Gestion des adventices annuelles : des alternatives aux efficacités variables

La gestion des adventices sera parfois complexifiée par les nouvelles AMM des produits incluant du glyphosate. Les restrictions de l’usage du glyphosate exigent, en effet, le recours à des alternatives mécaniques, chimiques ou agronomiques. Cependant, ces alternatives présentent toutes des limites qu’il convient de bien connaître.
Le désherbage des annuelles sans ou avec très peu de glyphosate

Les nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits incluant du glyphosate auront des conséquences variables selon les cibles visées (types d’adventices ou de couverts, stades des plantes…), les situations pédoclimatiques et les systèmes d’exploitation. Pour accompagner au mieux les agriculteurs dans cette transition, les instituts techniques Arvalis et Terres Inovia évaluent l’efficacité et la robustesse des pratiques alternatives dans chacun des usages agronomiques.

Un premier article de synthèse a été publié en 2019(1) où l’ensemble des pratiques avaient été répertoriées et classifiées selon quatre catégories : les mesures prophylactiques, les méthodes culturales, les méthodes physiques et les méthodes biologiques. Les premiers résultats obtenus sur le désherbage électrique ont également été décrits ultérieurement(2). Cet article est consacré uniquement aux pratiques les plus courantes. L’efficacité des principales alternatives est discutée selon les cibles visées et les conditions climatiques (tableau 1).

Les différentes opérations décrites ne sont pas applicables dans toutes les conditions ; leur faisabilité dépend du type de sol et de son humidité, de l’occurrence ou non de gelées, etc. Parmi les méthodes citées, c’est le travail du sol qui donne globalement les meilleurs niveaux de destruction. Le résultat dépend du matériel, du climat et de la flore à détruire. Ainsi, les graminées sont les plus difficiles à détruire ; en dehors du labour, elles sont peu sensibles à la plupart des techniques alternatives au glyphosate. Quant au travail superficiel, son efficacité est très dépendante du climat sur ce type de cible : les conditions doivent être impérativement séchantes.

Quelle est l’efficacité des leviers mécaniques sans travail du sol ?Le roulage sur gel permet de casser les tiges des espèces dressées peu lignifiées. Il est surtout utilisé pour détruire certains couverts (féverole, phacélie ou moutarde). Son action est très limitée sur les adventices : les dicotylédones sont peu développées à cette époque et la plupart sont couchées ; et les graminées y sont souvent peu sensibles. Cette technique est peu fiable car soumise à la survenue de gelées - très variable dans la plupart des régions.

Concernant la fauche ou le broyage, leur intérêt est soit de faciliter un travail du sol ultérieur (labour, déchaumeurs à dents), soit de limiter la grenaison des couverts sans travailler le sol. Cette technique n’a pas toujours d’effet probant sur la limitation du salissement des parcelles.

Les rouleaux hacheurs ont un mode d’action sur les couverts assez proche de celui des broyeurs.

Le pâturage des parcelles concerne surtout les exploitations en polyculture élevage. Son efficacité est très proche de celle d’une fauche ou d’un broyage. La vigilance envers les adventices toxiques (datura stramoine, morelle noire, galéga officinal...) doit être accrue.

Le nombre et le spectre des herbicides autorisés pour l’interculture est encore très limité

Les perspectives d’offre de substances actives pour remplacer le glyphosate sont minces à court terme, notamment si l’on vise une efficacité sur les graminées. En effet, actuellement, les deux seules substances actives de synthèse homologuées pour l’interculture - le 2.4 D et le Dicamba - ont uniquement un spectre anti-dicotylédones.

Le seul bioherbicide actuellement autorisé en grandes cultures est l’acide pélargonique (Beloukha), lui aussi efficace essentiellement sur dicotylédones. Son action de contact est rapide mais brève : les symptômes sont visibles généralement seulement quelques heures après application, puis les efficacités observées décroissent au fil du temps. En effet, l’effet contact implique que si les apex ne sont pas touchés, les adventices traitées sont capables de continuer leur croissance. Ce type de produit nécessite donc plusieurs passages, pour une efficacité finalement plus limitée que celle du glyphosate et un coût très largement supérieur.

