Retarder les semis de céréales, est-ce toujours gagnant ?

Si le décalage de la date de semis des céréales d’hiver est reconnu comme une technique efficace pour diminuer la densité des graminées adventices présentes en culture, une analyse économique nuance le propos.

Dès 100 graminées/m², il y a un double intérêt à retarder le semis.

Dès 100 graminées/m², il y a un double intérêt à retarder le semis.

La gestion des graminées (vulpin, ray-grass notamment) en céréales à paille est devenue très compliquée. Sans s’étendre sur les causes, nous pouvons citer entre autres les densités phénoménales rencontrées (plus de 1000 plantes par m² dans certaines parcelles), l’érosion, en quantité et efficacité, des solutions herbicides disponibles, le non-travail du sol, etc... Parmi les leviers efficaces, le décalage de la date de semis est un levier à activer dans les parcelles les plus « difficiles ».

Les graminées en culture sont nuisibles

Il est toujours bon de rappeler l’impact des graminées sur le rendement de la culture. Sur une synthèse récente, de 43 comparaisons entre témoins non désherbés et parcelles « propres » (désherbées correctement), la nuisibilité des graminées est visible dès 30 plantes/m² (figure 1). Ces pertes de rendement vont croissantes, mais elles se chiffrent en moyenne à 30 % avec 100 plantes/m². Les situations sont bien entendu très disparates, notamment en fonction du potentiel de départ, de l’impact de facteurs abiotiques (comme la sécheresse par exemple). Bien évidemment, avec des densités de graminées supérieures à 500 plantes/m², les pertes sont colossales et souvent supérieures à 50 %.

Population de graminées adventices : effet sur les rendements

Population de graminées adventices : effet sur les rendements

Figure 1 : Pertes de rendement du témoin non désherbé par rapport à la parcelle la mieux désherbée de l’essai. 43 comparaisons entre 2009 et 2022.

Date de semis retardée : à réserver aux situations très infestées


Dans des essais récents sur l’impact des dates de semis sur la présence de graminées, nous avions montré qu’un décalage de 2 à 3 semaines, par rapport à une date précoce (généralement calée sur début octobre), permettait de diminuer fortement les densités de graminées.

Concrètement, le décalage de la date de semis est un moyen efficace de diminuer la pression des graminées en culture. Mais d’un point de vue économique, le résultat est plus nuancé : en supposant que le se­mis précoce comme le semis tardif sont correctement désherbés, l’impact du décalage de la date de semis est moins tranché (figure 2).

Décaler la date de semis : un choix gagnant dans deux tiers des essais

Décaler la date de semis : un choix gagnant dans deux tiers des essais

Figure 2 : écart de rendement net intégrant le coût des herbicides et des passages, permis par le décalage de la date de semis. 18 essais de 2016 à 2022.

Dans environ deux tiers des essais, il y a un intérêt à décaler la date de semis – en considérant aussi les essais proches de zéro car les moindres densités de graminées sont plus simples à gérer. En revanche, dans un tiers des situations, le décalage de la date de semis aboutit économiquement à une « contreperformance » par rapport au semis précoce (les deux situations étant correctement désherbées). Plusieurs explications à ces contreperformances :

  • Le potentiel du semis tardif est impacté du fait d’une mauvaise implantation, et notamment en situations très tardives.
  • Le désherbage en semis tardif peut provoquer des phytotoxicités parfois impactantes (ex. : pendiméthaline sur semis mal recouverts, prosulfocarbe ou chlortoluron…).

Néanmoins, le désherbage en semis précoce considéré comme « efficace » l’a été au prix d’un programme prélévée PUIS postlevée très onéreux – assez rarement mis en œuvre dans la réalité.

Ces données ne remettent pas en cause le message sur l’intérêt du décalage de la date de semis. En situations très infestées (dès 100 graminées/m²), il y a un intérêt à retarder le semis, tant sur le plan technique qu’économique. L’objectif n’est pas de décaler les semis sur toutes les parcelles, notamment au regard de l’automne 2023, mais seulement sur celles réputées « difficiles » en termes d’infestations.

 

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