Grandes cultures : quels outils pour remplacer le glyphosate ?
La destruction des graminées adventices à l’interculture est possible avec des outils de travail du sol animés ou non, voire des désherbeurs électriques. Mais quelle est leur efficacité ? En comparant le travail de 11 outils vis-à-vis d’un désherbage chimique, le projet Agile creuse la question et montre les voies possibles.

Importé en France par Agrosoil, l’outil Kvick-Finn comporte un rotor animé pour limiter la terre adhérente aux racines.
En juillet 2021, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation retenait le projet Agile1, déposé quelques mois auparavant. Ce projet axé sur la recherche d’alternatives à l’usage d’herbicides à base de glyphosate a débuté en début 2022 pour trois ans. Il comporte trois actions : test des agroéquipements candidats à la substitution au glyphosate, mise en œuvre d’itinéraires techniques alternatifs en situations d’impasse (ACS, sols argileux hydromorphes, sols caillouteux superficiels).
La dernière action consistera à l’évaluation pluricritères des itinéraires testés précédemment sur la base de fermes types. Alors que le projet arrive à mi-parcours, les essais matériels conduits en 2023 et 2024 montrent d’importants écarts d’efficacité.
Destruction des couverts végétaux
Un premier essai a été réalisé pour détruire des couverts d’interculture à l’automne 2023 sur la ferme Arvalis de Saint-Hilaire-en-Woëvre (55).
Composé principalement d’un mélange multi espèces avec vesce, radis chinois et phacélie le couvert comportait également des repousses de la céréale précédente et des graminées adventices. La biomasse globale est de 2,7 tonnes MS/ha avec 1 t MS/ha pour les graminées. Réalisé à la fin de la deuxième décade d’octobre, l’essai a été réalisé dans des conditions météorologiques encore satisfaisantes (sol sec).
Parmi les outils ou catégories d’outils préalablement identifiés pour se substituer au glyphosate, deux grands types différents ont été utilisés : ceux qui bouleversent le sol et ceux qui ne le touchent pas. En effet, les couverts végétaux peuvent aussi être détruits en roulant et hachant les plantes via des rouleaux broyeurs.
Le tableau 1 permet d’avoir un aperçu de l’éventail d’outils utilisés : cultivateurs à 3 rangées avec ailettes, fraise rotative et scalpeur avec rotor animé, mais aussi : désherbeur électrique, rouleau broyeur avec travail par ripage et rouleau broyeur multiple.

Tableau 1 : Liste des outils ciblés pour remplacer le glyphosate et des modèles utilisés dans les essais.
Ces outils ont été utilisés sur une période de deux jours avec des conditions climatiques identiques entre le début et la fin de l’essai.
Plusieurs mesures et notations ont été faites conjointement au passage des machines : mesure de la consommation de carburant et du débit de chantier, mini profil de travail des outils avec détermination de la profondeur. Les mesures d’efficacité ont été réalisé a posteriori : 7, 14 et 37 jours après passage.
Deux modalités supplémentaires figurent en plus des outils testés : un témoin (aucune action mécanique) et une référence chimique (modalité glyphosate à la dose de 1080 g/ha).
Les efficacités notées un mois après passage (figure 1) montrent une importante différence entre les pratiques. Les efficacités s’avèrent plutôt correctes pour les outils qui bouleversent le sol alors qu’elles sont insuffisantes pour les techniques qui ne brassent pas le sol.

Figure 1 : Parmi les huit modalités testées, les outils qui bouleversent le sol font la différence pour détruire les couverts même si leur efficacité reste inférieure à la modalité « glyphosate. » Essai réalisé à Saint-Hilaire-en-Woëvre.
Le roulage (avec ou sans ripage) et le désherbage électrique se montrent totalement inefficaces sur les graminées (vulpin et repousses de céréales dans notre cas) et à peine mieux sur les vesces (exception faite du rouleau broyeur). Les efficacités sur phacélie et radis chinois sont plus correctes (figure 2).