Le travail du sol, principal outil de gestion des annuelles

On distinguera le travail du sol profond (retournement du sol à l’aide d’une charrue et enfouissement des adventices) des opérations plus superficielles (déracinement des adventices, voire enfouissement des plantules).

L’enfouissement des adventices et des couverts avec une charrue assure en général leur destruction totale. Les couverts végétaux développés et hauts ont cependant souvent besoin d’être broyés au préalable. Néanmoins, la destruction des adventices par ce moyen est plus difficile dans certains sols se retournant mal, comme les sols pierreux superficiels ou argileux plastiques.

Il est également possible que les labours réalisés entre l’été et le début d’hiver puissent « reverdir ». Il faudra alors détruire ces nouvelles adventices en sortie d’hiver ou avant semis, en profitant de la préparation du lit de semences. Toutefois, cela peut être délicat avec des graminées tallées et un climat peu séchant. De même, cette opération peut dessécher le lit de semence ou, en sols argileux, remonter des mottes et causer des problèmes de levée de la culture.

Pour détruire les adventices efficacement par un travail superficiel du sol, il est nécessaire de travailler 100 % de la surface, pour que toutes les adventices soient déracinées. L’atteinte de cet objectif dépend du choix du matériel. Les outils à dents équipées de socs larges, travaillant bien à plat et se chevauchant entre eux, sont plus adaptés que les outils à dents équipées de socs étroits ou que les outils à disques (tableau 2).

Il faut aussi prendre en compte la profondeur de travail réalisée, puisqu’un outil créant un profil irrégulier peut cependant donner satisfaction s’il travaille suffisamment profond. Il en est de même avec des adventices développées bien ancrées dans le sol : le réglage de la profondeur de travail est un levier pour aller déraciner ces plantes. Pour « scalper » 100 % des adventices, il est indispensable de réaliser un mini-profil au champ pour valider que la profondeur de travail de l’outil est adaptée et que le travail réalisé est satisfaisant.

Le réglage de la profondeur de travail est un levier crucial pour bien déraciner les adventices.

De nombreux points de détail au niveau des pièces travaillantes des matériels ont leur importance, comme la rigidité des dents ou le recouvrement entre socs pour les cultivateurs ou les vibro-déchaumeurs. Pour les outils à disques, le diamètre des disques et leurs angles d’attaque et d’entrure impactent leur capacité à faire un travail homogène. Les équipements du déchaumeur sont aussi à regarder de près.

La destruction des adventices se faisant essentiellement par dessèchement, il est souhaitable de laisser les adventices en surface, les racines à l’air dans ou sur un sol non rappuyé. La présence d’une herse à l’arrière est alors un atout, au contraire d’un rouleau lourd qui sera plus adapté aux faux-semis, pour faire lever de nouvelles adventices. En l’absence de rouleau, le contrôle de profondeur doit se faire par des roues positionnées à l’intérieur du châssis, et dont les traces seront reprises par des dents.

Bien évidemment, la destruction des adventices n’est qu’un objectif parmi d’autres pendant l’interculture. Le choix des matériels doit aussi prendre en compte ces autres considérations : la gestion des pailles, le contrôle des limaces, la préparation du lit de semences, les faux-semis…

Obtenir un lit de semences propre après un couvert végétal

Plus le couvert produit de la biomasse et plus il couvre le sol rapidement, moins la biomasse des adventices et des repousses du précédent est importante : c’est ce que confirme une synthèse de 765 données d’essais menés par Arvalis et plusieurs partenaires des projets RAID et VANCOUVER (CREABio, Terres Inovia, Océalia, Vivadour, lycée agricole de Fondettes et chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire). La compétition pour la lumière semble être le principal mécanisme en jeu.
La moutarde blanche et le sorgho sont ainsi capables de réprimer fortement la croissance des adventices. Les légumineuses annuelles sont parmi les moins efficaces, en raison de leur plus faible vitesse de couverture du sol. Les associations d’espèces ont donné des résultats très variables selon les espèces qui les composaient et leur densité de semis. Les mélanges comprenant des espèces à couverture du sol rapide et semées à la bonne densité se sont révélés aussi performants que les meilleures espèces pures.

