Matière sèche du maïs fourrage : l’infrarouge arrive au champ

Mesurer la teneur en matière sèche du maïs fourrage, rapidement et directement sur le terrain, est désormais possible grâce aux capteurs infrarouges. Les premiers résultats montrent qu’il reste toutefois encore des progrès à faire.
Des outils de mesures de la composition du maïs fourrage au champ

Obtenir la composition biochimique du maïs fourrage et, donc, ses valeurs alimentaires directement au champ représenterait un gain de temps considérable tout en simplifiant le processus post-récolte. Des analyses performantes permettraient, par exemple, d’estimer précisément la date de récolte et d’ajuster, au quotidien, la distribution de fourrages aux animaux. Encore faut-il que les résultats soient fiables et précis.

Pour répondre aux demandes de résultats rapides, les fabricants de spectromètres en proche infrarouge (NIRS) ont miniaturisé leurs capteurs. Certains tiennent dans la main comme le SCIO de Consumer Physics et le Tellspec de Tellspec Inc. Leurs prix, variant de 500 à 2 000 €, les rendent plus accessibles aux agriculteurs, la différence de prix étant principalement liée à leur qualité optique et aux options informatiques proposées. Ces appareils sont pilotés par tablette ou par smartphone. Accéder aux calibrations présentes sur le cloud (encadré p.82) exige bien sûr d’avoir une connexion internet. La communication entre le capteur et le système de pilotage s’effectue par Bluetooth.

Contrairement aux appareils de laboratoire, ils donnent un résultat même avec un petit échantillon, la fenêtre de mesure couvrant une surface inférieure à 1 cm². Pour que les valeurs soient représentatives, il faut cependant multiplier les mesures manuellement pour un même échantillon.
Avec cette miniaturisation, les fournisseurs proposent donc désormais des appareils compatibles avec les conditions de terrain. La technologie gagne en mobilité pour s’affranchir, au moins pour partie, de la caractérisation fourragère classique. Cette dernière exige en effet l’envoi des échantillons au laboratoire et leur analyse sur un NIRS fixe ou par voie chimique.

« Des incertitudes trop élevées pour l’usage envisagé mais des pistes de progrès. »

Arvalis a donc testé la capacité de deux capteurs de terrain à déterminer la matière sèche du maïs fourrage. Les incertitudes des résultats obtenus avec ces deux capteurs sont toutefois encore trop élevées pour répondre aux besoins des agriculteurs et des éleveurs, que ce soit pour déterminer précisément le rendement en matière sèche (MS) de leur parcelle ou ajuster la ration des animaux. L’incertitude X est l’intervalle de confiance associé à un résultat (résultat à + ou – X %).

L’Institut a déterminé ces incertitudes de mesure sur un ensemble d’échantillons de maïs fourrage verts, représentatifs des cultures en France. Les échantillons provenaient de deux zones géographiques différentes, sur une année de récolte, et leurs teneurs en MS s’affichaient entre 23,1 % à 48,3 %. L’incertitude de mesure de la teneur en MS avec le SCIO atteint 5,5 % du poids du fourrage et elle est de 4,5 % pour le Tellspec.

Avec une incertitude de 5,5 % pour une valeur estimée de 35 % de taux de MS, le résultat fourni par le SCIO se situe entre 29,5 et 40,5 % dans 95 % des cas : ces incertitudes sont réellement trop importantes pour l’usage prévu. La raison de cette grande incertitude est principalement une question de matériel : surface d’analyse trop faible, optique choisie…

Ces premiers résultats sur les capteurs miniaturisés pour la mesure de la matière sèche du maïs fourrage incitent donc à conduire de nouvelles études sur des capteurs NIRS de terrain qui possèdent un système optique fournissant une meilleure qualité et une meilleure description du signal spectral. Il s’agit de capteurs plus chers.

Une méthode simple et rapideLa spectroscopie proche infrarouge présente de nombreux avantages : non destructive, elle nécessite peu, voire pas du tout de préparation de l’échantillon, ni de produits chimiques. Simple d’utilisation mais surtout rapide, fiable et peu coûteuse, cette méthode indirecte d’analyse repose sur l’interaction entre un constituant chimique et le rayonnement proche infrarouge. Le signal atteignant le détecteur représente la quantité d’énergie lumineuse absorbée par l’échantillon, celle-ci étant proportionnelle au nombre de liaisons chimiques présentes. Ce signal doit ensuite être corrélé au moyen d’une équation mathématique appelée « calibration » avec une propriété physico-chimique - teneur en eau, en azote, en amidon… - qui est obtenue par les méthodes conventionnelles de laboratoire. Les propriétés les plus faciles à prédire sont celles basées sur des liaisons chimiques comportant un atome d’hydrogène (liaisons O-H, N-H…).

Pour ce faire, Arvalis s’est associé avec trois semenciers pour conduire un projet commun sur la caractérisation du maïs fourrage avec un appareil NIRS directement installé sur l’ensileuse. Ce PSS de Polytec, qui coûte autour de 60 000 €, réalise une analyse en flux continu. Ainsi, toute la parcelle est analysée après la coupe. Les mesures sont instantanées, sans prise d’échantillon ni autres contraintes d’une analyse en laboratoire. Son fonctionnement est visible dans la vidéo du test sur la digistation Arvalis de Villers Saint-Christophe dans l’Aisne (https://youtu.be/dxIvyOH0YrM).

Le projet vise à dépasser la seule mesure de la teneur en matière sèche, pour estimer les valeurs de compositions chimiques comme les teneurs en protéines, en amidon, en sucres solubles, en fibres (NDF) et en parois (ADL), la digestibilité…, ainsi que les valeurs alimentaires calculées, par exemple les UFL.

D’autres travaux seront prochainement réalisés par Arvalis sur le MicroNir, un capteur miniature qui reste bien plus cher que le SCIO et le Tellspec (il coûte autour de 25 000 €). Il a déjà fait ses preuves sur la détermination de la qualité des grains de céréales à paille, en particulier sur la teneur en eau et la teneur en protéines, comme le PSS.

De nouvelles perspectives sont envisageables avec ces deux capteurs (PSS et MicroNir). Il serait ainsi intéressant d’élargir les mesures à d’autres fourrages : prairies, graminées, légumineuses ou encore méteils, des mélanges d’espèces de céréales avec des légumineuses. Il serait aussi utile de les tester sur d’autres formes de conservation telles que des fourrages enrubannés ou ensilés, et du foin.

Norbert Fumat - n.fumat@arvalis.fr
Hadi El Radi - h.elradi@arvalis.fr

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