Figure 2 : Les efficacités sur phacélie et radis chinois sont plus correctes. Les outils de travail du sol ont, quant à eux, des efficacités satisfaisantes alors que le travail obtenu est assez différent entre les machines (profondeur, fond de travail, positionnement de résidus végétaux, terre adhérente aux racines). Pour exemple, la fraise déchiquète et incorpore les résidus végétaux dans le sol travaillé lors que le scalpeur animé les laisse intacts et les repose en surface.
Les outils de travail du sol ont, quant à eux, des efficacités satisfaisantes alors que le travail obtenu est assez différent entre les machines (profondeur, fond de travail, positionnement de résidus végétaux, terre adhérente aux racines). Pour exemple, la fraise déchiquète et incorpore les résidus végétaux dans le sol travaillé alors que le scalpeur animé les laisse intacts et les repose en surface.
Destruction des repousses avant un maïs
Un autre essai a été réalisé au printemps 2024 sur la station de Boigneville (91) sur des sols argilo calcaires dans une interculture blé tendre / maïs grain. Avec l’hiver et le printemps humide et en dépit de deux passages d’outils de travail du sol (pseudo labour en janvier puis disques indépendants en mars), le salissement de la parcelle en ray-grass était très important : environ 180 plantes/m² au stade A (1 à 3 feuilles) et 35 plantes/m² au stade C (plein tallage / début montaison). Un terrain de jeux rêvé pour tester des solutions alternatives au glyphosate ! Chose faite entre le 16 et 18 avril dans des conditions de sol friables (humidité pondérale comprise entre 20 et 22 % selon la profondeur).
À l’exception du désherbage électrique Nucrop, les outils utilisés comprennent un bouleversement de sol. Nous avons principalement mis en œuvre des outils à dents : cultivateur à trois rangées avec ailettes, vibrodéchaumeur avec dents vibrantes et pattes d’oie, et scalpeur munis de dents rigides et patte d’oies.
Comme pour tout essai analytique, le sens de travail se fait perpendiculairement au sens classique de travail du sol. La profondeur de travail a été adaptée pour faire face à une planéité moyenne et des systèmes racinaires très volumineux (ray-grass au stade C, plein tallage / début montaison.
Après un unique passage d’outils, les comptages d’efficacité sont intervenus 15 jours plus tard afin de permettre d’y implanter le maïs sans trop tarder ! La figure 3 montre l’efficacité de destruction pour la cible la plus délicate, en l’occurrence les ray-grass au stade C (plein tallage / début montaison).

Figure 3 : L’efficacité des outils testés est assez moyenne, s’expliquant par la cible choisie ainsi que le passage unique. Essai réalisé à Boigneville.
Avantage à la fraise rotative
Par analogie à l’essai précédent, des modalités supplémentaires aux outils sont ajoutés : le témoin (aucune action mécanique) et la référence chimique (glyphosate à 1080 g/ha). Sans surprise, on peut constater une efficacité assez moyenne dans l’ensemble, s’expliquant par la cible choisie ainsi que le passage unique.
Parmi les outils de travail du sol, l’avantage revient à la fraise rotative. Du fait de son agressivité, elle est capable de déchiqueter les touffes de ray-grass alors que ce n’est pas le cas le cas pour les outils à dents. Pour ces derniers, un passage supplémentaire est nécessaire pour permettre de séparer la terre des racines et ainsi dessécher les plantes.
Faiblement efficace sur les graminées, le désherbage électrique ne peut logiquement pas faire grand-chose sur de telles cibles : les ray-grass ont marqué le coup pendant une dizaine de jours suite à l’application, mais ils sont repartis après les précipitations. La modalité témoin est à - 20 % puisque le nombre de ray-grass compté lors de la deuxième date est supérieur à celui de la date initiale.
Ces quelques essais montrent la complexité du remplacement du glyphosate par des agroéquipements.
Pour réussir, le désherbage alternatif doit combiner une série de facteurs : système de production de la ferme, type d’adventice, stade de développement, type de sol et humidité nécessaire au travail, conditions météo séchantes après le passage… C’est complexe.
Ces essais vont se poursuivre en 2024/2025 afin d’élargir les situations adventices/climat tout en essayant de nouveaux outils. Plusieurs formes de communication verront également le jour dans le futur sur les différents volets du projet.
(1) Le projet AGILE est piloté par Arvalis, en partenariat avec Terres Inovia, l’APAD, la FNCuma et Montpellier SupAgro.
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