Décompactage des sols : comment corriger un tassement
Doit-on toujours décompacter un sol tassé ? Faut-il profiter de l’après-moisson pour effectuer cette intervention ? Peut-on décompacter sous un couvert en place ? Les réponses avec Pascale Métais, agronome chez Arvalis.

Un sol décompacté présente encore des zones non travaillées, mais les dents ont aménagé des « couloirs » meubles qui améliorent la porosité.
Les hivers et printemps très pluvieux des deux dernières campagnes ont pu occasionner des compactions lors du passage d’engins agricoles sur des sols trop humides. Ces tassements peuvent survenir en surface mais également en profondeur, selon le niveau d’humidité des différents horizons du sol et la charge à la roue.
La moisson, en particulier, peut entraîner des tassements en profondeur, le premier passage de benne étant celui qui entraîne le plus de dégâts. La question d’un éventuel décompactage se pose donc. Pour autant, est-il pertinent de décompacter après la moisson ? Et surtout, à quelles conditions ?
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Pas de décompactage systématique
En réduisant l’aération du sol et l’infiltration de l’eau, un tassement pénalise le développement racinaire et le fonctionnement biologique des plantes. Il induit une perte de rendement pouvant aller jusqu’à 30 % selon la culture, le type de sol, ainsi que la sévérité et la profondeur du tassement. « Mais décompacter est une intervention coûteuse, en temps comme en carburant », rappelle Pascale Métais, agronome spécialiste de la fertilité physique des sols à Arvalis. « De plus, si le décompactage n’est pas effectué dans des conditions optimales, il peut dégrader la structure du sol ; l’opération serait alors contre-productive ! »
D’autant que certains sols argileux sont capables de se restructurer d’eux-mêmes sur une dizaine de centimètres, grâce aux gonflements et retraits des argiles consécutifs à la succession de pluies et de sécheresses. Cependant, la régénération naturelle des horizons tassés, qu’ils soient superficiels ou profonds, est lente : elle nécessite au moins six mois dans les meilleurs cas.
On ne décompactera donc que si le tassement est avéré et qu’il impacte les cultures. Et seulement après en avoir déterminé la profondeur exacte. « Toutefois, un tassement profond (au-delà de 25 cm de profondeur) est difficile à corriger. Avant toute chose, il faut prévenir toute compaction du sol », souligne l’agronome.
Pour cela, il faut en premier lieu rationaliser la circulation des matériels dans les parcelles tout au long de la campagne, en particulier en sols de limons ou limono-sableux, très sensibles aux tassements, surtout s’ils sont humides. La priorité sera de limiter le poids des machines et la surface impactée par un passage de roue. En complément, réduire la pression des pneumatiques des engins agricoles limite les tassements de surface : le pneu étant davantage écrasé, le poids se répartit sur une plus grande surface de sol. Pour la même raison, à poids égal, un nombre d’essieux plus important réduit la charge au centimètre carré, et donc la profondeur de l’éventuel tassement.
Lors de la moisson en particulier, il faut éviter autant que possible de faire entrer les bennes sur sol humide car une fois chargées, leur poids est très élevé. De plus, leurs pneumatiques sont le plus souvent configurés pour la route : comme ils sont bien gonflés, le poids de la benne se répartit donc sur une moindre surface. Toujours dans l’objectif de limiter le poids en cas de sol humide, ne pas attendre que la trémie de la moissonneuse soit pleine pour la décharger. « Circuler deux fois au même endroit avec une benne à moitié pleine tasse moins le sol qu’un seul passage avec une benne remplie », insiste Pascale Métais.
La portance du sol varie aussi en fonction du type de travail du sol : plus le sol a été récemment travaillé, plus il est sensible au tassement. Il faut donc être particulièrement vigilant à l’humidité du sol lors des semis après la préparation du lit de semences. Les risques de tassement sont moindres en semis direct.
Décompacter sous un couvert d’interculture
Que faire si les bonnes conditions de décompactage ne sont réunies qu’après l’implantation d’un couvert d’interculture - notamment s’il a été semé dans le précédent ? Il est tout à fait possible de décompacter un sol en présence d’un couvert, qu’il ait été semé dans la culture avant la moisson ou après.
En sols fragiles ayant une faible stabilité structurale, comme les sols limoneux-sableux, il est même conseillé d’implanter un couvert avant ; il faut juste laisser au couvert le temps de bien s’enraciner. Et toujours utiliser des outil à dents droites ou des dents Michel, afin de déplacer le moins possible le sol en surface.
Réussir un décompactage
Le décompactage doit rester une opération ponctuelle. « Le sol doit impérativement être dans de bonnes conditions : ni trop sec, ni trop humide sur toute la profondeur travaillée », insiste Pascale Métais. « Une motte qu’on serre dans la main se casse alors facilement sans se déformer. » Si l’été a été sec, il faudra probablement attendre une première pluie pour pouvoir décompacter. Si, au contraire, il pleut beaucoup après la récolte, semer un couvert d’interculture pour assécher plus vite le sol.
Si le tassement se situe à moins de 10 cm de profondeur, un travail du sol habituel, voire un déchaumage profond, suffit. Entre 15 et 25 cm, un labour ou un décompactage viendra à bout du tassement. Au-delà de 25 cm de profondeur, un tassement affecte à long terme le potentiel de production de la parcelle. « Mais la puissance requise pour passer l’outil décompacteur devient très élevée, synonyme de tracteur lourd avec… des risques de tassement supplémentaire à la clef ! » prévient l’agronome. Il est alors absolument nécessaire que le sol soit parfaitement ressuyé, ce qui n’est pas toujours possible avant l’hiver. « Si les conditions ne sont pas réunies, mieux vaut ne pas décompacter que de prendre des risques », conclut-elle.
Quels outils employer ? Les décompacteurs à dent obliques (type dents Michel) et ceux à dents droites équipés de socs à ailette ou de pointes décalées soulèvent puis reposent la terre, comme une vague, pour éclater la zone compacte sans bouleverser les horizons.
Et s’il n’est pas possible de décompacter ? « Si le sol est tassé mais que les bonnes conditions de décompactage ne sont pas remplies, nous conseillons d’implanter une culture d’hiver avec un système racinaire développé : elle sera moins sensible au tassement qu’une culture de printemps » répond Pascale Métais. Par ailleurs, une luzerne présente deux ans sur la parcelle au sol tassé réduira progressivement un tassement de profondeur modérée.
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