Une présence avérée de rouille noire: peut-on parler d’épidémie ?

Depuis quelques jours, plusieurs cas de rouille noire sont signalés sur blé tendre dans différentes régions, du Centre / Île-de-France à la Bourgogne ou encore les Hauts-de-France. Ces remontées font écho à un premier signalement dans le Sud-Ouest (Gers) début juin et des observations ponctuelles, au moins depuis 2017.

Différentes variétés seraient touchées, souvent, dans des parcelles d’essais et dans des foyers isolés constitués de seulement quelques plantes infectées.

La rouille noire est une maladie connue depuis très longtemps : les Romains sacrifiaient des animaux, chaque printemps, au « dieu de la rouille » Robigus dans l’espoir de protéger les cultures. La maladie causait encore des dommages importants jusqu’au milieu du XXe siècle. Depuis près de 50 ans, avec l’arrachage systématique de l’hôte alternant (l’épine vinette, Berberis vulgaris), la précocité des variétés cultivées et le travail de sélectionneurs, la maladie a quasiment disparu du territoire français en dépit de quelques signalements sporadiques.

Depuis 2013, des cas de contaminations plus ou moins sporadiques sont régulièrement rapportés en Sicile, en Allemagne, au Danemark, en Suède, en Angleterre et en Russie (Sibérie).

Sans être alarmiste — car nous ne pouvons pas parler d’une épidémie, ni même d’une réémergence — il est important de surveiller cette maladie pour anticiper les risques d’épidémie dans le futur.

Quels sont les symptômes de la rouille noire ?

Les symptômes caractéristiques de la rouille noire sont la présence de pustules sur les tiges d’où son nom anglais (stem rust). Ces urédosores sont, d’abord, arrondis puis allongés et linéaires pouvant atteindre 10 à 12 mm. Elles deviennent alors souvent confluentes et constituent des stries irrégulières donnant un aspect déchiré et rugueux aux tissus infectés. Des symptômes sont également observables sur les feuilles, les gaines et les épis.


Symptômes typiques de rouille noire sur tiges de blé tendre (photo R. Valade)

Quels sont les facteurs favorables à la maladie ?

La rouille noire du blé tendre est causée par le champignon Puccinia graminis f. sp. tritici. Sensible au froid sous sa forme asexuée, la rouille noire sur les céréales ne survit généralement pas aux hivers froids d’Europe Centrale et du Nord, limitant la récurrence des épidémies d’une saison à l’autre. Elle est en revanche nettement plus résistante sous sa forme sexuée qui ne peut exister qu’en présence de son hôte alternant, notamment à une période de l’année ou l’absence de tissus de blé vivant est un facteur limitant sa survie.

La réapparition de certaines variétés d’épine vinette (notamment ornementales) dans certaines régions d’Europe pourrait constituer un facteur de risque supplémentaire, d’une part en fournissant l’inoculum primaire indispensable au redémarrage des épidémies, et d’autre part en contribuant au brassage génétique, et donc la capacité d’adaptation des souches pathogènes aux variétés de blé locales.

La rouille noire s’accommode de températures élevées, entre 25 et 30°C la journée et entre 15 et 20°C la nuit, et de présence d’eau à l’état liquide. La précocité des variétés de blé actuelles, qui bouclent leurs cycles avant l’apparition des conditions climatiques favorables à la rouille noire, représente probablement la meilleure protection des céréales d’hiver sous nos latitudes. De plus, un scenario de réchauffement climatique qui s’accompagnerait d’une sécheresse accrue pourrait ne pas lui être favorable.

Néanmoins, le risque n’est pas nul sur des semis tardifs de printemps, ou à l’occasion d’une séquence météo particulière (comme celle qui s’est produite en Allemagne en 2013, à savoir un début de printemps froid retardant le cycle des céréales suivi d’une importante remontée des températures en fin de printemps).
Les conditions météo (un mois de mai plutôt frais suivi d’un début juin chaud) dans certaines régions pourraient-elles expliquer les observations faites sur blé tendre cette année en France ? C'est possible !

La présence avérée de rouille noire ne rime pas avec « épidémie », mais il convient de rester vigilant. A noter que les signalements en 2021 interviennent un peu plus tôt que les années précédentes. De plus, des études récentes ont montré que la race TKTTF (responsable de l’épidémie en 2013 en Allemagne) était potentiellement capable d’infecter une grande gamme du germplasm européen (projet H2020 RUSTWATCH).

Une enquête est ouverte ! Afin d’évaluer l’importance de la présence de rouille noire sur le territoire français, nous vous invitons à répondre à une enquête (moins de 5 minutes) si vous observez des symptômes typiques dans vos parcelles ou dans vos expérimentations. L’idée est d’avoir une cartographie approximative de la présence de cette maladie cette année sur le territoire national.
L’épidémiosurveillance est l’affaire de tous !

Je participe à l’enquête Rouille noire !

Prélèvements : envoyez nous vos échantillons

Nous vous invitons également à nous faire parvenir des prélèvements qui nous permettront d’isoler les races et de les caractériser grâce aux partenaires du projet RUSTWATCH. Dans ce cas, merci de prélever au maximum 4-5 fragments de tige d’environ 5 cm avec des beaux symptômes, les mettre dans une enveloppe PAPIER (surtout pas de plastique), en indiquant date, lieu, nom de la variété, nom de la personne qui prélève. Eviter les séjours au chaud (par exemple dans la voiture au soleil) et/ou à l’humidité. Expédier dans une enveloppe papier (éviter les envois rapides en enveloppe plastifiée).

Merci d’envoyer les échantillons à :
ARVALIS - Institut du végétal
« Échantillons rouille noire »
Avenue Lucien Brétignières, Bât INRAE BIOGER
78850 THIVERVAL-GRIGNON

Les résultats seront disponibles courant 2022 directement sur Rustwatch.

Nous vous remercions pour votre aide.

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