Cette synthèse a également montré que si les couverts développés restreignent la biomasse des adventices et des repousses, ils ne limitent que rarement le nombre de ces plantes. La masse de chaque adventice est nettement réduite, ce qui limite d’autant son potentiel de production de semences et la rend plus sensible à des moyens de destruction comme un travail du sol superficiel. Cependant, il est probable que certaines de ces adventices pourront « repartir » si le couvert est seulement broyé ou couché. C’est pourquoi il est impossible de réaliser un semis direct sous couvert en l’absence de glyphosate, la plupart des couverts n’étant pas assez étouffants pour faire totalement disparaître la flore adventice.

Si le glyphosate ne peut être utilisé pour détruire les couverts, il est important de choisir les espèces de ce dernier en conséquence. En l’absence de labour, certaines espèces annuelles comme les céréales, le trèfle incarnat, la navette ou le radis fourrager peuvent être difficiles à détruire par broyage ou par travail superficiel du sol (tableau 3).

Adapter la rotation culturale

Si l’usage du glyphosate est restreint et que l’on souhaite limiter autant que possible le travail du sol, la rotation culturale est un levier d’action essentiel, tout d’abord, pour la gestion des graminées adventices. Celles-ci sont, en effet, complexes à détruire sans retournement du sol, notamment pendant l’automne et l’hiver. Modifier la rotation ou l’enchainement des cultures peut aussi être un levier pour sécuriser les implantations en évitant le salissement au moment du semis.

Avant de décider de modifier la rotation, il convient d’analyser les possibilités de gestion de cette flore adventice si le sol n’est pas labouré et si le glyphosate n’est pas souhaité. On identifiera les intercultures les plus infestées d’adventices et suivies d’une période de semis en saison peu séchante comme les semis tardifs d’automne ou de sortie d’hiver, à nuancer selon le climat local (voir En savoir plus).

Par exemple, les semis précoces en sortie d’hiver d’orge ou pois de printemps derrière un précédent blé peuvent être très compliqués à gérer. Envisager un autre précédent peut être une solution, par exemple maïs grain, tournesol, sorgho grain ou betteraves. Ils laissent souvent des sols moins infestés en graminées qu’un précédent blé. Cela facilite les choses avant des cultures qui ne bénéficieront quasiment jamais d’un temps suffisamment séchant avant leur semis pour détruire des graminées tallées. Une autre option pourrait être de positionner le labour, s’il revient de temps en temps dans la rotation, avant ces cultures semées très tôt en sortie d’hiver.

Concernant les céréales d’hiver, les stratégies de gestion des adventices peuvent différer en fonction du précédent et de la date de semis. Les semis précoces peuvent bénéficier de conditions relativement séchantes avant leur semis, quitte à anticiper la destruction des adventices développées. Les semis tardifs n’auront pas cette chance mais certains précédents restent cependant des opportunités de semer sur des sols « propres » (betteraves, pommes de terre, fréquemment maïs grain…). Le blé de colza et, surtout, le semis du colza bénéficient de conditions favorables à la destruction; il faut cependant être très prudent pour préserver la fraicheur du lit de semences du colza.

(1) Voir l’article « Glyphosate : peut-on s’en passer et avec quelles conséquences ? », Perspectives Agricoles n°468, juillet 2019, p.41.
(2) Voir l’article « Le désherbage électrique : une efficacité dépendant de nombreux facteurs», Perspectives Agricoles n°476, p. 5

Destruction mécanique des adventices : leur nature et leur stade jouent un rôle importantArvalis et Terres Inovia ont étudié les alternatives mécaniques au glyphosate, notamment lors des trois dernières campagnes, et ont caractérisé le pourcentage de destruction des adventices selon l’outil utilisé et sa profondeur de travail, les données météo, les espèces adventices à détruire et leur stade de développement.

