Maladies des céréales : apprendre de l’année et mettre en perspective
Les conditions atypiques de 2024 ne remettent pas en cause la place pivot d’un traitement fongicide d'automne (T2) bien positionné et bien dosé. Tour d’horizon des stratégies à adopter selon les secteurs, avec le réseau des ingénieurs régionaux d’Arvalis.

Le semis de variétés résistantes reste la règle n°1 pour faire l’impasse sur le T1.
Le printemps dernier a largement favorisé les maladies du feuillage des céréales, en particulier la septoriose sur blé tendre, qui a souvent rappelé qu’elle pouvait encore faire mal. Pour 2024, la nuisibilité moyenne des maladies, toutes variétés confondues, est estimé à 22 q/ha. Sur les variétés sensibles, ce chiffre peut atteindre 40 q/ha.
L’enveloppe fongicide à consacrer aux maladies foliaires du blé tendre dépend de la région et de la tolérance des variétés à ces maladies.
Pour les autres maladies (piétin verse, oïdium et fusariose), des grilles de risque permettent d’évaluer ces situations, de manière à n’intervenir que lorsque c’est nécessaire. Le choix d’une variété tolérante est le premier levier à actionner pour protéger ses blés des maladies.
Pour chaque région, les ingénieurs d’Arvalis proposent des programmes fongicides adaptés à tous les contextes, à la pression maladies moyenne attendue dans la région et à la tolérance des variétés à ces maladies. Selon les conditions en cours de campagne, ces programmes prévisionnels doivent bien sûr être ajustés à la hausse ou à la baisse, en fonction du contexte climatique et de la pression des maladies.
Le positionnement des traitements est également déterminant. L’enjeu du positionnement est en moyenne de 1,8 q/ha brut mais peut être encore plus important certaines années, comme cela a été le cas en 2024. Pour bien positionner les traitements, l’observation des cultures et/ou le suivi d'un modèle de prévision reste de mise.
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Bourgogne - Franche-Comté : penser biocontrôle quand le T1 s’avère nécessaire
Le levier génétique permet de ne pas préconiser de T1 pour les variétés peu sensibles, comme Chevignon ou LG Absalon dont la note septoriose est supérieure ou égale à 6,5. Si toutefois un T1 est nécessaire, nous préconisons un premier traitement en biocontrôle avec une application à base de soufre ou de soufre avec du phosphonate de potassium.
Le T2 au stade « Dernière feuille étalée » reste le pivot de la protection fongicide, qui permet de lever le plus de nuisibilité lorsqu’il est bien positionné et avec les bons produits. C’est à ce moment qu’on positionnera une SDHI ou une fenpicoxamide, qui présente également de bons résultats. Enfin, pour gérer la rouille brune, qui est arrivée précocement en 2024, nous conseillons d’associer une strobilurine au T2.Léa Bounhoure, ingénieure régionale
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Centre : choisir des variétés résistantes aux maladies, notamment à la septoriose
Si la rouille jaune est observée sur les variétés sensibles (note < 7), une intervention comportera des produits à base de tébuconazole, metconazole ou une strobilurine.
La protection au stade « Dernière feuille étalée » reste le pivot de la protection. Les triazoles, SDHI et QiI (fenpicoxamide) y trouveront leur place pour lutter contre la septoriose. Il faut alterner les modes d’action et ne pas utiliser deux fois la même substance active. En cas de risque rouille brune, prévoir l’ajout d’une strobilurine.
En cas de risque avéré de fusariose à la floraison, le fongicide sera positionné au début de la sortie des étamines. Il visera F. graminearum et Microdochium spp. (prothiconazole associé avec tébuconazole, metconazole ou bromuconazole).Cyrille Gaujard, ingénieur régional
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Champagne-Ardenne : les OAD pour déterminer la pertinence d’un T1
Le T1 reste, quant à lui, à décider au moyen d’un OAD, suivant la pression maladies de l’année et la sensibilité variétale : rarement rentable dans notre région, l’impasse est souvent possible (en l’absence de rouille jaune et d’oïdium).
En cas de pressions fusariose, ou septoriose et rouille brune persistantes à floraison, le T3 permet de renforcer la protection. L’alternance des matières actives est à considérer dans le programme, pour limiter la progression des résistances aux triazoles et aux SDHI principalement, déjà présentes depuis quelques années en Champagne-Ardenne.Raphaël Raverdy, ingénieur régional
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Hauts-de-France : une pression septoriose très forte, très précoce et continue
L'année le confirme : le T2 à « Dernière feuille étalée » reste la clef de la gestion maladie, et vient lever la majorité de la nuisibilité. Cette année, les T1 étaient essentiels sur les variétés sensibles et moyennement sensibles. Ils ont aussi permis d'aller chercher quelques quintaux sur les variétés peu sensibles. Attention à ne pas trop les anticiper (le déclenchement reste entre « 2 noeuds » et « Dernière feuille étalée ») au risque d’avoir trop de délais entre traitements et un défaut de protection, et à ne pas les généraliser si la pression maladies des années suivantes est faible. La résistance aux triazoles étant très généralisée, le biocontrôle pour ce T1 confirme sa bonne efficacité sur septoriose. En cas de rouille, il faudra ajouter une triazole ou une strobilurine efficace.
