de résistance à cette maladie. En 2024, 52 % des variétés inscrites y seront résistantes. Un record ! Le choix d’une telle variété revêt d’autant plus d’intérêt que les facteurs de risque sont connus et qu’il n’existe pas de fongicide totalement efficace contre la maladie.
La performance sur le sujet du piétin-verse progresse grâce à la sélection assistée par marqueur, qui facilite l’identification de cette résistance monogénique : un seul gène s’avère responsable du caractère de résistance et peut être facilement suivi par les sélectionneurs. Il en est de même pour la résistance à la cécidomyie orange et aux mosaïques. Entre 20 et 30 % des variétés de blé tendre inscrites chaque année sont résistantes à la cécidomyie orange et 20 % le sont aux mosaïques. Cette dernière maladie pose un défi aux sélectionneurs de blé dur. La difficulté est que les gènes porteurs de la résistance sont présents chez le blé tendre mais pas chez le blé dur. Des projets de recherche en cours (MOSADURUM1 et README2) visent précisément à introduire ces résistances dans le génome du blé dur.

Un progrès à poursuivre en blé dur

Pour le blé dur, deux maladies méritent l’attention tant elles affectent fréquemment l’espèce : la rouille brune et la septoriose. Pour la première, la progression de notes est remarquable jusqu’au début des années 2000 et le niveau de résistance actuel est globalement bon (figure 3). Le progrès génétique se poursuit : même si quelques variétés destinées à être développées et cultivées plutôt en zone nord peuvent encore être inscrites avec des notes de résistance moyennes.

RÉSISTANCE DES VARIÉTÉS DE BLÉ DUR : des notes à l’inscription parfois en dent de scie mais un bon niveau général atteint
RÉSISTANCE DES VARIÉTÉS DE BLÉ DUR : des notes à l’inscription parfois en dent de scie mais un bon niveau général atteint
Figure 3 : Évolution du niveau de résistance moyen des variétés de blé dur aux maladies foliaires. La taille des promotions d’inscription, parfois très faible, explique probablement la forte variabilité entre années successives des notes moyennes de résistance. Sources de données : CTPS/GEVES.

Coté septoriose, la progression du niveau de résistance a été modérée mais la tendance semble être à l’augmentation. Le doute est cependant permis vu la faible pression de la maladie depuis trois ans, couplée au peu de nouvelles inscriptions pour cette espèce. Reste un critère crucial pour la qualité, pourtant visiblement difficile à maîtriser par les sélectionneurs : l’accumulation de DON. La pente de progrès est quasi nulle quoique depuis quelques années, on note un début d’amélioration. Le resserrement du seuil réglementaire de teneur en DON pèse sur les programmes de sélection.

Rappelons aussi une évidence : si les variétés sont globalement plus résistantes et permettent de limiter le recours aux fongicides, la variété multirésistante aux bioagresseurs n’existe pas. Et aucune n’est à l’abri d’un contournement de résistance. D’où l’importance de bien choisir sa variété, sans négliger l’agronomie, dans le cadre d’une stratégie de protection intégrée des cultures.

(1) MOSADURUM est un projet de recherche engagé en septembre 2019 pour 42 mois. Il s’est conclu en mars 2023. Financé par le FSOV SSV à hauteur de 427 965 €, MOSADURUM est piloté par Arvalis, en partenariat avec Inrae, Florimond-Desprez et Ragt.

(2) README est un projet de recherche entamé le 1er octobre 2023 pour 3 ans, financé par le FSOV pour un coût de 252 454 €. Le projet est porté par Arvalis, en partenariat avec le GIE Blé dur, l’institut Agro Montpellier et Inrae.

Orges : des acquis et des voies de progrès

Pour les orges, les niveaux moyens de résistance sont relativement élevés et stables depuis 1999, mais les progrès sont antérieurs à 1995. En orge d’hiver 6 rangs, les notes moyennes de résistance à l’oïdium sont de 6-7. Pour les orges d’hiver 2 rangs, sauf en 2022, plus aucune variété très sensible à l’oïdium n’a été inscrite depuis 2015. Quant aux orges de printemps, la progression est plus limitée.

Même chose pour la rhynchosporiose. Qu’il s’agisse des orges de printemps ou des orges d’hiver, la note moyenne de résistance est stable et s’établit entre 5 et 7 selon les variétés. Face à l’helminthosporiose, la moyenne de résistance se situe également entre 5 et 7, mais la faible pression continue couplée à la quasi-absence de données avant 1990 pour les orges d’hiver limitent toute analyse. Quant à la résistance à la rouille naine, elle apparait stable à baissière. Mais la maladie étant en recrudescence sur orge de printemps comme sur orge d’hiver, elle est redevenue une cible prioritaire de recherche et développement.

À l’inverse, depuis le retrait des néonicotinoïdes en 2018, on assiste à une rapide augmentation du nombre de variétés d’orge d’hiver inscrites résistantes à la JNO. Ces variétés sont résistantes grâce à l’introgression d’un caractère issu d’une génétique « exotique ». Ces introgressions d’origine exotique (lignée sauvage, ancienne, ou variétés cultivées sur d’autres continents) peuvent s’accompagner d’effets négatifs sur d’autres critères comme le rendement, la qualité ou la résistance aux maladies que les sélectionneurs doivent corriger peu à peu au fil des générations et des croisements.

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