Comment réussir des couverts pérennes à durée indéterminée

Les couverts permanents permettent de limiter les risques d’échec à l’implantation en été et sécurisent la réussite de couverts avant des cultures d’automne. Comment les implanter et quelles précautions prendre pour assurer leur cohabitation avec des cultures ?
La cohabitation d’un couvert avec une culture complexifie la gestion des couverts permanents.

La cohabitation du couvert permanent avec les cultures reste un défi. La culture où le couvert est implanté doit laisser passer suffisamment de lumière pour éviter l’étiolement des jeunes plantules. Il y a par ailleurs des restrictions dans le désherbage des cultures : il n’est pas possible d’utiliser la plupart des antidicotylédones après la levée des jeunes légumineuses. Certaines substances actives ne peuvent pas non plus être utilisées avant le semis des couverts en raison de leurs effets résiduels. L’implantation de couverts permanents peut donc être incompatible avec le désherbage de certaines parcelles sales.

L’année suivant leur installation, ces couverts sont beaucoup plus forts et résistants et les restrictions de désherbage sont moins nombreuses. Mais ces couverts peuvent se montrer vigoureux et potentiellement très concurrentiels des cultures. Leur régulation est en général indispensable. L’implantation de cultures couvrantes, par exemple des céréales d’hiver à cycle précoce, permet de « calmer » le couvert, mais cette stratégie est très souvent insuffisante. L’utilisation d’herbicides pour réguler la croissance du couvert est alors nécessaire, notamment au printemps. Certaines cultures ne peuvent pas être cultivées en restant productives en présence de couverts permanents. C’est le cas des protéagineux, où il n’est pas possible de réguler la croissance de légumineuses pérennes, ou encore des cultures de printemps dont le cycle cultural, en retard sur celui des couverts, les fragilise énormément.

La longueur du cycle d’un couvert dit permanent peut être très variable en fonction de la prise de risque souhaitée, du contexte agronomique, et de la priorisation entre différentes contraintes dans une parcelle donnée (figure 1).

Figure 1 : Exemples de longueur de cycle de couverts permanents dans un enchaînement de cultures colza-blé-orge d’hiver.

Conserver le couvert tant qu’il apporte des bénéfices


Les termes utilisés pour décrire ces couverts sont divers : couvert permanent ou semi-permanent, couvert à durée indéterminée (CDI)…

C’est une pratique opportuniste où l’on garde le couvert tant qu’il apporte plus de bénéfices que de contraintes. On peut faire le choix de le détruire en fin d’hiver pour limiter tout risque de compétition sur la céréale tout en synchronisant le flux d’azote avec les besoins de la céréale. Ce choix peut aussi se justifier par la nécessité de désherber une parcelle sale, en l’absence de produits efficaces sur certaines cibles tout en étant sélectifs du couvert.

On peut aussi décider d’arrêter le cycle du couvert avant de semer une culture s’il s’avère sale et hétérogène. Autant le détruire s’il ne joue plus totalement son rôle. Quand tout se passe bien, il est possible d’enchaîner trois ou quatre céréales d’hiver d’affilée en gardant le couvert vivant. Ce cas de figure correspond assez souvent à de vieilles luzernières où y sont semées des céréales en semis direct. La vigueur des vieilles « souches » de luzerne leur assure une bonne pérennité pour résister à l’ombrage des céréales ou à certains herbicides modérément sélectifs.

Cinq légumineuses pérennes intéressantes

En France, les couverts permanents sont des légumineuses pérennes et cinq espèces dominent : la luzerne, le sainfoin, le lotier, le trèfle blanc et le trèfle violet (tableau 1).

Tableau 1 : Principales caractéristiques de cinq espèces de légumineuses pérennes utilisées comme couvert permanent.

Le premier critère de choix est l’adaptation au type de sol. Les sols hydromorphes sont défavorables à la luzerne et au sainfoin. Ces deux espèces sont au contraire très adaptées aux sols argilo-calcaires superficiels.

