Question d'actu : quels sont les enjeux agronomiques du drainage ?

Trois millions d’hectares de parcelles agricoles sont drainés en France. L’installation de nouveaux réseaux se fait au rythme d’environ 15 000 ha par an. Selon Alain Dutertre, ingénieur de recherche chez Arvalis, le potentiel de surfaces à drainer reste important au regard des enjeux.

Perspectives Agricoles : Qu’apporte le drainage au fonctionnement du sol ?

Alain Dutertre : Dans la majorité des cas, le drainage sert à évacuer rapidement un excès d’eau hivernal provenant, la plupart du temps, d’un horizon imperméable situé en profondeur. Le drainage limite ainsi le ruissellement, en maintenant l’infiltration et en ramenant plus rapidement le sol à sa capacité au champ quand celle-ci est dépassée.
Un réseau de drainage est dimensionné pour répondre à des conditions pluviométriques moyennes et non pour faire face à des épisodes pluvieux particulièrement intenses, comme ce fut le cas en mai 2016. Avec le changement climatique, la fréquence de ces phénomènes exceptionnels risque d’augmenter. Dans ce contexte, pour un même type de sol, une parcelle drainée aura toujours l’avantage de favoriser un retour plus rapide à une situation normale qu’une parcelle non drainée. Il ne faut pas non plus négliger le pouvoir tampon des sols bien drainés qui temporisent les transferts de l’eau vers les fossés et les rivières.


P.A. :
Qu’en est-il des effets sur les cultures ?

A.D. : Des essais ARVALIS ont montré que le drainage régularise les rendements du blé tendre, voire les augmente.
Un excès d’eau limitant la croissance racinaire, l’enjeu est donc de maintenir un milieu favorable au développement des plantes, qui seront alors mieux à même de supporter les aléas de la campagne. L’accès aux parcelles est tout aussi important. Pour répondre aux besoins nutritifs élevés du blé en sortie d’hiver, un état trop humide des parcelles peut retarder les interventions ou, si elles sont effectuées, dégrader la structure du sol. Grâce au drainage des parcelles hydromorphes, l’excès d’eau est significativement réduit. Le pilotage des interventions est ainsi plus facilement réalisé en accord avec les besoins des cultures. Cela se répercute sur l’ensemble de l’itinéraire technique des cultures d’hiver et sur les cultures de printemps qui profitent plus rapidement de conditions favorables lors des semis. Les prairies ne sont pas en reste : la gestion de la fauche ou du pâturage est facilitée, la flore semée est moins sujette à la concurrence de plantes hygrophiles.


P.A. : Le drainage a-t-il aussi une action sur les intrants ?

A.D. : L’infiltration de l’eau favorise le maintien des éléments nutritifs et limite les transferts de produits phytosanitaires dans l’eau en améliorant leur dégradation là où ils ont été appliqués. A l’inverse, le ruissellement augmente les risques de transfert de ces éléments hors de la parcelle, sans compter l’érosion de surface.
En ce qui concerne l’azote, deux processus interviennent selon les conditions du milieu : la minéralisation et la dénitrification. Le bon fonctionnement d’un sol, en particulier son état d’aération, maintient l’activité microbiologique à l’origine de la minéralisation et donc de la production d’azote lessivable - ce qui met l’accent ici sur l’importance des apports d’azote aux bons moments en fonction des besoins des plantes. A contrario, dans un sol engorgé, la minéralisation s’arrête et laisse place, en l’absence d’oxygène, à la dénitrification. Ce phénomène entraîne des pertes dans l’air sous forme de protoxyde d’azote, gaz à fort effet de serre.
La connaissance de ces différents mécanismes, en lien avec les pratiques culturales, est rendue possible grâce à des équipements tels que celui de la station expérimentale d’ARVALIS de La Jaillière (44) en fonctionnement depuis 30 ans.

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