Le risque de gel des blés s’éloigne… pour l’instant

Avec la douceur de l’automne, le risque de gel des céréales est une réalité et le critère de résistance au froid des variétés n’est pas une garantie. Explications.
Jean-Charles Deswarte : "Certaines variétés s'endurcissent plus vite que d'autres"

Perspectives Agricoles : La douceur de l’automne fait elle peser un risque de gel accru sur les céréales ?

Jean-Charles Deswarte :
Elle aurait pu. La résistance maximale des céréales au gel est atteinte au début du stade « tallage », mais elle s’acquiert progressivement lorsque les températures descendent. Plus tard en milieu ou fin de tallage, la plante perd progressivement sa capacité à s’endurcir. Avec les douceurs d’octobre et novembre, le stade « début tallage » des blés d’hiver a été atteint précocement et les plantes ne se sont pas endurcies précocement. Heureusement, la descente progressive des températures en décembre a permis de rattraper un peu de résistance au froid. Mais l’hiver n’est pas terminé : le scénario du pire serait un radoucissement fin décembre (qui effacerait une partie de l’endurcissement) puis une nouvelle chute brutale des températures, fin janvier, lorsque les cultures atteignent des stades avancés. Mais nous n’y sommes pas !

PA : Les variétés résistantes au froid sont-elles à l’abri ?

J-C D :
Pas vraiment. Certaines variétés s’endurcissent plus vite que d’autres mais la note d’une variété à l’inscription est une valeur relative, pas une valeur absolue, qui varie selon le scénario climatique de l’année. Elle renseigne sur la résistance maximale, mais pas sur la capacité à s’endurcir vite ou à rester résistante longtemps. Cette note est d’autant moins fiable que les automnes sont doux car la précocité des variétés joue les trouble-fêtes et interagit avec la résistance intrinsèque. C’est l’une des leçons apprises en 2012 : les semis précoces et les variétés précoces à « épi 1cm » sont plus exposés. Ce comportement est étudié chaque année dans des essais conduits en plein champ mais comme il fait de moins en moins froid, il est difficile d’évaluer des variétés dans des conditions de froid qui arrivent rarement. Pourtant, les essais d’évaluation sont situés dans le Jura (INRAE) et en Europe de l’Est (sélectionneurs). Avec le changement climatique on parle surtout de réchauffement, en oubliant qu’il continue de geler l’hiver, mais moins souvent. De plus, ce réchauffement peut accroitre le développement automnal et/ou affecter les conditions d’endurcissement. Le risque d’un gel « scénario 2012 » reste donc bien réel, voire accru.

PA : Comment retrouver des données solides dans ces conditions ?

J-C D :
Pour combler cette lacune, Arvalis a initié en 2020 un projet de recherche FSOV1 qui vise à qualifier les variétés par rapport au froid en s’appuyant sur des expérimentations en conditions contrôlées. Nous cultivons une trentaine de variétés de blé en chambres de croissance, ce qui nous permet de leur faire subir des chutes de températures à des moments précis de leur cycle. Ce dispositif nous permet de compléter les données de plein champ. Avec ce projet, nous disposerons d’informations variétales fiables sur ce critère, quelles que soient les conditions de l’hiver. Et nous serons à même de simuler l’occurrence du gel en fonction d’une date de semis donnée dans un endroit donné. Ces travaux pourront aboutir sur de nouvelles préconisations combinant date de semis et résistance variétale.

(1) Projet FSOV (Fonds de Soutien à l’Obtention Végétale) « Modélisation et Evaluation des composantes de la réSiStance Au GEl des céréales », piloté par Arvalis et incluant l’INRAE, KWS-Momont et RAGT.

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