Biodiversité et grandes cultures : six mesures qui font leurs preuves

S’inspirant des meilleures pratiques de producteurs de grandes cultures, une étude détaille une série de mesures qui favorisent la biodiversité. Souvent simples à appliquer et pleines de bon sens.
Biodiversité et grandes cultures : 6 mesures qui font leurs preuves

Comment concilier pratiques agricoles et préservation de la biodiversité ? Quelques mesures phares, fruits d’une analyse des pratiques propres aux grandes cultures et mises en place par les agriculteurs, ont été présentées lors du colloque Phloème, en novembre dernier. Cet éventail résulte d’une démarche initiée en 2020 par l’OFB en partenariat avec l’AGPB, dans le cadre du programme Agrifaune. L’initiative a recensé les pratiques agricoles de cent agriculteurs engagés dans la conservation de la biodiversité.

1. Optimiser les bords de champs

On le sait trop peu, mais les bordures extérieures de champs constituent des refuges précieux pour l’ensemble de la biodiversité comme les insectes ou les oiseaux. « 90 % des auxiliaires ont par exemple besoin d’un habitat semi-naturel à un moment de leur cycle de vie », explique ainsi Charles Boutour, chargé de mission « agri-environnement petit gibier » à la Fédération nationale des chasseurs. « Une bordure en bon état ne nécessite pas d’entretien annuel et est à la portée de tous. Pour être fonctionnelle, une bordure doit mesurer 1 mètre de large et ne pas subir de perturbations (ou dérives) mécaniques et chimiques. »

Plus généralement, les zones herbacées jouent à plein leur rôle de refuge lorsqu’elles sont composées de plusieurs familles de plantes à fleurs non adventices pour les cultures. À condition de respecter leur largeur et de ne pas empiéter avec le travail du sol, les traitements ou la fertilisation des parcelles adjacentes. « L’entretien mécanique peut limiter le salissement d’une zone herbacée mais celui-ci peut entrainer une diminution de 30 à 50 % des populations d’arthropodes, 50 % des populations d’araignées, 30% des populations de staphylins et 36% des populations de carabes », détaille Charles Boutour. L’idéal est de réserver cet entretien aux zones à problèmes et de faucher entre 30 et 40 cm, pas moins, à raison d’une fauche par an en hiver pour limiter le risque de salissement de la parcelle adjacente.

 

2. Favoriser les mosaïques culturales et l’effet de lisière

Autre levier : diversifier les cultures dans l’espace afin de garantir nourriture, couvert et sites de nidification variés à la petite faune. « L’alternance de cultures ou la mosaïque culturale combinée à des parcelles longues et étroites sont des éléments clés de la préservation de l’entomofaune et de l’avifaune », précise Charles Boutour. « Au cours de l’année, chaque culture apporte un type de couvert et un cortège d’insectes différents nécessaires à la petite faune sauvage. »

L’avifaune ou les insectes sont essentiellement présents aux niveaux des interfaces entre deux milieux : bois-plaine, blé-betterave… Les lisières jouent ce rôle d’interface. La présence d’un grand nombre de lisières (si possible aménagées) exerce également un rôle bénéfique sur les populations d’insectes et l’ensemble de la biodiversité. « Pour assurer des zones refuges efficaces, une largeur de parcelle comprise entre 150 et 200 mètres offre le meilleur compromis », détaille le spécialiste. Pour ne pas compliquer les travaux de plaine, l’idéal est de découper les parcelles en un multiple de la largeur du pulvérisateur ou de l’outil le plus large présent sur l’exploitation.

 

3. Aménager des haies favorables aux auxiliaires

L’aménagement de haies, de buissons et de couverts herbacés va également permettre d’abriter et de nourrir une diversité d’espèces toute l’année mais aussi durant les périodes de transition comme la récolte et l’interculture. Les haies larges, à double voire triple rangs, sont les meilleurs refuges pour la faune terrestre. À ce titre, les haies anciennes multistrates, épaisses, à composition diversifiée possèdent une haute valeur économique et paysagère, tout comme les haies composées d’essences remarquables à l’instar des ormes ou des tilleuls, ou les haies talus. La haie « idéale » pour préserver la biodiversité est composée d’essences variées, avec une floraison étalée sur toute l’année, parmi lesquelles des espèces fructifères et une diversité de strates.

L’aménagement parfait n’existe pas : il faut qu’il soit adapté à l’agriculteur et à son terroir. Néanmoins, les projets de plantation peuvent s’inspirer de la composition de haies anciennes locales, en évitant les conifères, les merisiers et les pruniers. Ces deux derniers sont les hôtes de pucerons ravageurs des cultures (R. padi et M. persicae). Les couverts herbacés sont également très favorables aux auxiliaires et complémentaires de la haie. La présence de fleurs sauvages non adventices améliorera la qualité du biotope.

4. Adapter les chantiers

Autre technique bénéfique : l’utilisation de barres d’effarouchement devant les tracteurs. Ces dispositifs, faciles à bricoler mais également disponibles sur le marché, réduisent singulièrement les mortalités au sein de la faune, en particulier du petit gibier. Travailler de manière centrifuge lors des fauches et des travaux agricoles (figure 1) permet également de protéger la faune, en particulier les perdrix et levreaux, en favorisant leur fuite vers l’extérieur. À défaut, les animaux tentent de se cacher dans les dernières bandes travaillées ou, tétanisées, elles restent piégées. Chaque passage d'outil (faucheuse, déchaumeur...) entraine la mort de 15 à 20 % du petit gibier présent dans les parcelles.

 

5. Maintenir des chaumes et couverture des sols

Toute aussi utile : le maintien des chaumes de céréales lors du semis de CIPAN pour la période de l’interculture. « La conservation des chaumes permet le maintien dans les parcelles des oiseaux des champs, comme la caille des blés, pour qui le chaume est le milieu de vie indispensable. Cette espèce peut se reproduire et élever ses jeunes uniquement dans les parcelles et chaumes de céréales. Les déchaumages précoces leur sont donc extrêmement préjudiciables. Les couverts d’interculture ont, quant à eux, un rôle de stockage des nutriments et de protection de la surface du sol contre l’érosion ou les excès du climat. » Autant de facteurs bénéfiques pour la vie du sol et le potentiel de productivité d’une exploitation.

6. Aménager des nichoirs dans les bâtiments

Dernier levier simple à mettre en œuvre : aménager des nichoirs dans les bâtiments de l’exploitation, afin de favoriser la nidification de prédateurs d’insectes ravageurs. « L’exposition des nichoirs est essentielle : à l’abri des vents dominants, orientés à l’est ou au sud, au moins à 5 m de haut », rappelle Charles Boutour. La dimension des nichoirs varie selon les espèces.

Conserver des entrées dans les bâtiments permet aussi aux hirondelles, mésanges et chauves-souris d’y effectuer leur reproduction. Ces dispositifs ne constituent pas une garantie contre les ravageurs mais ils contribuent à réguler leur nombre lorsque la pression est modérée. Combinés et répartis sur l’ensemble d’un parcellaire, leurs effets positifs sont démultipliés. Pourquoi s’en priver ?

En savoir plus« Céréales et biodiversité : une synergie à réaffirmer », 52 pages, disponible gratuitement en pdf sur agrifaune.fr

 

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