Désherber le maïs sans S-métolachlore

À partir du 23 juillet 2024, les herbicides contenant du S-métolachlore ne pourront plus être utilisés pour désherber le maïs. Les quelques molécules encore autorisées ont toutes une épée de Damoclès au-dessus de la tête : un report massif des utilisations sur certaines d’entre elles pourraient les condamner à plus ou moins court terme.
Le choix des herbicides foliaires utilisés en rattrapage doit s’effectuer en fonction des espèces à contrôler.

La présence d’adventices est préjudiciable à la rentabilité du maïs : les pertes de rendements peuvent représenter 20 à 80 % d’après les observations faites dans les témoins non traités des essais menés par Arvalis.

La flore adventice annuelles des parcelles de maïs se compose généralement de dicotylédones, de graminées estivales (Digitaires, Panic pied-de-coq et Sétaires essentiellement) et de graminées à germination plus précoce (ray-grass, vulpin). Le maïs (et les cultures rattachées : sorgho, millet, moha) étant lui-même une graminée, d’un genre botanique très proche des graminées estivales, le compromis d’efficacité sur la flore adventice et de sélectivité sur la culture est souvent délicat à trouver, a fortiori pour les maïs dits « spéciaux » (semences, doux).

Il existe à ce jour plusieurs types d’herbicides homologués pour le désherbage du maïs qui présentent une efficacité sur les graminées (figure 1). Les herbicides foliaires n’ont qu’une efficacité partielle, permettant de freiner les graminées mais pas toujours de les contrôler : d’une part leur spectre d’action est limité, et d’autre part, l’efficacité intrinsèque de certaines molécules est peu à peu mise en difficulté par la progression des adventices résistantes. L’efficacité de ces herbicides est également très dépendante des conditions d‘application et pour l’optimiser, il convient d’intervenir sur des adventices jeunes (moins de 3 feuilles) avec une hygrométrie importante (supérieure à 65 %). Le contexte floristique ajouté au manque de performance des solutions foliaires de rattrapage expliquent que plus de la moitié des maïs soit actuellement désherbée avec des herbicides racinaires. Il s’agit même de l’intégralité des surfaces lorsqu’on s’intéresse aux maïs spéciaux (semences et maïs doux).

Focus sur le mélange « Isard 0,6 à 0,8 ou Juan 1.5 + AdengoXtra 0,33 »

Dans les essais conduits par Arvalis et ses partenaires régionaux, le mélange « Isard 0,6 à 0,8 ou Successor 600 1,5 + AdengoXtra 0,33 » est celui qui présente la meilleure efficacité pour contrôler l’ensemble des graminées estivales un mois après l’application, et ce, même lorsque les conditions climatiques sont peu favorables. Toutefois, lorsqu’une seconde évaluation de l’efficacité est réalisée un mois plus tard, à la fermeture de l’inter-rang, on constate qu’elle est parfois insuffisante, mais surtout que le risque d’échec est bien plus important. Or, à ce stade, il n’est plus possible d’effectuer un rattrapage ! C’est la raison pour laquelle le choix du programme de prélevée doit être réalisé en anticipant le risque de devoir faire un rattrapage de postlevée.
Figure 1 : Fréquence des niveaux d’efficacité sur graminées des principaux herbicides (évalués sur maïs au stade 14 à 16 F).
LUTTE CONTRE LES GRAMINÉES : des niveaux d’efficacité pas toujours satisfaisants
Les chloroacétamides (S-métolachlore, péthoxamide et dmta-P) ont une action racinaire alors que les sulfonylurées (nicosulfuron, foramsulfuron et rimsulfuron) et les tricétones (mésotrione, sulcotrione et tembotrione) ont une action foliaire. Les autres herbicides racinaires comportent de l’isoxaflutole, de la pendiméthaline, de la mésotrione ou de la clomazone.

Deux solutions de repli dans la famille des chloroacétamides


Avec le retrait du S-métolachlore, la famille des chloroacétamides (herbicides racinaires) se retrouve sérieusement amputée. Il va falloir faire preuve de davantage de technicité pour assurer une bonne implantation des cultures.

Deux molécules, le dmta-P (Isard, Dakota-P) et la péthoxamide (Successor-600) font également partie de cette même famille. Leurs performances sont satisfaisantes sur graminées estivales jusqu’au stade « 6-8 feuilles » de la culture, lorsque les conditions sont favorables, c’est-à-dire face à des densités modérées et surtout avec un cumul pluviométrique d’au moins 20 mm dans la décade post-application. Cette efficacité est généralement insuffisante à la fermeture de l’inter-rang de la culture du maïs, deux mois après traitement.

En revanche, contrairement au S-métolachlore, aucun de ces herbicides n’est formulé avec un phytoprotecteur et c’est bien là que réside le risque majeur pour les cultures de maïs doux et de maïs semences. Ces derniers sont effectivement davantage sensibles aux herbicides, tout comme les maïs grain et fourrage dans les sols difficiles, filtrants ou hydromorphes.

Afin de limiter ces risques de phytotoxicités, seule l’agronomie est porteuse de solutions : soigner encore davantage la préparation du lit de semences, assurer un semis homogène de profondeur suffisante et régulière, appliquer les herbicides racinaires dans les 24 à 48 h après le semis, en veillant à ce qu’il n’y ait aucune précipitation importante (>20 mm) dans les jours suivants, mais en recherchant malgré tout un cumul de précipitations de l’ordre de 20 mm répartis dans la décade post-traitement. Dans cet objectif, effectuer un traitement préalable en prélevée avec un herbicide racinaire sélectif est une possibilité qui permet de différer l’application d’un chloroacétamide associé à un herbicide foliaire en postlevée.

