3264 irrigation maïs grain

Irrigation du maïs grain : quel système choisir pour économiser l’eau ?

01 juillet 2019
Durant trois campagnes, différents systèmes d’irrigation ont été expérimentés en maïs grain sur les sols d’alluvions fluviatiles filtrants à Lyon Saint-Exupéry (Rhône). La micro-irrigation de surface et l’irrigation par aspersion ont été comparées pour plusieurs régimes hydriques croisés avec différents niveaux de fertilisation azotée.

En raison des restrictions d’accès aux ressources en eau pour l’agriculture et des temps de main d’œuvre importants dédiés à l’irrigation, la profession agricole s’interroge sur l’intérêt de la micro-irrigation par goutte-à-goutte pour les grandes cultures. Un programme d’expérimentation visant à évaluer différents systèmes d’irrigation a été mis en place sur deux stations d’Arvalis.

Deux essais avaient pour objectif d’évaluer l’intérêt du goutte-à-goutte en grandes cultures. Un premier, débuté en 2014 au Magneraud (Charente Maritime), a comparé l’irrigation du maïs par aspersion au goutte-à-goutte enterré et de surface, en condition d’accès à l’eau suffisante ou restrictive. Durant les quatre ans d’expérimentation, aucun effet du système d’irrigation n’a pu être observé en régime hydrique non limitant. En revanche, en régime hydrique limitant, le gain de rendement observé avec le goutte-à-goutte de surface, piloté automatiquement en 2016 et 2017, était de 5 à 12 q/ha. Néanmoins les principales conclusions de cet essai montrent que le gain de productivité du goutte-à-goutte par rapport à une aspersion optimisée n’est pas suffisant pour justifier le surcoût entrainé par l’installation de ce type de système (1).

Un deuxième essai a été mis en place en 2015, 2017 et 2018 en région Rhône-Alpes, afin d’apporter différents éléments de réponses aux interrogations suivantes : à rendement identique, le goutte-à-goutte de surface permet-il des économies d’eau par rapport à l’aspersion optimisée ? Quand l’accès à une ressource en eau est non limitante ou restrictive et que l’alimentation azotée est optimale, quel système d’irrigation obtient le meilleur rendement ? Enfin, la production de grain par unité d’azote apporté (efficience) est-elle différente entre les deux systèmes ?

Comparer le goutte-à-goutte et l’aspersion pour trois régimes hydriques

Le dispositif de goutte-à-goutte de surface mis en place dans l’essai respecte les préconisations des sociétés qui diffusent ce système en grandes cultures. Au sein de chaque parcelle élémentaire des lignes de goutteurs autorégulant ont été positionnées tous les deux rangs, soit un écartement de 1,60 m. Le débit des goutteurs est de 0,6 l/h. L’irrigation par aspersion est assurée par une rampe basse pression, tractée par enrouleur.

« Dans les conditions de nos essais, le goutte-à-goutte de surface n’a pas permis d’économies d’eau par rapport à l’aspersion optimisée. »

En 2015 et 2017, deux régimes hydriques ont été expérimentés : un régime non limitant, qui correspond aux besoins en eau de la plante, et un régime de restriction faible, correspondant à une diminution de la dose unitaire d’irrigation de 30 % par rapport aux besoins en eau (ETM).

En régime non limitant, le rythme d’apport par aspersion est de 4,5 mm par jour, modulable jusqu’à un maximum de 5,5 mm/jour selon la demande climatique - soit 32 à 38,5 mm par semaine. Le même rythme est adopté pour le goutte-à-goutte mais avec une répartition sur cinq jours, soit des apports de 6,3 à 7,7 mm/jour. Un témoin non irrigué a été mis en place afin de qualifier le contexte climatique annuel. Le pilotage et le déclenchement des irrigations sont effectués à l’aide de la méthode IRRINOV grâce à des jeux de sondes.

