Itinéraire technique du lin fibre : les trois piliers de la protection intégrée

Quelles que soient les cultures, la protection contre les bioagresseurs s’oriente de plus en plus vers une approche intégrée. Cette approche est d’autant plus importante pour le lin fibre qu'il est apprécié à l’international pour sa naturalité.

La protection intégrée répond à plusieurs enjeux que sont la maîtrise des bioagresseurs, la durabilité des techniques de culture, la satisfaction des demandes sociétales et réglementaires. Elle implique la mise en œuvre de nombreux leviers techniques, reposant sur trois piliers. Le premier est la lutte indirecte qui renvoie à des mesures prophylactiques : leviers agronomiques, génétiques et de lutte biologique (auxiliaires). Le deuxième concerne les mesures de caractérisation des risques en cours de campagne (BSV, observation au champ). Le troisième regroupe l’ensemble des moyens de lutte directe (désherbage mécanique, lutte chimique raisonnée et biocontrôle). Ces mesures sont applicables tout au long du cycle de production.

En lutte indirecte, le premier levier à utiliser par l’agriculteur est celui de la génétique. L’offre variétale, de plus en plus diversifiée, donne la possibilité de choisir les variétés en fonction du contexte pédoclimatique des parcelles. A titre d’illustration, dans des sols à fort potentiel, le choix se portera préférentiellement sur une variété à hauteur limitée afin de limiter le risque de verse. L’adaptation des variétés au contexte pédoclimatique n’est pas le seul axe de travail des sélectionneurs. Le progrès génétique sur le lin fibre vise également l’inscription de variétés tolérantes aux maladies. L’objectif est de réduire les conséquences des maladies sur les plantes, et ainsi, de diminuer le recours aux fongicides.

A l’heure actuelle, la tolérance variétale est disponible pour lutter contre l’oïdium - une des plus virulentes maladies fréquemment rencontrée dans les linières - qui pénalise le rendement en fibres longues et/ou leur qualité. La première variété tolérante à l’oïdium largement commercialisée a été inscrite au catalogue français en 2014. Trois autres variétés ont suivi, dont la dernière en 2019.

Obtenir un bon développement de la culture

Une fois effectué le choix de la variété, l’attention portée aux conditions de semis est primordiale pour garantir la réussite de la culture. La croissance du lin n’intervenant qu’à partir d’une température journalière supérieure à 5°C, il est important d’attendre que le sol soit suffisamment réchauffé (entre 10 et 12°C), et également ressuyé, avant d’entamer les opérations de semis. Le respect de ces conditions est propice à une levée régulière et homogène.

Le lin fibre est peu exigeant en azote. Les derniers travaux estiment un besoin de 12 kg d’azote/ha pour produire une tonne de lin roui non battu. L’apport doit être concomitant au semis car la moitié des besoins en azote de la plante se situe entre la levée et le stade « 10 cm ». La dose d’apport doit être respectée pour éviter un risque de verse ou une sensibilité aux maladies plus importants. Il est conseillé de gérer la fertilisation azotée grâce à la méthode des bilans du Comifer et de réaliser des reliquats en sortie hiver afin d’apporter une dose d’azote totale au plus juste des besoins de la plante (sur www.arvalis-infos.fr, retrouvez l’article « lin fibre, réussir sa fertilisation »).

Le raisonnement de la fertilisation azotée est un des leviers pour limiter le risque de verse (surfertiliser entraîne un développement plus rapide de la biomasse). Le choix de la densité de semis en est un autre. Il a été mis en évidence qu’une surdensité entraîne un risque de verse et qu’il ne faut pas dépasser 1 600 plantes levées par mètre carré. Pour obtenir un rendement en lin teillé optimal, l’objectif du nombre de plantes levées se situe autour de 1 400 à 1 600/m². Afin d’atteindre cette densité, il faut adapter la densité de semis aux pratiques culturales et au contexte pédoclimatique de la parcelle. Par exemple, un agriculteur qui prévoit de désherber mécaniquement sa linière peut envisager de majorer sa densité de semis pour compenser la perte éventuelle de pieds due au passage des outils.

« Le premier levier à utiliser est celui de la génétique. »

Connaître les risques liés aux bioagresseurs

La protection intégrée passe également par l’observation et le suivi des bioagresseurs au champ. Les Bulletins de Santé du Végétal (BSV, disponibles sur www.arvalis-infos.fr) s’appuient sur un réseau de parcelles observées, chaque semaine, tout au long de la campagne. Les informations provenant de ce réseau donnent des indications sur l’évolution régionale des bioagresseurs. Les producteurs ont ainsi connaissance des points de vigilance à chaque étape du cycle de développement du lin. Cela n’exempte pas d’un suivi régulier des parcelles de lin.

En complément des observations au champ, Arvalis a élaboré des grilles de décision afin d’évaluer le risque de différents accidents de culture, tels que la verse (figure 1) ou encore la perte de pieds liés à des attaques d’altises. Si une intervention chimique s’avère nécessaire, il faut l’adapter au niveau de risque identifié.

