Mycotoxines dans le maïs fourrage : le point sur l’état des connaissances

La présence de mycotoxines dans la ration des bovins, à base de maïs fourrage, est souvent suspectée d’être responsable de troubles divers. Cependant, l’identification des causes réelles est complexe car la diversité des composés toxiques est importante et les références scientifiques parfois insuffisantes.

Peu de données scientifiques sont disponibles sur la toxicité des nombreuses mycotoxines connues à ce jour chez les bovins. Cependant, les données existantes permettent de conclure que :
- la présence de mycotoxines dans le maïs fourrage et dans la ration des ruminants ne constitue pas en soi un danger, dès lors que les teneurs sont inférieures aux valeurs maximales réglementées ou recommandées par l’UE.
- les bovins sont considérés comme résistants aux mycotoxines de Fusarium, le rumen ayant la capacité de les détoxifier. Cependant, les animaux qui présentent une acidose ruminale chronique peuvent avoir une capacité de détoxification réduite.

En cas de problème constaté sur les animaux (chute de production, problèmes de fertilité…), la première recommandation est de se rapprocher de son vétérinaire pour déterminer précisément le problème et envisager toutes les origines possibles. Si la ration présente des niveaux de contaminations faibles en toxines réglementées/recommandées, il faut alors rechercher d’autres causes possibles (déséquilibre de la ration, autres mycotoxines non mesurées à l’analyse, présence de datura…).

Pour rappel, les bonnes pratiques d’ensilage (propreté à la confection du silo, tassage énergique, fermeture hermétique et immédiate dès la fin du chantier) et de désilage (avancement rapide du front d’attaque, entrées d’air limitées) sont très importantes pour contenir le développement des moisissures indésirables, et donc potentiellement des mycotoxines dans le silo.

Ne pas confondre risque et danger !

Une dizaine d’espèces de champignons du genre Fusarium est couramment rencontrée sur les maïs. Ces moisissures microscopiques sont présentes dans toutes les parties de la plante et peuvent produire des mycotoxines. On peut donc éventuellement en retrouver dans le maïs fourrage sans que celui-ci ne soit visiblement moisi.

Béatrice Orlando, spécialiste de la qualité sanitaire chez ARVALIS, insiste sur une confusion fréquente entre risque et danger : « malgré leur présence relativement courante, ces mycotoxines provenant du champ ne constituent pas en soi un danger dès lors que les niveaux rencontrés sont acceptables au regard des études disponibles et de la réglementation en vigueur ».

Pour la mise en marché d’aliments du bétail, seules les aflatoxines font l’objet d’une réglementation. D’autres mycotoxines font simplement l’objet de recommandations (voir tableau 1). Certaines toxines ne font, à ce jour, l’objet d’aucune réglementation/recommandation, mais sont régulièrement présentes et, de ce fait, activement surveillées par l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments).

Pour Béatrice Orlando, bien que le maïs fourrage, autoconsommé sous forme d’ensilage, ne soit pas concerné par la réglementation, il est nécessaire d’être attentif à sa qualité sanitaire, au même titre que les aliments mis sur le marché.

Tableau 1 : Teneurs limites de quelques mycotoxines (en µg/kg) pour l’alimentation des vaches laitières
Teneurs limites de quelques mycotoxines (en µg/kg) pour l’alimentation des vaches laitières

Des seuils de risque différents selon les toxines et le type d’animaux

D’après le professeur Jean-Denis Bailly, de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, l’impact de ces substances sur les animaux dépend de plusieurs facteurs. « D’une part, des mycotoxines différentes n’ont pas les mêmes effets chez les animaux, en lien avec leur structure et leur distribution dans l’organisme. D’autre part, pour une toxine donnée, toutes les espèces animales n’ont pas la même sensibilité. Par exemple, pour les toxines de Fusarium, les bovins sont en général considérés comme tolérants à ces composés ». Cela signifie que les teneurs susceptibles d’entraîner des troubles sont supérieures à celles observées chez d’autres espèces animales. Ces teneurs sont d’ailleurs rarement atteintes dans l’alimentation. Jean-Denis Bailly explique que cette tolérance est en grande partie liée à la capacité du rumen à transformer les mycotoxines en molécules peu ou pas toxiques. C’est pour cette raison que les valeurs maximales autorisées, lorsqu’elles existent, sont souvent plus élevées pour les ruminants que pour les monogastriques.

Toxicité : des mécanismes complexes encore mal connus

Les études toxicologiques sur les bovins sont peu nombreuses. Pour Jean-Denis Bailly, plusieurs éléments peuvent interférer avec la résistance naturelle des bovins aux toxines de Fusarium :
• Les mécanismes de détoxification dans le rumen peuvent être plus ou moins actifs : viabilité variable des protozoaires dans le rumen, acidose ruminale chronique qui fragilise les animaux.
• La présence dans la ration d’un mélange de toxines pose souvent la question d’un éventuel effet additif ou synergique. A ce jour, les données sur ce sujet sont encore très limitées, en particulier chez les ruminants. Cependant, il est important de garder à l’esprit que la toxicité globale d’un aliment ou d’une ration ne peut pas être estimée en additionnant des teneurs en mycotoxines différentes, en particulier lorsque leurs modes d’action sont très différents.

Une grande diversité de toxines

Jean-Denis Bailly précise que des toxines dites « masquées » peuvent être présentes et entraîner une sous-estimation du niveau d’exposition réel des animaux. Il s’agit de molécules fixées à des constituants des plantes ou modifiées par le métabolisme de la plante pouvant éventuellement retrouver leur structure initiale au cours de la digestion. C’est par exemple le cas du DON-3G pour le déoxynivalénol.

D’autres toxines de Fusarium ne sont pas réglementées. C’est le cas par exemple de la beauvericine, qui possède des propriétés antibactériennes et peut donc influer sur le bon fonctionnement de la flore ruminale. Mais l’absence de données toxicologiques ne permet pas, à l’heure actuelle, d’interpréter les niveaux de contamination retrouvés dans la ration.

Par ailleurs, des toxines dites de stockage (aflatoxines, gliotoxines, ochratoxines, patuline, roquefortine C…), sont susceptibles de se retrouver dans le silo. Béatrice Orlando explique qu’elles sont produites par des moisissures (Penicillium, Byssochlamys, Aspergillus…) qui peuvent être introduites dans le silo lors du chantier d’ensilage à partir de terre ou de débris végétaux. Certaines de ces toxines sont dosées par des laboratoires commerciaux et peuvent être surveillées. Mais le manque de données toxicologiques ne permettra pas d’interpréter systématiquement les niveaux de contamination retrouvés dans le fourrage ou dans la ration mélangée.

Outre les mycotoxines, d’autres contaminations provenant du champ, telles que la présence de datura, qui contient des alcaloïdes tropaniques très toxiques (atropine et scopolamine) peuvent également être à l’origine de troubles graves, voire de mortalité, dans le troupeau.

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