Dans un climat pluvieux persistant exceptionnel, des T3 à floraison ont été essentiels pour continuer la protection contre la septoriose, protéger contre la rouille brune et gérer également la flore microdochium [droit] (favorisée par le climat pluvieux, frais et couvert). Comme pour les T1, le T3 n'est pas à systématiser mais à adapter en cas de forte pression maladie. Ce traitement a également permis de gérer la flore microdochium favorisée par le climat pluvieux, frais et couvert.
Les résistances aux SDHI progressent dans notre région, il convient d’associer des multisites aux programmes (soufre, folpel…), d’alterner les matières actives et de maintenir une seule SDHI maximum par campagne.Charlotte Boutroy, ingénieure régionale
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Normandie : le plus gros enjeu reste le T2 à dernière feuille étalée
La nuisibilité du complexe maladie équivaut à celle de 2016, pour les variétés sensibles à la septoriose. Cependant, même cette année, avec un bon choix variétal, le cœur du programme reste le T2 : à la bonne dose et bien positionné ! Pour la prochaine campagne, gardez à l’oeil la rouille jaune, discrète depuis deux ans, pour déclencher si nécessaire une intervention en T1.
Quant au T3 septoriose à floraison, il n’est pas obligatoire pour les variétés peu sensibles, mais peut se justifier quand le risque de fusarioses est présent. à raisonner selon le climat, la variété et les pratiques culturales sur chaque parcelle.Louis Heck, ingénieur régional
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Occitanie et Sud Aquitaine : adapter son programme aux spécificités des variétés et à l’année !
Le traitement pivot au stade « Dernière feuille étalée » permet de contrôler efficacement les principales maladies foliaires de la région sur les variétés les plus cultivés : Prestance, Izalco CS, Pibrac, RGT Pacteo, Grekau… Afin de maximiser l’efficacité du traitement contre la Rouille Brune, le partenaire (SDHI (ou Qil) ou/et IDM) doit être associé à une strobilurine.
La protection démarre dès le choix d’une variété adaptée et se construit pendant la campagne avec les Bulletins de Surveillance des Végétaux, les observations aux champs et l’appui d’OAD.Clément Monnereau, ingénieur régional
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Poitou-Charentes : la campagne 2024 ne doit pas modifier notre raisonnement fongicide
En blé dur, un traitement début floraison est quasi systématique pour limiter les fusarioses. En 2024, cette application a permis de limiter l’impact sur le rendement de Microdochium nivale (majoritaire cette année) et de protéger les feuilles contre la rouille brune.
Dans un contexte de maitrise de charge, des triazoles solo ou doublé dans le programme ont pu être appliqué, ce qui contribue à la progression des résistances. Pour préserver les efficacités, il faut associer et alterner les matières actives et n’utiliser qu’une une seule SDHI, QoI ou QiI par programme.Clément Gras, ingénieur régional
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Rhône-Alpes : le cœur de la protection est à dernière feuille étalée
Ophélie Boulanger, ingénieure régionale
Les programmes reproduits dans cet article sont des exemples parmi les nombreux proposés par le réseau des ingénieurs régionaux d’Arvalis. L’intégralité de leurs préconisations est accessible sur le site d'Arvalis.
Les variétés résistantes, incontournables
Même si elles ne sont pas toujours totales, les résistances génétiques peuvent constituer des protections très efficaces contre la plupart des maladies cryptogamiques présentes en France, mais aussi contre la verse.
Sur blé tendre, la sensibilité des variétés à la septoriose et aux rouilles doit être prise en compte dans la plupart des régions. Ces deux maladies sont souvent les plus préjudiciables aux potentiels de rendement.
Faire le choix d’une variété résistante à la septoriose permet de diminuer la pression et la nuisibilité. En 2024, les variétés résistantes ont permis de limiter les préjudices sur les rendements, malgré une pression septoriose forte et continue.
Des outils pour ajuster en cours de campagne
La stratégie fongicide définie de façon prévisionnelle nécessite des ajustements au contexte parasitaire de l’année et de la parcelle.
Ces ajustements sont possibles sur blé tendre grâce à des modèles agro climatiques, comme TOP pour le piétin verse ou Septo-LIS® pour la septoriose. Autre outil : le Baromètre Maladies, qui permet de prévoir un risque associé aux principales maladies du blé tendre sur une parcelle donnée. En accès libre sur www.arvalis-infos.fr, cet outil calcule instantanément un niveau de risque sur sept jours, centré sur le jour de la simulation, pour cinq maladies : le piétin verse, la septoriose, la rouille jaune, la rouille brune et la fusariose des épis. Calculés grâce à des modèles agro-climatiques, les risques indiquent le développement probable de chaque maladie (risque fort / moyen / faible) sur la période la plus pertinente pour raisonner les interventions fongicides.
Pas plus d’un SDHI par saison !
Pour minimiser les risques de résistance, Arvalis confirme sa préconisation de diversifier les modes d’action en essayant de respecter les règles suivantes :
- Pas plus d’une strobilurine et pas plus d’un SDHI (carboxamides) par campagne.
- Alterner les IDM (triazoles) au cours de la saison : éviter si possible d’utiliser deux fois la même matière active.
- Introduire dans la mesure du possible les nouveaux modes d’action (fenpicoxamid) dans les programmes.
A priori, si l’on choisit d’utiliser les SDHI, leur positionnement naturel est en T2 dans le cadre d’un programme à deux ou trois traitements, mais ils peuvent être aussi valorisés en traitement unique à partir de dernière feuille étalée. Ces molécules n’ayant pas d’activité marquée sur la fusariose de l’épi, leur place n’est pas en T3.
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