De même, il peut être nécessaire de protéger les graines de lin contre les maladies, comme la moisissure grise (Botrytis cinerea) ou le mort-lin (Phoma exigua), responsables de la fonte des semis. Ces maladies engendrent des pertes de pieds avant ou après la levée. En prévision de ce risque, les semences disponibles pour les agriculteurs peuvent être traitées.

Des alternatives à la chimie de synthèse

Depuis la campagne 2019, un procédé de désinfection de la semence à base de vapeur d’eau, développé par une coopérative linière normande, est disponible. Des essais de comparaison du taux de germination des graines ont été conduits par Arvalis en 2019 afin d’évaluer cette technologie vis-à-vis des références chimiques classiques. L’institut teste également depuis plusieurs années des produits de traitements de semence de biocontrôle. Les premiers résultats obtenus par ces deux solutions sont encourageants.

La lutte contre les adventices se raisonne dès le début du cycle du lin. La rotation culturale et le travail du sol sont les premiers leviers à mettre en œuvre. Ainsi, l’alternance entre des cultures d’hiver et de printemps casse le cycle des adventices. De même, la pratique du faux semis réduit le stock de semences du sol avant l’implantation de la culture. Cependant ces leviers ne sont pas toujours suffisants pour une gestion durable des adventices, le recours à la lutte directe est alors nécessaire. Elle s’appuie usuellement sur l’utilisation d’herbicides, raisonnée suivant la pression et la flore présente dans la parcelle. Toutefois, le désherbage mécanique peut également être envisagé. Trois outils sont utilisés dans les linières : la herse étrille, la houe rotative et la bineuse. Dans l’objectif d’acquérir des références techniques concernant leur utilisation, Arvalis a mis en place des essais chez des agriculteurs depuis 2017.

Plus tard dans le cycle, les linières peuvent être exposées à une pression d’oïdium en fonction du contexte météorologique de l’année. Dans une approche intégrée, le recours au levier génétique pourra être complété par l’application de spécialités de biocontrôle pour gérer cette maladie. Certaines d’entre elles sont déjà intégrées dans les stratégies de lutte contre les maladies en grandes cultures. Arvalis réalise des essais depuis 2017 afin d’évaluer l’efficacité de ces produits sur l’oïdium du lin (voir zoom).

La protection intégrée du lin passe donc par l’utilisation de nombreux leviers tout au long de la campagne. La stratégie à mettre en œuvre doit être élaborée en amont et adaptée au contexte de la parcelle, ainsi qu’aux conditions météo rencontrées au cours du cycle de la culture. 

Zoom : Le biocontrôle dans la lutte contre l’oïdium du lin fibreArvalis a testé des produits de biocontrôle pour lutter contre l’oïdium sur le lin fibre. Une spécialité se distingue mais n’a pas encore reçu d’homologation.

Dans le cadre des essais réalisés lors des projets « AgroEcoLiF » et « ProLinA », différents produits de biocontrôle(1) ont été testés, comparativement à des traitements classiques, pour lutter contre l’oïdium. Ces produits sont homologués sur d’autres cultures pour lutter contre les maladies mais pas encore sur le lin fibre. L’objectif était d’évaluer l’efficacité de ces spécialités, ainsi que leur sélectivité vis-à-vis de la culture, en particulier pour la production de semences.

Des résultats sur trois ans
Les premiers essais mis en place en 2017 ont été très encourageants pour certaines spécialités, dont le produit de biocontrôle codé BL1702 dans les essais (contenant du soufre micronisé en formulation liquide). Les expérimentations de 2018 et 2019 ont complété ces résultats. La synthèse de ces deux dernières années regroupe neuf essais conduits en Normandie et en Hauts-de-France au cours desquels plusieurs stratégies ont été testées : deux ou trois passages de BL1702 à la dose de 3 l/ha, comparés à deux modalités de référence (un double passage de Joao 0,3 l/ha aux stades 30/40cm puis préfloraison ou une application de Nissodium 0,25 l/ha aux stades 30/40cm, relayée par une application de Joao 0,3 L/ha au stade préfloraison), un témoin non traité a également été mis en place.
L’analyse des résultats, en regroupant les essais, montre que les modalités à base de soufre (BL1702) aboutissent à des rendements en lin roui non battu et en lin teillé identiques, voire supérieurs, à ceux des modalités de référence (figure 2). Dans ces essais, lorsque la pression d’oïdium a été précoce, la stratégie à deux passages de soufre n’a pas été suffisante. Cette spécialité de biocontrôle est, à ce jour, toujours en cours d’homologation pour la culture de lin fibre.



Tests de germination
Dans les différents essais réalisés, les effets des spécialités de biocontrôle ont été évalués sur la production de semence par des tests de germination réalisés sur les graines obtenues. Ces tests ont mis en évidence que, dans les modalités traitées uniquement avec du soufre, le niveau de germination des graines était légèrement inférieur à celui des modalités de références, restant toutefois dans les normes réglementaires pour la commercialisation. Plus de germes « malades » ont été observés en tendance. Cet aspect sera vérifié ultérieurement au travers d’études plus approfondies. 

(1) La définition du biocontrôle par l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime est la suivante : « Les produits de biocontrôle sont des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils comprennent en particulier : les macro-organismes, les produits phytopharmaceutiques (des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones) et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale. »

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