Les conséquences des gelées matinales

La chute des températures matinales, particulièrement marquée la semaine dernière, intervient alors que les céréales d’hiver entament leur montaison. Localement, les minimales relevées sont en-deçà des valeurs d’alerte communément retenues. Des dégâts sont à craindre dans certaines situations spécifiques (cultures et stades sensibles, zones d’exposition maximales).

Au sommaire :• Une chute brutale des températures après une semaine chaude
Céréales en début de montaison et sensibilité au gel
Expositions des cultures et conséquences à craindre
Conséquences sur les cultures et diagnostics à envisager

Une chute brutale des températures après une semaine chaude

Les conditions climatiques actuelles s’expliquent par le passage d’une perturbation ce lundi de Pâques, suivi d’un écoulement d’air froid issu du Nord. La conjonction d’un vent de Nord, d’éclaircies nocturnes et de nuits encore longues provoque donc des chutes de températures très marquées en courant de nuit, qui atteignent leur minima au lever du jour.

Figure 1 : Variations horaires des températures du 4 au 7 avril 2021 – station météo de Villiers-le-Bâcle (91)

Ce type de séquence est relativement fréquent et revient pratiquement tous les ans, avec plus ou moins d’intensité. Le dernier épisode marquant remonte à avril 2017, avec des effets localement très pénalisants. La particularité de 2021 est dans l’ampleur des fluctuation des températures, entre des maximales autour de 25°C la semaine dernière et l’apparition de minimales nettement négatives ces jours-ci.

Les températures minimales relevées cette semaine sont régulièrement descendues en dessous de 0°C, notamment le matin du 7 avril (figure 2).

Figure 2 : Relevés de températures minimales les 6 et 7 avril 2021 (gauche et droite respectivement)

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

source : Infoclimat

Les points à retenir sont :
- une progression des gelées vers le Sud-Ouest et les côtes entre le 6 et le 7 avril ;
- une intensification des gelées dans les zones de montagne (Massif Central, Alpes, Pyrénées) entre le 6 et le 7 avril ;
- des « records » de froid mensuels relevés ponctuellement ;
- ponctuellement, des faibles chutes de neige en courant de nuit ;
- des amplitudes de température jour-nuit modérées.

Retour au sommaire

Céréales en début de montaison et sensibilité au gel

Les céréales d’hiver sont majoritairement en cours de montaison (épi 1 cm dans le Nord ou l’Est, 2 nœuds à dernière feuille pointante dans le Sud-Ouest), alors que les orges de printemps semées entre mi-février et début mars sont entre levée et 3 feuilles.

Pour des céréales en montaison, le seuil d’alerte le plus souvent mentionné est -4°C (mesuré sous abri), mais il est probable que les dégâts apparaissent plutôt vers -5 à -7°C.

Le risque est que l’épi en cours de formation dans la tige soit détruit par le gel. Cependant, lorsque l’épi progresse dans la tige et se différencie, il est probable qu’il devienne de plus en plus sensible, sans que nous disposions de références fines sur le sujet.

Particularité de la campagne en cours, les cultures rencontrent un stress hydrique assez généralisé dans le sud et l’ouest de la France, et dans de nombreuses parcelles superficielles du Centre et de l’Est. Cet état de stress peut avoir un léger effet positif sur la résistance au froid (plantes moins gorgées en eau), mais il aura sans doute un effet pénalisant lors de la reprise.

L’autre particularité réside dans les variations de températures avant/après Pâques : passage de températures maximales supérieures à 25°C à des minimales nettement en-dessous de 0°C. L’impact de cette séquence est difficile à définir : elle aura évidemment eu un effet d’accélération des stades -défavorable-, mais il n’est pas évident qu’elle ait fortement fragilisé les cultures, qui ont déjà perdu leur capacité de s’endurcir.

Retour au sommaire

Expositions des cultures et conséquences à craindre

Les situations vont être contrastées, en fonction de l’espèce, du stade, et surtout de l’exposition.
- Du point de vue de la topographie, les fonds de vallée, les bords de haie et les versants nord vont être les secteurs les plus exposés car ces facteurs impactent très fortement l’intensité et la durée du gel.
- A température égale, les cultures les plus avancées (entre 2 nœuds et dernière feuille pointante, voire méiose localement) sont plus fragiles que celles qui entament juste leur montaison (stade épi 1 cm).
- Il est probable que les espèces aient des différences de sensibilité, au-delà des seuls effets de stade : on suppose que les blés durs et les orges d’hiver sont plus sensibles que le blé tendre. Les orges de printemps semées en automne dans les secteurs du Centre-Est sont sans aucun doute les situations les plus à risque.