En 2018, le dispositif a évolué pour optimiser la conduite du goutte-à-goutte. Les irrigations ont été effectuées sept jours sur sept, à raison de quatre apports par jour. Le pilotage de ces apports a été automatisé en le calant sur des capteurs mesurant la tension de l’eau du sol (sondes Watermark). De plus, un troisième régime hydrique été expérimenté sur les deux systèmes d’irrigation : une restriction élevée, correspondant à une diminution de la dose unitaire d’irrigation de 60 % par rapport aux besoins.

L’irrigation par aspersion mise en place dans l’essai a l’avantage d’être relativement homogène et peu sensible au vent (rampe basse pression) comparativement à d’autres systèmes (canon enrouleur ou couverture intégrale). Ce dispositif ne prend donc pas en compte d’autres facteurs de variation du rendement et de l’efficience de l’eau comme la qualité de répartition de l’eau, enjeux étudiés dans d’autres expérimentations.

Afin de comparer l’efficience de l’azote, des modalités à dose d’azote réduite ont été mise en place. Depuis 2017, un traitement non fertilisé dans les deux systèmes d’irrigation sert de référence afin d’évaluer les fournitures en azote du sol dans les deux systèmes d’irrigation (tableau 1). La dose totale d’azote a été calculée en fonction du rendement prévisionnel (objectif de 136 q/ha) selon la méthode des bilans en respectant les préconisations GREN Rhône-Alpes. Le système de goutte-à-goutte permettant d’apporter de l’azote localement (fertigation), une partie de la dose totale (100 unités) a été répartie en cinq apports courant montaison du maïs via ce système d’irrigation.

Trois années climatiques contrastées

Si l’on dresse un bilan climatique de ces années d’expérimentation (2015, 2017 et 2018), le climat en Rhône-Alpes a été très variable, tant du point de vue des précipitations que des températures. Ainsi, les campagnes 2015 et 2017 ont été marquées par une demande climatique très élevée dès le début de la période d’irrigation. En 2015, la demande est restée élevée jusqu’à la fin du cycle cultural, alors qu’en 2017, elle a été infléchie par des pluies sur la première décade d’août. Par contraste, l’année 2018 s’est distinguée par un début de période d’irrigation relativement arrosée, puis par une deuxième partie du cycle cultural très chaude et très sèche. Le rendement annuel en irrigation non limitante a fortement varié, et était très fortement impacté par l’absence d’irrigation (tableau 2).

Goutte-à-goutte et aspersion sont au coude-à-coude

Les rendements obtenus durant ces trois années ne montrent pas de différence significative entre les deux systèmes d’irrigation quel que soit le régime hydrique (figure 1). Le système d’irrigation au goutte-à-goutte avec des apports d’eau plus réguliers ne semble donc pas valorisé par la plante.

Toutefois, il faut préciser qu’en 2015 et 2017, pour des raisons pratiques, l’irrigation par goutte-à-goutte était répartie sur 5 jours par semaine et non 7 j/7 comme préconisé pour maintenir le volume du sol humidifié autour et en-dessous de chaque goutteur (ou bulbe). De plus, pour ces deux années à forte demande climatique précoce, le déclenchement du goutte-à-goutte était dépendant du déclenchement de l’aspersion, ce qui a eu pour conséquence de créer un retard dans la constitution du bulbe et donc sans doute sur la nutrition hydrique des plantes en début de campagne.

Suite à ces premiers résultats, la gestion des apports en goutte-à-goutte a été optimisée grâce au pilotage par des sondes pour permettre une irrigation quotidienne. En adaptant les seuils de déclenchement, le calendrier d’irrigation a été modifié pour le goutte-à-goutte avec un démarrage plus précoce par rapport à l’aspersion pour anticiper la formation du bulbe. Malgré cela, compte tenu de la demande climatique modérée en début de cycle en 2018, ces ajustements n’ont pas conduit à une meilleure efficacité du système goutte-à-goutte.

Pour aller plus loin dans l’analyse, chaque année, des courbes de réponse à l’irrigation ont été ajustées à partir des rendements obtenus selon les différents régimes hydriques (figure 2).

