Comment se diversifier sans trébucher

Après trois années difficiles et des perspectives incertaines, les producteurs de céréales sont nombreux à s’interroger sur l’intérêt de diversifier leur modèle. Mais plutôt que de se lancer bille en tête, il faut d’abord se poser les bonnes questions, au risque d’y laisser des plumes.

Aller à la rencontre d’agriculteurs exerçant l’activité envisagée permet de confronter ses envies à la réalité du terrain.
Aller à la rencontre d’agriculteurs exerçant l’activité envisagée permet de confronter ses envies à la réalité du terrain. © Chambre Agriculture - Pays Loire

Quand les céréales ne font plus recette, diversifier son activité peut être une piste pour améliorer ou consolider la rentabilité de son exploitation. « Il ne faut pas s’interdire de se diversifier parce qu’on est dans une situation délicate », assure Florent Courtin, conseiller d’entreprise à Accompagnement Stratégie Centre Loire.

Diversification : une solution partielle aux difficultés structurelles

Toutefois, lorsque les difficultés sont structurelles, « ce serait une erreur de penser qu’à lui seul le projet de diversification va résoudre le problème », estime Amandine Bernard, conseillère indépendante dans l’Indre. 

Préparation et motivations d’un projet de diversification

Atelier d’élevage, cultures légumières, transformation, production d’énergie… Les possibilités sont nombreuses. « L’important est de bien anticiper et de ne pas agir dans la précipitation », indique Florent Courtin. Qu’il soit motivé par l’envie d’améliorer ses revenus, de se lancer un nouveau défi ou d’intégrer un nouvel associé, un projet de diversification peut vite tourner à la catastrophe s’il n’est pas bien préparé. « Il ne faut pas se contenter d’un article lu dans la presse, mais plutôt passer du temps à se renseigner auprès des acteurs de terrain », assure Emmanuel Lambert, conseiller d’entreprise chez Agriexperts. « La motivation principale d’un projet de diversification est souvent la recherche de valeur ajoutée. Il y a certes des atouts, mais aussi des contraintes et des menaces qui sont souvent sous-évaluées », insiste-t-il. 

Se confronter à la réalité

Concernant le domaine d’activité, les experts estiment qu’il n’y a pas un secteur plus porteur qu’un autre. En résumé, le bon choix est propre à chaque entreprise. « Il n’y a pas de recette magique », affirme Amandine Bernard. 

Confronter ses envies à la réalité du terrain

Une fois l’idée trouvée, le moment vient de confronter ses envies à la réalité du terrain en allant à la rencontre d’agriculteurs exerçant l’activité envisagée. « Un atelier d’élevage peut avoir du sens dans un système de grandes cultures pour apporter de la fertilisation organique, mais c’est un métier complètement différent avec des astreintes tous les jours », illustre la conseillère. « Derrière un chiffre d’affaires envisagé, il faut se demander si on a les capacités de développer cette activité sur le plan humain », abonde Emmanuel Lambert. L’exemple le plus évident est sans doute la vente directe qui nécessite d’avoir la fibre commerçante ou d’embaucher si le producteur souhaite déléguer cette tâche. 

Évaluer la charge de travail et le calendrier annuel

Échanger avec d’autres producteurs permet de mieux évaluer la charge de travail induite par la nouvelle activité. « Le temps de travail supplémentaire est souvent difficile à appréhender », explique Florent Courtin. Parmi les postes souvent sous-estimés : l’administratif, la commercialisation et la livraison. La question doit aussi être abordée sous l’angle du calendrier annuel, afin d’avoir suffisamment de temps ou de main-d’œuvre disponible pendant les pics d’activité. 

Sécuriser les débouchés

Après s’être assuré de pouvoir produire, il faut s’assurer de pouvoir vendre. « Il est indispensable de faire une étude de marché, insiste Amandine Bernard. Aller sur les marchés, questionner les clients, rencontrer les restaurateurs… » Cet état des lieux permet de proportionner ses investissements au potentiel du marché. « Beaucoup d’exploitants en grandes cultures font le choix de se tourner vers des cultures spécialisées, comme des légumes de plein champ. La première étape est d’aller taper à la porte d’un grossiste pour savoir si tel légume l’intéresse », illustre Florent Courtin. 

Pour un projet de transformation, l’étude de marché est encore plus importante. Huile, farine, pain, bières, pâtes fermières… Créer un atelier implique des investissements très lourds, souvent longs à rentabiliser. « Il faut 8 à 10 ans pour amortir un atelier de fabrication de pâtes ou de farine », précise le conseiller. 

Évaluer la rentabilité

Vient ensuite le moment de lister les investissements nécessaires. « Il ne faut pas hésiter à faire des devis auprès de plusieurs fournisseurs et envisager différentes hypothèses : tout acheter, acheter en copropriété, adhérer à une CUMA… », conseille Amandine Bernard. 

Évaluer la rentabilité et anticiper la trésorerie

« Une fois tous les investissements chiffrés, il faut les traduire en annuités et voir si la rentabilité prévue permet d’y faire face et de rémunérer la main-d’œuvre », poursuit-elle. La rentabilité de l’atelier peut être estimée grâce aux chiffres fournis par d’autres agriculteurs ou à des références d’excédent brut d’exploitation disponibles en ligne. « Une marge de 10 à 15 % permet d’être à l’aise et de pallier les imprévus », complète-t-elle.

Autre sujet à ne pas négliger : la trésorerie. « Dans le cadre d’un projet de poules pondeuses, par exemple, il faudra payer l’alimentation, des frais vétérinaires et des charges de structure avant de même de vendre des œufs », illustre la conseillère. 

Financement et choix de la structure juridique

Bien mûrir son projet est aussi essentiel pour le faire financer. « Présenter un dossier sérieux, documenté par un prévisionnel à moyen terme sur 5 à 7 ans et un autre à court terme, comme une trésorerie sur 2 ans, permet de prouver à la banque que le projet est réfléchi, crédible et bien préparé », indique Florent Courtin. 

Enfin, dernière étape incontournable : le choix de la structure juridique. Si certains conservent les deux activités dans une même société pour éviter d’alourdir les charges administratives, d’autres préfèrent scinder les deux activités. « Dans tous les cas, on ne peut pas se permettre de se lancer sans se poser la question », souligne Florent Courtin. Une mauvaise décision au démarrage peut s’avérer très coûteuse.

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