Pour caractériser le climat, un indicateur climatique précisant le niveau de dessèchement du sol est calculé, en faisant un bilan hydrique sur cinq jours ; lorsqu’il est négatif, le temps est « séchant ». Proche de la neutralité, il correspond souvent à une pluviométrie nulle ou très faible avec peu d’évapotranspiration (pas de pluie mais temps peu séchant). Positif, il correspond à des cas où il a plu le jour du passage de l’outil de travail du sol ou les quelques jours suivants.

La destruction des adventices par un travail du sol superficiel varie selon leur espèce, leur stade et cet indicateur climatique (figure 1). Les graminées (adventices ou repousses de céréales) sont plus difficiles à détruire que les dicotylédones. Les graminées jeunes sont assez faciles à détruire, quelle que soit la météo. Par contre, les graminées sont difficiles à détruire en conditions humides dès le début de leur tallage, avec des résultats aléatoires. Leur système racinaire assez dense reste souvent attaché aux plantes « scalpées », et la terre qui y adhère rend difficile le dessèchement de la plante dès que le temps est peu séchant, même en l’absence de pluie. À ce jour, nous n’avons pas identifié de sensibilité différente à la destruction mécanique entre espèces de graminées.



Quelle que soit la météo, les dicotylédones annuelles sont faciles à enfouir du stade jeune plantule au stade « 3-6 feuilles » ou rosette. En revanche, il existe des différences de comportement entre espèces de dicotylédones passé le stade « 3 feuilles ». Le gaillet gratteron, la matricaire et le géranium se sont ainsi montrés aussi durs à détruire que des graminées, contrairement à de nombreuses autres dicotylédones comme les repousses de colza, le laiteron rude ou le séneçon commun.

Inutile de travailler le sol très profondément

Les profondeurs de travail des matériels ont été de moins de 5 cm, entre 5 et 10 cm, et jusqu’à 15, voire 18 cm. Bien évidemment, chaque matériel avait sa propre plage de travail optimale.

Globalement, approfondir le travail du sol n’a pas apporté d’efficacité supérieure. En effet, en travaillant plus profond, un outil a tendance à créer plus de mottes, ce qui limite la mise à nu des racines. Par ailleurs, cela tend à enfouir partiellement des adventices plutôt que de les laisser en surface, ce qui limite alors les chances de les voir se dessécher.

Le réglage du matériel doit donc viser à travailler assez profond pour bien déraciner l’ensemble des plantes présentes sur 100 % de la surface du sol, mais pas trop pour faire un travail le moins grossier possible et laisser les adventices en surface. Toutefois, pour gérer des adventices comme des ambroisies qui seraient présentes dans les ornières faites par le pulvérisateur, il peut être nécessaire de travailler à cet endroit-là le sol plus profond, avec un matériel ou un réglage spécifique.

Les comparaisons d’itinéraires techniques réalisées par Arvalis et Terres Inovia montrent la difficulté de généraliser les conclusions d’un essai, tant elles sont propres à chaque situation en raison des interactions entre la flore, le climat et l’itinéraire technique. Néanmoins, des tendances ont été observées.

• Les itinéraires où il n’a pas été possible de semer sur un sol exempt d’adventices viables au semis étaient, dans la plupart des cas, conduits sans labour et sans glyphosate. Les cultures de printemps y étaient semées assez précocement, entre février et avril, avec des interventions en conditions peu séchantes. La flore comprenait de fortes densités de graminées adventices ou de repousses de céréales.

• La plupart des situations où il a été possible de semer sur un sol exempt d’adventices incluaient un labour, ou des semis de blés de colza, ou des semis tardifs de printemps par temps séchant (en mai ou même avril), ou des semis plus précoces (février à avril) mais bénéficiant de conditions assez séchantes pour la saison et d’une flore peu difficile.

Dans certaines situations (ray-grass ou ambroisie, pluie après les interventions mécaniques), le travail du sol substituant le glyphosate avant semis des cultures de printemps a remis en germination des graines qui ont levé ensuite dans la culture.

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