Toutes les situations ne nécessitent pas de recourir aux chloroacétamides

Davantage de technicité, il en faudra aussi dans le choix des stratégies et des produits. En effet, d’autres herbicides racinaires sont utilisables en post-semis prélevée (figure 2). S’ils n’ont pas la puissance d’un chloroacétamide face aux graminées, leur positionnement en post-semis prélevée peut constituer la base nécessaire à une bonne mise en place de la culture.

C’est aussi une bonne manière de préparer une seconde application d’herbicides foliaires, seuls ou en mélange avec un racinaire, en les choisissant en fonction des espèces d’adventices à contrôler. Ces produits sont efficaces 30 jours après l’application de prélevée, mais cette efficacité est étroitement liée aux pluies enregistrées dans la décade qui suit l’application. Ce premier traitement de post-semis-prélevée vise une efficacité sur 1 mois environ ayant pour objectif de préparer la seconde intervention et d’en faciliter le positionnement en regroupant les relevées d’adventices vers « 6 feuilles » du maïs.

Figure 2 : Efficacité moyenne des herbicides racinaires sur les graminées estivales (Panic, Sétaires et Digitaire) et impact du cumul pluviométrique de la décade post-application.
SUR PANIC, SETAIRES, DIGITAIRE : des efficacités proches de 8/10
L’efficacité est notée au stade « 6-8 feuilles » du maïs, un mois après traitement.

En prélevée, lorsque les densités de graminées estivales sont inférieures à 20 plantes par m² (toutes espèces confondues), il n’est généralement pas nécessaire de recourir à un chloroacétamide (dmta-P ou péthoxamide). Parmi les autres herbicides racinaires disponibles, chaque produit a son propre spectre d’action et les résultats des essais montrent que l’efficacité varie d’une espèce à l’autre et qu’elle peut être plus ou moins impactée par la densité des mauvaises herbes.

Ainsi, le Panic pied-de-coq apparaît plus facile à maîtriser, quel que soit l’herbicide racinaire utilisé. La Digitaire sanguine est contrôlée de façon juste acceptable par plusieurs herbicides racinaires et pour certains, leur efficacité peut varier en fonction de la densité. Ainsi, CalliprimeXtra ou Isard, généralement satisfaisants, peuvent être mis en échec face à des densités très élevées. Un mélange d’herbicides racinaires et/ou un rattrapage de postlevée s’avéreront pertinents.

Quant à la Sétaire, elle apparaît comme la graminée estivale la plus difficile à désherber. Sa présence, même avec une densité faible à modérée, nécessitera le recours à un herbicide racinaire de la famille des chloroacétamides. Et lorsque les densités seront importantes, il n’y a qu’un mélange d’herbicides raci­naires qui pourra l’empêcher de lever abondamment dans la culture - par exemple, un chloroacéta­mide renforcé par une pendiméthaline ou un isoxaflutole, avec ou sans thiencar­bazone-méthyl.

Le recours à des mélanges d’herbicides racinaires intégrant en particulier un chloroacétamide (dmta-P ou péthoxamide) sera donc justifié en cas de forte densités de graminées (Digitaire sanguine ou Panic pied de coq > 30 par m², Sétaire sp > 15/m²) et dans ce cas, il est pertinent de moduler les doses des herbicides associés puisque chaque partenaire du mélange apporte sa part d’efficacité.

La figure 3 montre l’efficacité de quelques exemples de mélanges, avec une dose de chloroacétamide modulée. Une fois encore, les performances sont améliorées lorsque les herbicides sont positionnés en conditions favorables à leur efficacité. Bien que l’efficacité moyenne sur graminées soit satisfaisante pour l’ensemble de ces mélanges, le choix devra se faire en fonction de la cible à désherber.

Figure 3 : Efficacité et proportion de situations avec efficacité satisfaisante de quelques mélanges d’herbicides racinaires sur les principales espèces de graminées estivales.

Les solutions racinaires pour détruire les adventices


En post-levée, le choix des produits foliaires doit tenir compte des espèces à contrôler mais face à la Sétaire, il sera nécessaire de recourir au préalable à une solution racinaire (Successor 600, Isard, …) puisque les tricétones sont insuffisantes et que de plus en plus de situations de résistances aux sulfonylurées sont identifiées.

En présence de Digitaire sanguine, privilégier un herbicide de la famille des tricétones : Laudis WG, Videl ou autre tembotrione, voire Callisto, Caluma ou autre mésotrione, avec des doses suffisantes pour viser une destruction totale des adventices. En présence de Panic pied-de-coq, outre la tembotrione et la mésotrione, les sulfonylurées sont également performantes, en particulier les produits à base de nicosulfuron (Pampa, Drapo, Monarque) ou de rimsulfuron (Cursus, Tarot, Bridge, Olorim WG).

En présence des deux espèces de graminées, associer une tricétone et une sulfonylurée en postlevée permet de combiner deux modes d’action distincts, ce qui contribue à réduire le risque d’apparition de populations de graminées résistantes.

0 commentaire

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.