Les facteurs localisation et stades sont clairement les déterminants majeurs du risque de froid.

Les effets du vent et de la neige sont difficiles à cerner. Le vent peut générer des brûlures sur feuille, alors que les très faibles chutes de neige n’auront sans doute pas de rôle de protection significatif.

Figure 3 : Situation des céréales à paille dans différents bassins de production

Cliquez sur l'image pour l'agrandir

Retour au sommaire

Conséquences sur les cultures et diagnostics à envisager

Autour de 2-3 feuilles

Pour les orges de printemps aujourd’hui à 2-3 feuilles, l’apex est encore protégé par le sol, et donc moins soumis aux variations de températures. Même si les plantes sont jeunes et peu résistantes au froid, il est probable que le plateau de tallage n’est pas subi de températures destructives ; par contre, les feuilles peuvent être détruites par le vent et le gel.

Diagnostic : si les feuilles présentes sont nécrosées, attendre l’apparition de nouvelles feuilles pour confirmer la reprise de végétation des plantes (délai : environ 1 semaine)

Entre épi 1 cm et 2 nœuds

Avant/autour de 2 nœuds, l’épi est encore petit (< 2 cm), avec des structures fortement turgescentes et fragiles, globalement sensibles au gel (inférieur à -5/-7°C). S’il est détruit par le gel, la tige va régresser. Dans de telles circonstances, le maître-brin est le plus souvent détruit en priorité et cède la place aux talles qui assurent la mise en place du rendement sans grande pénalité.

Diagnostic :
dans ces circonstances, un dégât de gel va se manifester par une destruction généralisée des cellules et une perte d’eau. L’épi va donc rapidement perdre son aspect brillant et turgescent, et se nécroser. Lorsque l’épi est détruit, les nouvelles feuilles émises peuvent se nécroser rapidement. Ce phénomène peut être le symptôme évident justifiant l’observation de l’épi.


Observation d’épis dans la gaine début montaison : les épis sont brunâtres et difformes. Crédit : UCATA

Après 2 nœuds

Après 2 nœuds, le gel peut provoquer des dégâts plus variés, allant de la destruction totale de l’épi à des destructions partielles de quelques épillets. Dans ce cas, le mécanisme de compensation par une montée à épi des talles ne s’enclenche pas ; la composante « nombre de grains par épi » peut être affectée, avec un impact direct sur le nombre de grains par m².

Diagnostic : l’analyse est plus délicate à mener sur les épis car la situation ne se résume pas à détruit/intact. Il est probable qu’il faille attendre l’épiaison pour évaluer précisément les conséquences sur le potentiel de rendement.

Au début du gonflement

Au début du gonflement, des conditions froides (et surtout des faibles rayonnements) peuvent affecter la fertilité du pollen, et donc pénaliser l’autofécondation des fleurs et la mise en place des grains. Il manque alors des grains dans les épis, avec un impact très direct et quasi-linéaire sur le rendement.

Diagnostic : il est très délicat d’évaluer la situation au champ avant le début de formation des grains. L’observation de fleurs « ouvertes » lors de la floraison peut indiquer un défaut d’autofécondation.

On peut rajouter le risque de dégâts foliaires, avec l’extrémité des limbes qui se nécrose. Les sensibilités variétales semblent importantes, mais l’impact final est sans doute limité tant que les dégâts se limitent au feuillage.


Nécroses foliaires causées par le vent ; elles se développent sur les parties du limbe les plus exposées (pointes, courbures). Les nouvelles feuilles émises sont le plus souvent indemnes. Crédits : Edouard Baranger (gauche)/Philippe Hauprich (droite)


En 2017, des gelées étaient apparues vers le 20 avril. Les températures étaient à peine moins froides que celles de cette semaine, mais elles s’étaient abattues sur des cultures plus avancées, et donc plus fragiles. Par analogie à 2017, on peut craindre des dégâts ponctuels sur les céréales à paille, mais pas d’accident généralisé. Il faut également prendre en compte les capacités de compensation de ces espèces, aptes à émettre de nouvelles tiges.


(crédit : J.C. Deswarte – ARVALIS ; Bourgogne, mai 2017)

Compte-tenu de la disparition progressive des gelées dans les jours à venir, les cultures vont reprendre leur croissance. L’apparition des symptômes sur épi ne sera effective que dans une semaine ou deux, alors que les brûlures de feuille s’observeront très rapidement.

Si la destruction d’épis se confirme, l’impact sur les cultures sera directement dépendant de la capacité des plantes à faire monter des talles à la place du maître-brin. Cette capacité pourrait être altérée si l’absence de pluie induit des stress hydriques et azotés prononcés.

Retour au sommaire

0 commentaire

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.