Orges de printemps : est-il encore temps de semer ?

Les précipitations ont empêché de réaliser convenablement les semis d’orge de printemps dans les périodes optimales pour de nombreuses régions. Alors que les pluies cessent, est-il toujours pertinent de semer de l’orge de printemps ?
En 2024, les semis d'orge de printemps ne devraient pas voir beaucoup de poussière

Le semis d’une orge de printemps à des dates ultérieures au 20 mars dans la moitié nord de la France (figure 1) n’est pas sans conséquence. Un semis tardif début avril, au lieu de fin février / début mars, engendre un recul de la date d’épiaison d’environ dix jours et un raccourcissement du cycle d’environ vingt jours. Le risque d’échaudage des grains au cours de la phase de remplissage est donc accru. Il peut en résulter une perte de rendement ainsi qu’une dépréciation du calibrage et de la teneur en protéines.

Figure 1 : Densités de semis recommandées en orges de printemps

Plages recommandées de dates et de densités de semis des orges de printemps en France

Semer après le 20 mars, c’est avant tout, comme pour beaucoup de choses, un pari sur le climat, que l’on peut néanmoins nuancer selon les situations :

  • Pour les sols profonds avec une bonne réserve utile, il n’est pas rare d’avoir de très belles surprises, même pour des semis de début avril.
  • Pour les sols plus superficiels, avec une réserve utile plus faible, les conséquences d’un semis après le 20 mars seront rapidement beaucoup plus lourdes si les conditions pendant la montaison ne sont pas favorables.

Une pénalisation de la capacité de tallage de l’orge est également à craindre, ce qui peut aboutir à une diminution du nombre d’épis potentiels/m². Cette composante de rendement ayant une corrélation forte avec le rendement final, il est préconisé d’augmenter les densités de semis pour pallier cet inconvénient.

Tableau 1 : Densités de semis recommandées en orges de printemps

Densités de semis recommandées en orges de printemps

Nombre de grains à semer dans un sol correctement préparé, avec des semences ayant une faculté germinative d’au moins 95 % : on prend en compte un taux de pertes moyen de 10 %. La densité semée est indépendante de la variété choisie.

Mieux vaut éviter de semer dans l’urgence

La date de semis est conditionnée par la date de ressuyage des sols et la possibilité d’exécuter une préparation superficielle en un minimum de passages. À la suite de l’hiver humide que nous avons eu, il est essentiel d’attendre un ressuyage correct du sol plutôt que de vouloir semer à tout prix. L’ordre des parcelles à semer doit être déterminé en fonction de ce critère. Une orge mal implantée sera beaucoup plus sensible aux accidents climatiques à venir.

Le cumul printanier de pluies entre le semis et l’épiaison est un facteur déterminant pour l’atteinte du potentiel de rendement de l’orge de printemps. A l’heure actuelle, il est trop tôt pour se positionner en tendance sur les conditions climatiques à venir. Si les semis ne peuvent pas s’effectuer d’ici début avril, il serait raisonnable de privilégier l’implantation d’une autre culture.

Garder l’objectif de fractionner l’azote en deux apports

Concernant la fertilisation azotée, il serait tentant de ne réaliser qu’un seul apport, au lieu de deux préférentiellement. Nous préconisons toutefois de maintenir la stratégie de fractionnement en deux fois, avec une répartition de 30 à 50 % de la dose totale au semis, puis le solde à tallage :

  • Si le printemps est suffisamment humide, cela permettra d’aller capter le potentiel.
  • A l’inverse, si la sécheresse s’installe entre le premier apport au semis et le second en végétation, et que le potentiel est impacté, il pourrait être judicieux de minorer le second apport pour ne pas risquer de dépasser les 11,5 % de protéines.

Enfin, nous encourageons à installer une zone sur-fertilisée lors du premier apport, afin d’être en mesure de réaliser un pilotage N-Tester® au plus près des besoins des plantes au stade « 1 nœud ». Pilotage d’autant plus nécessaire que cette année s’annonce particulièrement incertaine pour les orges de printemps.

Des résultats techniques à compléter par une analyse économique

Compte tenu de ces potentiels atteignables, on peut se livrer à une analyse économique rapide pour évaluer l’intérêt de semer ou pas une céréale plutôt qu’une autre culture de printemps (lire tableau 2). Il a valeur d’exemple, les chiffres sont à ajuster en fonction du contexte de chacun.

Tableau 2 : Marges semi-directes potentielles par culture compte tenu des hypothèses de rendement accessible en semis tardifs dans la région Normandie, des hypothèses de prix de vente au 15 mars 2024 et des charges associées à la production.

Marges semi-directes potentielles par culture compte tenu des hypothèses de rendement accessible en semis tardifs en Normandie

Marge semi-directe = Chiffre d'affaires + aides couplées + aides découplées - intrants (engrais + semences + phytos + séchage) - Charges irrigation – Mécanisation

L’intérêt de maintenir une céréale de printemps dans l’assolement repose aussi sur les besoins en paille. Le produit paille n’a pas été intégré dans les calculs ci-dessus. On peut estimer le potentiel de production en paille réduit de l’ordre de 40 % par rapport au rendement en paille de la même céréale semée en hiver, ce qui représente également une forte baisse des volumes récoltés à l’hectare (2 à 2,5 t/ha).

Au-delà de la marge par culture, il faut également intégrer l’équilibre de l’assolement, la diversification des cultures permettant de répartir les risques en cas d’accident climatique (forte sécheresse estivale par exemple) ou sanitaire.

Message rédigé par ARVALIS en concertation avec la Coopérative de Bellême et la Coopérative de Creully.

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