Les analyses statistiques ne montrent aucune différence entre les courbes de réponse à l’irrigation entre aspersion et goutte-à-goutte, que ce soit en azote non limitant ou en azote limitant, quelle que soit l’année. Cela signifie que, dans cet essai, le goutte-à-goutte de surface ne semble pas permettre d’économies d’eau par rapport à l’aspersion et qu’il n’améliore pas non plus l’efficience de l’irrigation en conditions limitantes.

Afin de comparer l’efficience de la fertilisation azotée du goutte-à-goutte de surface et de l’aspersion, des modalités ont été mises en place avec une dose d’azote réduite de 80 kg N/ha, et un témoin non fertilisé. Entre les deux systèmes d’irrigation, à régimes hydrique et azoté équivalents, on ne constate pas de différences de rendement. Nous faisons le même constat en ce qui concerne les quantités d’azote absorbées par les plantes. Au niveau du coefficient apparent d’utilisation de l’azote (CAU), en 2017 une petite différence (non significative) est constatée en azote limitant en faveur du goutte-à-goutte par rapport à l’aspersion. Ceci n’est pas constaté en 2015 et 2018. Dans les conditions de réalisation de l’essai, le dispositif de fertigation en goutte-à-goutte avec le fractionnement des apports au cours de la montaison ne semble pas apporter un plus.

« Le goutte-à-goutte n’a pas mieux valorisé l’azote.»

Les fournitures du sol sont-elles différentes avec le système de goutte-à-goutte ?

En système de goutte-à-goutte, les lignes de goutteurs sont positionnées dans l’inter-rang de maïs tous les deux rangs. Le haut du bulbe est visible à la surface du sol sur un rayon d’une trentaine de centimètres autour de chaque goutteur, mais le diamètre du bulbe est supérieur à ce qui est visible en surface. La bibliographie met en avant une humidification du sol en sol sableux de l’ordre de 30 % de la surface. Seule cette petite zone étant ferti-irrigué, cela mène à s’interroger sur la répartition des fournitures en azote du sol ainsi que sur l’activité de minéralisation, notamment sur la zone en périphérie « sèche ». Ainsi, 70 % du sol ne serait pas pourvu en apport azoté et en eau, entrainant une minéralisation plus faible. Sur ces trois années d’expérimentations, la modélisation (tableau 3) montre une différence de minéralisation entre les deux systèmes d’irrigation de 7 à 16 kg d’azote pour la période du semis au stade H50 % (maturation des graines – fin d’absorption de l’azote).

Pourtant il n’y a pas d’écart significatif de rendement entre goutte-à-goutte et aspersion alors que la modélisation suggère une moindre minéralisation de l’azote. Aussi, une compensation par la fertigation en goutte-à-goutte pourrait avoir lieu, qui atténue cette différence de minéralisation. Cette hypothèse reste toutefois à confirmer.

Ainsi, les résultats obtenus à Lyon Saint-Exupéry semblent montrer que le système d’irrigation par goutte-à-goutte ne permet pas d’économiser de l’eau par rapport à une aspersion optimisée, que ce soit en conduite non limitante ou en conduite restrictive en eau. Ces différents éléments se rapprochent des tendances observées au Magneraud. D’autre part, le goutte-à-goutte n’a pas apporté de meilleure valorisation de l’azote, alors que l’essai du Magneraud avait montré un effet du système d’irrigation en faveur du goutte-à-goutte à dose d’azote réduite en conditions d’eau non limitantes sur une année (2017). Au final, au cours de ces trois années d’essais aux climats contrastés, le système de goutte-à-goutte n’a pas apporté de gains suffisants par rapport à l’aspersion pour justifier le surcoût entrainé par ce type de dispositif.

(1) Plus de détails dans l’article « Irrigation du maïs : le goutte-à-goutte équivalent à l’aspersion » de Perspectives Agricoles n°457, paru en juillet-août 2018.

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