De nombreux autres critères de choix existent : coût des semences, adaptation à la pâture, multiplication de l’Aphanomyces en cas de pois dans la rotation, pérennité du couvert… La dynamique de croissance des couverts n’est pas la même selon les espèces. La luzerne flamande et le lotier entrent en dormance en milieu d’automne alors que le trèfle blanc reste très actif jusqu’en fin d’automne si ce dernier est doux.

Les couverts redémarrent leur croissance vers la mi-mars. Le sainfoin, peu dormant, a quant à lui, une pousse très précoce en sortie d’hiver, nécessitant une attention toute particulière pour sa régulation. Le lotier corniculé est plus tardif. En fin de printemps, un couvert court comme le trèfle blanc est souvent dominé par la céréale s’il a été correctement régulé plus tôt.

Les autres espèces, plus hautes, peuvent nécessiter une régulation tardive afin de les empêcher de passer au-dessus de la céréale. La régulation du couvert doit donc s’adapter à la dynamique de croissance de chaque espèce. Bien que tous de la famille des légumineuses, ces couverts n’ont pas exactement la même sensibilité aux herbicides de certaines familles de substances actives comme les inhibiteurs de l’ALS ou les hormones de synthèse.

Colza et tournesol, deux cultures phares

Le colza, suivi du tournesol, sont les deux cultures privilégiées pour implanter un couvert permanent. Elles offrent l’avantage de laisser passer plus de lumière à travers leur feuillage que les céréales à paille ou le maïs en agriculture conventionnelle (tableau 2).

Tableau 2 : Adaptation de différentes cultures à l’implantation de couverts permanents.

Les éleveurs peuvent aussi profiter des méteils pour y installer des légumineuses pérennes. Dans les systèmes où des fourrages de légumineuses sont déjà présents dans la rotation, leur non-destruction pour y implanter en direct des céréales est un bon moyen d’obtenir un couvert permanent à « moindre frais ». Il faudra alors s’assurer que la légumineuse est exempte d’adventices problématiques et la réguler avant implantation de la céréale.

Si aucun couvert n’a été semé sous une culture, il est toujours possible d’en installer un après moisson. Sa levée sera soumise aux aléas estivaux et il sera souvent assez peu développé au moment de semer le blé suivant. Ne bénéficiant pas de l’abri d’une culture, il risque d’être plus sale que les couverts qui sont semés en même temps qu’un colza, par exemple.

En situations de pluviométrie estivale ou printanière contrainte, l’essai d’Oraison a permis d’explorer de nouveaux créneaux d’implantation des couverts dans des légu­mineuses de rente (féverole, pois chiche). Ces nouveaux créneaux ont nécessité l’adaptation des techniques de récolte du fait de la difficulté de réguler deux espèces de la même famille.

Quelle biomasse ?

La biomasse produite par les couverts permanents dépend des cultures où ces derniers sont installés. Il est difficile d’en prédire la biomasse. Avec le temps, les couverts ont tendance à s’éclaircir et sont souvent moins denses derrière une céréale à paille que derrière un colza. La pluviométrie estivale a également un impact.

Sur dix étés différents à Boigneville (91), la biomasse des couverts permanents est expliquée à 53 % par la pluviométrie du 1er juin au 31 octobre. Elle est en moyenne de 1 t MS/ha pour moins de 200 mm de pluie jusqu’à 4 t MS/ha en moyenne en cas de pluie supérieure à 300 mm sur cette période.

Ces couverts, le plus souvent composés de trèfle blanc installé sous un colza, ont produit en moyenne 2,7 t MS/ha pour 74 kg N/ha alors que des couverts d’interculture installés en été derrière une paille produisaient en moyenne dans le même milieu 1,9 t MS/ha pour 57 kg N/ha.

Des couverts permanents installés en bonnes conditions peuvent donc être au moins aussi productifs que des couverts d’interculture, voire plus, et surtout couvrir des intercultures courtes d’été comme entre colza et blé ou entre deux céréales d’hiver, situations moins favorables aux couverts plus classiques.

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