Benoît Bougler à Brouchy  « Mes pommes de terre souffriront moins de la chaleur et du manque d’eau »

Benoît Bougler, exploitant de grandes cultures dans la Somme, est spécialisé dans les cultures industrielles pour l’alimentation humaine. Une ombrière photovoltaïque est déployée depuis l’été 2023 sur 3 hectares de ses parcelles. Un système d’irrigation à pilotage automatique optimisé vient d’y être intégré. Qu’en attend-il ?
Benoît Bougler : « Participer à un tel projet, c’est montrer que les agriculteurs se préoccupent activement d’environnement. »

 

Perspectives Agricoles : Qu’est-ce qui vous a amené à vous lancer dans ce projet ?

Benoît Bougler : Je connais Mathieu Debonnet, le président de TSE, depuis quinze ans : à cette époque, la société TSE a couvert de panneaux photovoltaïques 6500 m² de toitures sur mon exploitation. C’était déjà un projet démonstrateur : les cellules solaires n’étaient pas aussi performantes et résistantes qu’aujourd’hui, où la technologie est mature. Il fallait tester l’efficience de conversion photovoltaïque et la durabilité des panneaux en conditions agricoles. Aucun investissement ne m’était demandé, et je récupérais une partie de l’énergie produite.

C’est donc avec confiance que j’héberge ce nouveau démonstrateur. Cette fois-ci, je perçois un loyer indexé sur la puissance installée. L’électricité verte est rachetée par une entreprise locale, bioMérieux, à un prix qui restera fixe sur 20 ans, ce qui est intéressant.

P. A. : Comment est accueilli ce projet dans votre région ? Est-ce qu’il suscite de l’intérêt auprès des autres agriculteurs ?

B. Bougler : Le projet suscite beaucoup d’intérêt, c’est pourquoi j’ai invité plusieurs agriculteurs à l’inauguration du dispositif d’irrigation intégrée, qui a eu lieu en septembre. Technologiquement et environnementalement, c’est un beau projet. Le système d’irrigation « intelligente » combiné à l’ombrage fourni par la canopée photovoltaïque devrait réduire les besoins en eau d’irrigation de mes légumes. Et l’électricité verte produite est rachetée par bioMérieux via un CPPA *, ce qui permet à l’entreprise bio-industrielle d’accélérer sa transition énergétique.

De mon point de vue, ce projet redore l’image des agriculteurs vis-à-vis du grand public, écornée par les polémiques sur l’usage des phytos, de la ressource en eau, des émissions carbonées, etc. Mon image locale est plutôt bonne car j’ai fait du bio pendant près de dix ans ; j’ai toutefois arrêté il y a un an car le marché s’est refermé, et mes productions sont désormais « seulement » labellisées HVE. Il n’empêche qu’il est bon de montrer que nous nous préoccupons des questions d’environnement en lien avec le réchauffement climatique.

P. A. : Savez-vous si votre exploitation est à présent stockeuse nette ou émettrice nette de carbone ?

B. Bougler : Je n’ai jamais demandé de bilan carbone de mon exploitation. Pour mes cultures industrielles, je consomme du gaz - notamment, dans l’atelier « Pomme de terre » où les tubercules sont lavés, épluchés, cuits en frites qui sont surgelées -, du gazole et des engrais. Mais je produis aussi de la biomasse et des engrais verts que je réenfouis dans mes sols. Et maintenant, l’exploitation génère de l’électricité verte. Il serait intéressant de dresser un bilan complet et précis.

P. A. : Quelles cultures mettrez-vous sous l’ombrière ?

B. Bougler : Cette année, j’ai planté du maïs car le chantier s’est achevé le 15 juin seulement, et c’est la seule culture de ma rotation que je pouvais semer aussi tard. Entre le retard au semis et le retard de la maturité lié à l’ombrage de la canopée (dont l’effet est plus important sur maïs), j’estime que la récolte sera repoussée d’environ trois semaines par rapport aux dates habituelles - mais évidemment, les conditions de cette première récolte sont particulières.

Au cours des neuf prochaines années, trois cultures différentes seront semées sous l’ombrière, sur environ 1 ha chacune. Sous la canopée, il y aura en priorité des légumes (haricots, petits pois, pomme de terre) car ce sont les cultures de ma rotation qui souffrent le plus de la chaleur et du stress hydrique. Il fait fréquemment 40°C en été, et il est difficile d’irriguer à l’optimum - c’est en pleine nuit ! En 2022, j’ai perdu 20 % de ma production de pomme de terre.

L’année prochaine je ferai des pommes de terre, des haricots verts et du blé tendre. Je mets les mêmes cultures dans le champ à côté, sur 2 ha cette fois. Elles seront conduites de la même façon que celles sous la canopée, et recevront la même quantité d’eau. Il s’agit de comparer les rendements des cultures sous et hors canopée. J’attends avec impatience de voir les effets combinés de l’ombre apportée et du système d’irrigation automatique sur mes légumes.

(*) Un corporate power purchase agreement, ou CPPA, est un contrat permettant à une entreprise de se fournir en électricité verte à prix fixe durant une période déterminée, en s'approvisionnant directement auprès d’un producteur d'électricité renouvelable.

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